De l'or dans nos POUBELLES

Publié le mar 26/09/2017 - 15:45

En 50 ans, le volume des ordures ménagères françaises a augmenté de 63 %. Un énorme marché sur lequel naviguent une multitude d’acteurs, du grand groupe international à l’association d’insertion. Collecte, recyclage, traitement… Le business des déchets s’est largement diversifié ces vingt dernières années. À l’heure où la réduction des détritus devient un objectif majeur, la manne financière engagée ne cesse, quant à elle, de grossir...

Par Virginie Jourdan

Les déchets, ça rapporte

Les poubelles ont de beaux jours devant elles. Chaque année, en France, la moitié de la matière mobilisée pour la consommation intérieure devient un déchet. Si ces volumes se contractent depuis 2010, l'activité économique qu'ils génèrent reste juteuse. Dans l'Hexagone, 9000 entreprises se partagent les secteurs de la collecte, du traitement ou de l'élimination des détritus. Et cumulent un chiffre d'affaires avoisinant les 21,9 milliards d'euros.

Marchandise comme une autre, les rebuts jetés par les consommateurs et les entreprises alimentent aussi le marché international. En 15 ans, la valeur des déchets français –exportés pour du recyclage ou de la valorisation énergétique – a été multipliée par deux. Ces exportations de métaux, cartons et papiers représentaient 4,3 milliards d'euros en 2015.

Un coût pour le public

En amont, les communes et intercommunalités voient leurs dépenses s'envoler. Collecte, tri et traitement des poubelles, le poids financier de cette mission augmente à un rythme plus élevé que le PIB. Estimé à 16,7 milliards d'euros en 2013, il a été multiplié par 4 en 20 ans. Si la moitié des communes font encore le choix de gérer directement leur collecte, l'activité de traitement est, elle, largement déléguée à des groupes privés. Centres de tri, usines d'incinération ou centres d'enfouissement, les équipements sont souvent exploités par des géants comme Veolia et Suez. Mais aussi Paprec, Nicollin ou le groupe Séché. « Quand on arrive sur des techniques plus lourdes de traitement, c'est le privé qui prend le relais. Les syndicats de gestion locale n'ont pas forcément l'assise financière nécessaire », observe Laura Châtel de l'association Zero Waste, anciennement Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid).

Complexe, l'organisation de ces marchés et le contrôle de leur efficacité interroge parfois. C'est le cas à Montpellier où l'outil de méthanisation du groupe Suez,, inauguré en 2008, et qui permet de transformer les déchets organiques en biogaz afin de produire de la chaleur et de l'électricité, est fortement critiqué par la Cour des comptes. En 2017, cette dernière considère encore que l'équipement « a coûté deux fois plus cher que prévu » avec une efficacité qui « reste à prouver ».

Cécité volontaire ou impuissance des élus locaux, certains cas ont aussi marqué les esprits. En 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé la condamnation de deux filiales du groupe méditerranéen Pizzorno Environnement qui avaient été condamnées en appel pour avoir exploité, sans autorisation, une installation de stockage de déchets inertes à Bagnols-en-Forêt, dans le Var. Plus de 80 000 tonnes de mâchefers issus de l'incinérateur d'Antibes y avaient été déversées en 5 ans. Outre l'impact environnemental, la fraude avait coûté 800 000 euros de pertes de recettes pour l'Éetat, qui n'avait pas touché les taxes liées aux activités polluantes. Autres exemples ? Celui de Louis Nicollin, patron du groupe Nicollin aujourd'hui décédé, qui a été condamné à un an de prison avec sursis, en 1997, pour corruption d'élus suite à l'obtention d'un marché des ordures de Saint-Denis de la Réunion. Ou, toujours en cours, l'affaire Guérini qui secoue le secteur des déchets à Marseille depuis 2010 pour l'attribution douteuse de contrats de collectivités territoriales à des sociétés détenues par le frère du sénateur Jean-Noël Guérini et continue d'entacher l'image du milieu.

« Les déchets restent une filière qui connaît des infractions pénales. Les condamnations sont pourtant rares car il est très compliqué d'avoir des informations », estime Thibault Turchet, juriste spécialisé dans la question des déchets, pour l'association Zero Waste France.

Des efforts de transparence

De quoi conclure à une jungle débridée ? Non. Si les activités frauduleuses n'ont pas disparu, les marchés publics ont quant à eux gagné en transparence et en efficacité, notamment depuis les lois Sapin de 1993 et 1995 sur la prévention de la corruption, les marchés publics et délégations de service public. « Ces lois ont obligé à plus de transparence sur le contenu des marchés en mettant également plus d'objectifs de résultats », confirme Jean-Christophe Pouet, chef du service mobilisation et valorisation des déchets à l'Ademe. Une tendance que confirme Vincent Le Blan, délégué général de la fédération des acteurs de la dépollution et des déchets : « Les collectivités demandent aujourd'hui plus de résultats. Le marché s'est transformé et de nouveaux acteurs émergent. La taille du gâteau a baissé et le nombre d'acteurs a augmenté », conclut-il.

Un maillage à revoir

Les marges de progression demeurent pourtant. Alors qu'en 2016, la Commission européenne a jugé que « les capacités de traitement sont suffisantes » en France, de nouveaux projets restent sur les rails. Parmi eux, la fabrication de combustibles solides de récupération (CSR) concoctés à partir de déchets. D'abord destinés aux fours des usines de cimentiers, ils sont dorénavant pressentis pour générer de la chaleur ou de l'électricité. À Carhaix, en Bretagne, ils devraient bientôt chauffer une unité de fabrication de poudre de lait. À Béziers, la nouvelle usine de valorisation Valorbi, voulue par l'agglomération, ambitionne elle de se tourner vers la production de ces combustibles. « C'est le nouveau mirage économique promis aux collectivités », commente Laura Châtel, de Zero Waste. L'association recommande la prudence. Au delà de la qualité du combustible, ces usines doivent, selon elle, « avoir un caractère reconvertible ». Et anticiper la réduction des déchets. « Il ne faudrait pas que ces technologies deviennent des aspirateurs à poubelles », prévient également Thibaud Saint-Aubin, coordinateur du réseau de prévention des déchets pour France Nature Environnement.

Ré-emploi versus recyclage

De leur côté, recyclage et ré-emploi font leur chemin. Parmi les 5600 structures recensées par l'Ademe en 2015, 40 % appartiennent au secteur de l'économie sociale et solidaire. C'est le cas de la Fédération Envie et de ses 50 entreprises d'insertion spécialisées dans les déchets électriques et électroménagers. Depuis sa naissance en 1984, le réseau a assis sa place dans l'univers du ré-emploi. « Nous faisons aujourd'hui le travail d'acteurs classiques. La différence, c'est que la base de notre métier reste de créer des emplois en insertion », insiste Olivia Stauffer, salariée de la fédération. Appelés à durer, ces marchés intéressent maintenant les grands groupes. Chez Envie, plusieurs unités de démantèlement sont dorénavant co-gérées avec Veolia ou Derichebourg, comme à Rennes et Toulouse. Des ententes dangereuses ? Pas pour la fédération. Selon elle, ces partenariats permettent de profiter d'infrastructures et d'assurer des « compétences transférables » à ses salariés. Même optimisme pour Benjamin Deceuninck, gérant d'une Scop qui anime une filière de reconditionnement d'ordinateurs près de Marseille. Pour lui, « il y a de la place pour tout le monde sur ce marché ». Reste la question centrale de la réduction des déchets. Si tout se passe comme l'ambitionne la loi de transition énergétique et pour la croissance verte, les volumes de déchets ménagers à collecter et traiter devraient encore baisser de 10 % en 2020. Ceux arrivant dans les structures de valorisation devraient se réduire de 65 %. Quant aux derniers rebuts envoyés en déchetterie, leur cure d'amaigrissement est fixée à 50 % en 2025. Des chiffres qui n'affolent nullement au royaume des déchets. 

Plus d'infos : 
www.zerowastefrance.org/fr
Le rapport des amis de la terre sur les dessous du recyclage : http://bit.ly/2xfnLwr
Les déchets en France : chiffres clés de l'Ademe : http://bit.ly/2wV7lak

 

 

UN CHIFFRE

324,5 millions de tonnes de déchets ont été produits en France en 2014. C’est certes deux fois moins qu’en 2009. Mais 63 % de plus qu’en 1960...

 


Le « pollueur-payeur » fait son chemin...

Depuis les années 1990, le coût lié à la collecte et au traitement des poubelles des ménages a été multiplié par quatre. Pour faire face à ce défi budgétaire, les collectivités expérimentent des solutions. Parmi elles, l'application d'un principe pollueur-payeur pour les foyers.
Par Virginie Jourdan

En 2014, 64 communes d’Ille-et-Vilaine appliquaient déjà la redevance incitative. Depuis 2017, 17 nouvelles communes à l’est de Rennes ont opté pour une redevance allégée : une ristourne de 5 euros pour les ménages qui réduisent leurs déchets et augmentent les gestes de tri.

Les poubelles ont un coût et leur gestion pèse de plus en plus sur les communes et collectivités. Depuis 1990, les dépenses liées à leur collecte et traitement ont augmenté à un rythme 2 à 3 fois plus élevé que celui du produit intérieur brut. Sur les territoires, la maîtrise des flux de déchets devient prioritaire. Parmi les solutions explorées : mettre les ménages à contribution, en leur appliquant le principe du pollueur-payeur via la tarification incitative.

Créée au milieu des années 2000, cette dernière permet aux collectivités de moduler les taxes locales ou les redevances liées aux déchets, en fonction des volumes déposés par chacun. Peu répandue, la solution concerne aujourd'hui seulement 10 % des ménages français et 200 collectivités. Malgré un retour positif porté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la formule a du mal à séduire.

Un sujet délicat

Tarification réelle au poids ou forfaits calés sur la fréquence des collectes, la diversité des systèmes retenus localement témoigne de la complexité de sa mise en place, notamment auprès du public. « Parler de tarification incitative n'est pas forcément compréhensible pour la population », confirme Jérôme Marquet, directeur général d'un syndicat de gestion des déchets couvrant 17 communes dans le nord de l'Ille-et-Vilaine. Sur ce territoire, l'idée chemine depuis plusieurs années et la pesée des poubelles se fait depuis 10 ans. Pourtant, la ristourne de 5 euros appliquée aux ménages qui renoncent à être collectés toutes les semaines n'est mise en place que depuis cette année. « L'étape est symbolique mais les résultats sont là », affirme Jérôme Marquet. En moins d'un an, 70 % des 15 000 foyers concernés ont renoncé aux levées hebdomadaires. Sur la même période, le syndicat a constaté que le volume des ordures classiques a baissé de 7 % tandis que la collecte sélective des emballages légers a augmenté de 2 kg par habitant. En termes d'économies financières, le syndicat a également baissé sa facture de collecte de 100 000 euros, soit de 10 % par rapport à l'année précédente.

Jeter moins et trier plus

Instaurée dans l'Ouest et l'Est, la tarification incitative est en revanche encore quasi-inexistante dans le sud de la France. « Il y a une volonté réelle des acteurs locaux de baisser la production des déchets, les projets se multiplient, mais la région reste une mauvaise élève », concède Amanda Bouard de France nature environnement PACA. À l'est de Gap, le territoire du Guiestrois-Queyras, dans les Hautes-Alpes, a décidé de passer à l'offensive.

À Eygliers, 200 foyers testent depuis un an le contrôle du volume de leurs déchets. Leurs anciens bacs de dépôt ont été remplacés par des tambours automatisés qui effectuent les pesées. Pour y accéder, les usagers utilisent un badge individuel qui enregistre les données. « Une manière de les inciter à trier davantage pour jeter moins de déchets ultimes », explique Sylvain Maisonneuve, du syndicat de gestion local. Une manière aussi d'amener en douceur l'idée d'une tarification incitative. D'après le syndicat, 95 % des foyers testés ont utilisé leur badge et au moins 26 % se sont mis à trier ou ont installé un composteur chez eux. Avec cette nouvelle organisation, la collectivité pourrait diminuer la facture de l'enfouissement de 26 % par an. Et obtenir 46 % de recettes annuelles en plus avec la revente des matériaux recyclés. Pas de certitude en revanche, sur la généralisation du test sur l'ensemble des 16 communes. Ni sur la mise en œuvre d'une tarification incitative. « C'est un sujet encore très délicat », témoigne un proche du dossier. La décision sera annoncée au cours du dernier trimestre 2017. Si l'intercommunalité choisit d'appliquer une tarification incitative, elle sera la première de la région PACA à sauter le pas. Un sillon que d'autres pourraient bien avoir envie de creuser par la suite...

Plus d'infos :
La tarification incitative, c'est quoi : http://bit.ly/2wKv0vH
Le bilan 2014 de l'Ademe : http://bit.ly/2eNRHsL


INTERVIEW

Mathieu Durand : « Ne faire que deux pas au lieu de dix… »

Propos recueillis par VJ

Géographe au laboratoire ESO-CNRS de l'Université du Maine, Mathieu Durand est responsable du master « Management et ingénierie des déchets-Économie circulaire ». En 2015, il a co-écrit un ouvrage inspiré par des innovations locales issues de citoyens ou de collectivités.

Que nous disent nos déchets sur le mode de vie des Français ?
Le poste alimentaire des ménages baisse car les déchets organiques prennent de moins en moins de place. Depuis quelques années, nous voyons une baisse des ordures ménagères et une hausse du tri sélectif et de l'apport en déchetterie. Est-ce que cette partition permettra de baisser l'ensemble des volumes ? Pas sûr.

Pourquoi gérer des déchets coûte-t-il de plus en plus cher ?
On a longtemps cru que réduire les déchets reviendrait à baisser les coûts. Ce n'est pas le cas. Les règles environnementales en matière d'enfouissement ou d'incinération sont de plus en plus strictes et les techniques de tri et de traitement plus pointues. On oblige aussi à valoriser davantage de flux. C'est le cas pour les déchets organiques : il y a une tension parmi les acteurs pour savoir qui va récupérer ce flux.

Céder ces marchés au privé est-il une fatalité ?
Non. Pour les déchets organiques, on peut imaginer que la gestion reste à un niveau très local. Le mieux serait de créer des composteurs. Cela pourrait se faire dans le cadre d'un marché remporté par une entreprise, une association ou via une gestion directe par des citoyens, par la collectivité… Tout cela se mettra en place d'ici 2022.

Les déchets sont-ils une marchandise comme une autre ?
Oui, le métal, le papier ou le carton sont stockés, revendus comme une matière première classique puis à nouveau transformés en matière « première » secondaire. La Suède, l'Allemagne importent aussi des déchets pour faire fonctionner leurs incinérateurs. Le débat monte. Doit-on classer ces déchets, valorisables en énergie, dans l'économie circulaire ? Doit-on qualifier cette production de chaleur ou d'électricité comme renouvelable ?

En faire une économie ne risque-t-il pas d'enrayer la réduction des déchets à la source ?
La question est : les unités de recyclage ou de valorisation énergétique anticipent-elles la baisse des matières premières et secondaires ? L'économie circulaire, il ne faut pas l'oublier, induit d'abord une baisse de la matière première dès la conception du produit. Elle a eu l'avantage de réconcilier deux acteurs et deux logiques : l'environnement et l'économie, mais l'inconvénient est que sa définition s'est diluée. Nous risquons de ne faire que deux pas alors qu'on aurait pu en faire dix.

À lire : Gestion des déchets. Innovation sociale et territoriale, Mathieu Durand, Yamna Djellouli, Cyrille Naoarine, Presse universitaire de Rennes, 2015, 302 p., 20 euros

 


REPORTAGE

À MIRAMAS, ÇA SENT MAUVAIS POUR LES DÉCHETS

Par Laurie Abadie et Justine Carnec

Comment une ville peut-elle être pilote sur le sujet des déchets sans en avoir la compétence ? Réponse à Miramas (13), lauréate 2014 de l’appel à projet « Territoire zéro déchet, zéro gaspillage ». Si la gestion et le traitement des déchets sont à la charge de la métropole Aix-Marseille, la commune démontre qu’elle peut contribuer à leur réduction, en mobilisant des acteurs locaux.

D’octobre 2015 à mai 2016, 17 familles de Miramas se sont engagées à réduire leurs ordures ménagères résiduelles de moitié. © Marion Bouillet / Ville de Miramas


Une ville de 26 000 habitants peut-elle ne plus produire de déchets ? À Miramas, c'est devenu un idéal à atteindre. Si la commune n’a plus la compétence des déchets depuis les années 1990, elle veut néanmoins avoir un impact sur leur réduction. Et doit donc en passer par la sensibilisation. Pour cela, la collectivité a reçu des financements de l’Ademe*, en 2015, à l’issue de l’appel à projet national « Territoire zéro déchet, zéro gaspillage », lui permettant de mener un programme d'actions locales concrètes.

Être exemplaire pour mobiliser

« Avec ses 800 agents, la ville est le plus gros employeur à Miramas. Notre responsabilité sociétale est forte », affirme Véronique Arfi, responsable de l'animation du programme. Elle mise désormais sur l’éco-conceptiondes événements municipaux. « Nous essayons de minimiser leur impact », précise l’animatrice, qui espère inspirer un « effet boule de neige ».

Pour mobiliser les habitants, un défi est organisé en octobre 2015. Dix-sept foyers vont, en huit mois, diviser par deux leurs ordures ménagères. Pour la deuxième session du concours, elles sont 50, issues de tous les quartiers de la ville. « Il n’y a pas que des bobos qui font le tri », insiste Fabrice R., engagé dans ce challenge depuis mars. Chargé du contrôle du ramassage des ordures ménagères, il est habitué aux incivilités. Et son engagement lui a permis de rencontrer des Miramasséens sensibles, comme lui, à l’écologie.

Du côté des commerçants locaux, douze se sont engagés dans ce défi du zéro déchet. Pour eux, pas d’objectif quantitatif, mais une invitation à réduire significativement leurs déchets et un projet de label de commerçant engagé ? Ce dernier vise, selon Véronique Arfi, à «sensibiliser les consommateurs ».

Réduire par la coopération

Cette démarche préventive et positive concerne également des industriels du territoire. Au début des années 2000, Fabrice Vallière a fait de son imprimerie une entreprise plus éco-responsable. Il obtient ainsi le label Imprim’vert, puis la certification PEFC, censée garantir une gestion durable des forêts. En 2010, il s’engage dans une politique de responsabilité sociétale. « Dépasser l’aspect économique permet un partage de valeurs communes au sein d'une entreprise. Quand je me lève le matin, c’est ce qui me motive », affirme-t-il. Depuis 3 ans, ses locaux sont passifs et l'imprimerie participe à la valorisation du papier sur le territoire. Ses déchets sont récupérés par l’entreprise d’insertion locale ECOCAP. Puis sont utilisés, après un tri, par Arjowiggins, fabricant de papier à Château-Thierry (02), avant un retour à l’imprimerie. Un cercle vertueux d'économie circulaire auquel participent déjà 50 entreprises. La ville accompagne ponctuellement les entreprises dans leurs démarches mais elle participe surtout en mettant en relation les différents acteurs. « On ne peut pas compter uniquement sur une ville ou ses acteurs pour changer un territoire. C’est une synergie, on doit travailler ensemble », résume Fabrice Vallière

À Miramas, la mobilisation autour du zéro déchet a abouti à la fin 2016 à une réduction de 7 % des ordures ménagères. Un chiffre que la mairie espère voir augmenter, et qu’elle célébrera du 23 au 25 novembre 2017, à l’occasion des Rencontres internationales du zéro déchet.

Plus d'infos : 

www.miramas.fr
www.miramas-sengage.fr


 

INTERVIEW

Christian Duquennoi : « Déchets : mieux vaut réduire que que recycler ! »

Christian Duquennoi est physicien, chercheur spécialiste de la valorisation des déchets à Irstea (Institut national se recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture). Passionné, il est aussi l’auteur du livre Les Déchets, du big bang à nos jours paru aux éditions Quae en 2015.
Propos recueillis par Virginie Guéné

Les matières issues du recyclage représentent 50 % des matières premières utilisées. Cela signifie que beaucoup de matériaux se recyclent. Qu’est-ce qu’on se ne sait pas recycler aujourd’hui ?
D’un point de vue technique, il n’y a plus grand-chose qu’on ne sait pas recycler. En général, ce qui freine le recyclage, ce sont les questions de faisabilité économique, de rentabilité. Le recyclage n’est qu’un outil de gestion dans une palette d’outils de l’économie circulaire. C’est la vertu des fameux trois 3 R (Réduire-Réutiliser-Recycler). Il vaut mieux réduire la production de déchets que réutiliser les matériaux. Le recyclage demande de la technicité, du temps et de l’énergie. Il a des impacts qu’il faut prendre en compte : production de déchets, émission potentielle de polluants, consommation d’énergie. Tout cela a un coût environnemental. Certaines techniques de recyclage, même si elles sont maîtrisées, ne seront pas utilisées parce que trop coûteuses d’un point de vue économique, environnemental ou énergétique. Il faut que des filières locales se mettent en place. Le problème du recyclage est complexe et doit être regardé quasiment au cas par cas.

Les déchets organiques représentent une part très importante de nos poubelles… L’avenir, est-ce leur biodégradation ?
Les biodéchets représentent pratiquement la moitié des déchets produits en tonnage. Là il y a des voies qu’on qualifie souvent de « traditionnelles » ou « low-tech ». La première, c’est le compostage, la façon la plus ancienne, naturelle et directe de valoriser des biodéchets. Mais il faut se méfier. On dit souvent que composter c’est facile, que tout le monde peut le faire. Ce n’est pas aussi vrai que cela, parce que quand le compost est mal fait, pas suffisamment aéré, des zones vont se dégrader en l’absence d’oxygène. Et des bactéries anaérobies vont prendre le relais, en produisant du méthane et du protoxyde d’azote. À petite échelle, dans son jardin, cela ’a peu d’incidence, mais sur de grands volumes, les conséquences ne sont pas les mêmes. La seconde voie est la méthanisation. Il s’agit dans ce cas de faire volontairement travailler les bactéries anaérobies, en l’absence d’oxygène, dans un réacteur étanche. On va alors récupérer le biogaz produit (mélange de dioxyde de carbone et de méthane) pour le valoriser comme combustible pour produire de la chaleur ou de l’électricité, ou comme biocarburant.

Et dans votre laboratoire ?
Puisqu’on parle d’avenir… dans le labo d’Irstea, nous travaillons sur des technologies émergentes pour transformer les molécules organiques présentes dans les déchets. Et produire ce qu’on appelle des molécules plate-formes, pour faire de la chimie verte. Il s’agit de créer des produits qui remplaceraient ceux issus de la pétrochimie. Ces technologies sont à l’état d’expérimentation mais on essaie de les porter à l’état de prototypes pré-industriels. C’est le cas du projet de bioraffinerie des déchets Biorare*. La bio-raffinerie environnementale regroupe toutes les technologies qui vont permettre de transformer les molécules présentes dans les biodéchets en ressources, grâce au travail des micro-organismes. À ’Irstea, on oeuvre à tout cela, en prenant en compte le calcul économique, le coût carbone et l’impact environnemental !

Qu’est-ce que vous cherchez à produire concrètement dans votre laboratoire ?
Des acides carboxyliques, et plus particulièrement des molécules à forte valeur ajoutée, qui ne sont pas produites en grande quantité par l’industrie, déjà existantes, pour une question de calcul économique. Même si l’on produit beaucoup de biodéchets dans le monde, la ressource reste limitée à proximité. Et l’intérêt reste de la produire localement, pour ne pas avoir des biodéchets qui circulent d’un bout à l’autre de la planète.
Pour être concret, à l’échelle industrielle on pourrait produire d’ici 5 ans environ des molécules pouvant être utilisées pour faire des solvants, s’incorporer comme additifs dans des peintures, des vernis ou du ciment. Pouvoir même réaliser des bétons de haute qualité, des lubrifiants industriels. Mais probablement pas des produits de consommation courante !

* Le projet Biorare a été financé par le programme « Investissements d’avenir » du Commissariat général à l’investissement.

Plus d’infos : www.irstea.fr


INITIATIVE

Ils réinventent la déchetterie !

En 2017, près de 200 territoires français sont labellisés dans leur démarche de zéro déchet. Parmi les solutions ? L'ouverture de déchetteries nouvelle génération comme à Vayres, en Gironde, et Rennes, en Ille-et-Vilaine.
Par Virginie Jourdan

Un supermarché gratuit en Gironde

Le SMICVAL Market, supermarché inversé et gratuit. © Smicval

Depuis avril dernier, les habitants des 138 communes du Libournais, à l'est de Bordeaux, peuvent déposer ou récupérer gratuitement des objets usagers dans une immense galerie de 5000 m2 située à Vayres. Rayons high-tech, décoration, jardinage, enfance, préau dédié aux matériaux, zone réservée aux végétaux pour se confectionner du paillage ou encore stockage de gravats à récupérer, le SMICVAL Market est un véritable supermarché inversé et gratuit, dans lequel le don des uns répond au besoin des autres. Imaginé par le syndicat de gestion des déchets du territoire, il vise à « redonner de la valeur d'usage aux objets et matériaux en leur offrant une seconde vie ». Et à augmenter le taux de recyclage des habitants du secteur. Dernier objectif : diminuer les apports de déchets non recyclables dont le traitement, en centre d'enfouissement a, selon Élodie Bittard du SMICVAL, « un coût économique et environnemental qui dure jusqu'à 30 ans après la fermeture d'un site » !

Plus d'infos : www.smicval.fr

Une ressourcerie à Rennes

La Belle déchette emploie 4 salariés et compte une soixantaine de bénévoles. En plus de la boutique, ses fondatrices ont ouvert un centre de collecte et de tri. © V. Jourdan

En 2015, Priscilla Zamord et Julie Orhant ont retroussé leurs manches, activé leur imagination et leur réseau pour lancer la première ressourcerie rennaise. Objectif : dépoussiérer l'univers des déchets. Depuis septembre, le local de la Belle déchette a ouvert ses portes dans le centre-ville. Dans les rayons, des lampes, bouilloires, vêtements et livres donnés par des citoyens ainsi que du bois, tissu ou Plexiglas, collectés dans des entreprises à des prix « volontairement abordables ». Outre les apports volontaires, les deux jeunes femmes ont un partenariat qui leur permet de sauver de la benne les costumes et décors que l'Opéra de Rennes ne peut pas stocker. Au carrefour du magasin d'occasion et de l'entreprise d'insertion, elles proposent aussi des ateliers de fabrication et de réparation, pour sensibiliser à « l'up-cycling » et développer « une conscience écologique, pas seulement économique ».

 

Plus d'infos : labelledechette.com

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