[ REPORTAGE ] Des toitures solaires et citoyennes dans le Morbihan

Publié le ven 24/05/2019 - 15:54

Par Marie Lyan.

En Bretagne, une vingtaine de projets citoyens de centrales solaires sont en cours de création. Plus discrets et plus petits que les projets de Bonnemain, en Ille-et-Vilaine et Baud dans le Morbihan, ils entendent tirer profit d’espaces rapidement disponibles. Reportage à Lorient, où une centrale a été installée sur le toit d’une Biocoop.

Dans le quartier de Keryado à Lorient, dans le Morbihan, les avions survolent les toits des grandes enseignes. Au cœur de la zone commerciale, la surface des bâtiments se compte en centaines de mètres carrés. Les toitures aussi. Au-dessus d’un magasin du réseau Biocoop, Jean-Luc Danet va à la rencontre d’un ouvrier qui tire des câbles électriques. Dans son dos, une mer de panneaux aux cellules noires et brillantes occupe la quasi-totalité de l’espace. Depuis 15 jours, cet ancien professeur d’anglais suit la pause de 120 panneaux qui produiront de l’électricité directement destinée à cette moyenne surface commerciale. « C’est le quatrième projet de centrale citoyenne que nous réalisons à Lorient », raconte le vice-président de Bretagne énergie citoyenne.

La transition énergétique par le bas

Créée il y a 10 ans, cette association a initié sa première centrale solaire en 2009, à Mellac, sur le toit d’un magasin alimentaire appartenant lui aussi à Biocoop. « Notre souhait est d’agir concrètement pour le développement des énergies renouvelables et pour la transition énergétique. Pour y parvenir, nous avons choisi de créer deux sociétés dans lesquelles les citoyens peuvent investir et s’investir », explique-t-il. Après la société anonyme Toit de Mellac, Bretagne énergie citoyenne a lancé OnCIMè en 2015. Contrairement à l’initiative précédente, OnCIMè se veut « multiprojets ». Autre différence, cette nouvelle venue dans le paysage des centrales citoyennes ne fait pas de revente d’électricité. Les panneaux et la centrale photovoltaïque qu’elle loue sont dédiés à l’autoconsommation. Et la dynamique est enclenchée. À ce jour, deux clients ont répondu présents, la Ville de Lorient et le magasin de Keryado.

« L’intérêt, c’est de participer à la transition énergétique »

Jean-Luc Danet, fondateur de OnCIMè

Avec le système imaginé par OnCIMè et la Ville de Lorient, la consommation d’énergie de la municipalité lui coûte moins cher quand elle produit elle-même son électricité avec les panneaux loués. Ici, sur le toit d’un CFA, lors du chantier participatif d’installation fin 2017. © BEC

 

Acteur public ou privé, la formule intéresse. « En 2010, nous cherchions à louer les toits municipaux pour y produire de l’électricité, mais le moratoire gouvernemental sur le prix de revente de l’électricité a ébranlé le projet », explique Pierre Crépeaux, responsable du service environnement de la ville de Lorient. En interne, un technicien propose alors de tester l’autoconsommation et installe des panneaux sur le toit d’une école. Le test est concluant. Restait à accoler la dimension « pédagogique et citoyenne » que la Ville souhaitait ajouter à la démarche. La rencontre avec Bretagne énergie citoyenne boucle la boucle. Depuis 2015, quatre petites centrales ont été installées sur la mairie, deux écoles et le toit d’un centre de formation des apprentis. Soit plus de 380 panneaux achetés par des citoyens, puis posés, loués et entretenus par la Mairie. « Ces projets ont fait l’objet d’un appel d’offres. OnCIMè se différencie, car elle assure aussi des animations dans les écoles ou pour les citoyens sur les énergies renouvelables. Pour nous, c’est un volet indispensable », poursuit Pierre Crépeaux. Également convaincues par le concept, plusieurs communes de l’agglomération lorientaise pourraient reprendre la formule à leur compte.

Pas de spéculation

Dans le paysage des centrales citoyennes bretonnes (lire l’encadré page 18), le projet de OnCIMè se distingue par son système d’achat de panneaux puis de location mais aussi par l’autoconsommation. Quant à celui du quartier de Keryado, la singularité est double puisque le système de location ne se limite pas aux seuls panneaux. Dans ce cas, c’est la centrale tout entière que possèdent et que louent les sociétaires, panneaux, câbles et onduleur compris. « C’est un projet un peu plus risqué et un peu plus cher aussi à mettre en œuvre », témoigne Jean-Luc Danet. Avant de redescendre du toit pour faire le point avec le responsable du magasin, il plaisante : « Voilà où nous en sommes ! Des militants écolos qui doivent aussi se former avec des comptables et des juristes pour que la société fonctionne correctement. » Mais attention, prévient-il, pour eux, pas question de « faire de l’argent. La gouvernance d’OnCIMè est participative, le rendement financier est de 1 % et il est non spéculatif. Le montant de l’action est voté par les actionnaires citoyens en assemblée générale. L’intérêt, c’est de participer à la transition énergétique », résume-t-il.

Une centaine d’actionnaires

Dans les faits, 82 actionnaires ont participé à financer les 11 484 euros nécessaires aux trois premiers projets. Avec le dernier projet de Keryado, 43 000 euros ont été récoltés en incluant 24 nouveaux actionnaires qui ont chacun acheté au moins 1 action dont la valeur est de 261 euros.

« Grâce à cette centrale, nous produirons un tiers de l’électricité que nous consommons », se réjouit Mikaël Coroller, président du directoire de la coopérative de consommateurs 7 épis, propriétaire du magasin Biocoop de Keryado. Côté finance, le prix de location ne subira pas les variations du prix de l’électricité, car il est fixé pour 15 ans. À cette échéance, la centrale sera amortie et, malgré la baisse de productivité naturelle du matériel, les panneaux produiront encore 80 % de la capacité actuelle. Du sur-mesure pour une énergie en circuit court.

 

Plus d’infos :

energie-partagee.org/projets/oncime

www.biocoop.fr

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