[INTERVIEW] Loïc Blondiaux : «la démocratie participative peut être inclusive»

Publié le mer 12/05/2021 - 10:57

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Loïc Blondiaux est professeur de science politique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur au CESSP(1) et au CRPS(2). Il est un spécialiste reconnu des théories de la démocratie et de la démocratie participative. Il a été membre du comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat.

 

Les nombreuses observations et études sur les dispositifs participatifs montrent que très souvent les effets attendus en termes de démocratisation ne sont pas vraiment réalisés. Comment l’expliquer ?

D’abord il est très difficile de mobiliser des citoyens qui ne se mobilisent pas déjà dans le cadre de la démocratie représentative : jeunes, classes populaires, d’origine étrangère… parce qu’ils n’ont ni le temps, ni le sentiment d’être légitimes à participer.

De plus, il faudrait changer la culture et les pratiques inscrites dans l’organisation même des collectivités et des administrations dans leur grande majorité. Il n’est pas facile pour les élus et agents d’accepter que la parole citoyenne puisse apporter une valeur ajoutée dans le processus de décision, d’être chahutés ou protestés dans des réunions. Il y a aussi une crainte d’ouvrir le débat.

Enfin, les objets sur lesquels on a invité les citoyens à participer ont souvent été secondaires ou marginaux (les budgets participatifs ne représentent que quelques pourcents par exemple, NDLR). Ceci n’incite pas les citoyens à se mobiliser et à donner de leur temps. Et la relative atonie de la démocratie participative institutionnalisée, par rapport au dynamisme de la société civile pour défendre ses convictions, laisse penser que les citoyens n’ont plus suffisamment confiance en les institutions.

Néanmoins, à l’instar de la Convention citoyenne sur le climat, des organisations de démocratie participative sont des réussites. Quelle est donc leur « recette » ?

Pour mobiliser, il faut 2 éléments essentiels. D’abord un enjeu : la participation citoyenne doit pouvoir changer les choses et avoir une influence. Puis des moyens d’encadrement, humains… pour établir des relations de confiance avec tous les groupes sociaux. À ces conditions, la démocratie participative peut être inclusive.

L’expérience montre que si l’on est rigoureux, avec une vraie volonté et sincérité, de prendre en compte les éléments issus de la participation, alors ça peut fonctionner. C’est un changement progressif auquel on assiste maintenant.

L’échelle régionale vous semble-t-elle un bon échelon pour la démocratie participative ?

L’échelon régional est un bon échelon par définition, mais comme tous les échelons d’ailleurs. En fait ce qui importe, c’est que la participation citoyenne puisse intervenir sur un pouvoir véritable des institutions. Or sur tous les domaines de compétence de la région, il y a motif à mettre en place des dispositifs participatifs. Le seul échelon aujourd’hui difficile, en termes de démocratie participative, devient l’échelon municipal car de moins en moins de pouvoirs sont en jeu sur ces territoires.

Finalement, dans quelle mesure la démocratie participative est-elle susceptible de compléter et d'enrichir la démocratie représentative ?

Aujourd’hui les citoyens sont loin de prendre les décisions ! Nous sommes dans une démocratie fondamentalement représentative qui possède des règles et des principes, qui font que même les majorités politiques et les élus ne peuvent pas tout faire. Pour autant, c’est le président élu qui garde le dernier mot. Ce qui pose un problème évident : ce président revendique une part considérable du pouvoir alors que l’élection présidentielle ne lui a fourni qu’une légitimité faible, de l’ordre de 20 % généralement (résultat au premier tour, NDLR). Dans ces équilibres de pouvoir, la parole citoyenne pourrait donc être recueillie et prise en compte. La décision devrait pouvoir être au moins débattue avec le citoyen. Que ce dernier puisse enrichir la décision. C’est la seule solution pour que la démocratie représentative puisse, selon moi, perdurer.

 

Note de bas de page

[1] Centre Européen d'Études Sociologiques et de Science Politique

[2] Centre de Recherches Politiques

 

La démocratie participative, qu’est-ce que c’est ?

La démocratie participative réunit des expériences aussi diverses que les conseils de quartier, les consultations de citoyens, les sondages délibératifs, les forums sociaux, les pétitions en ligne, les actions en justice… On a donc affaire à une catégorie relativement floue et derrière ces démarches de démocratie participative, à des projets politiques très différents, voire antagoniques.

 

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