[INTERVIEW] Nicolas Escach : « La transition n’est pas une matière, c’est une méthode »

Publié le lun 13/09/2021 - 17:22

Propos recueillis par Quentin Zinzius

Maître de conférences en géographie et aménagement, Nicolas Escach est directeur, depuis septembre 2019, du campus caennais de Sciences Po Rennes renommé « Campus des Transitions ». Pour lui, faire entrer la transition au cœur des programmes demande de la considérer comme une pédagogie, et pas seulement une matière à enseigner.

Les sujets de la transition écologique, économique et sociale sont-ils suffisamment abordés dans l’éducation des jeunes ?

Ce sujet a pris énormément d’ampleur ces dernières années mais est mal exploité. La transition est enseignée comme si elle était la même partout, or c’est une erreur. L’enseignement de la transition, pour être efficace, ne peut pas se contenter d’être généraliste. Il doit être personnalisé, adapté. Chaque territoire a ses spécificités, ses savoir-faire et ses ressources définies : ce qui fait un projet de transition sur un territoire ne trouvera pas forcément d’équivalent sur un autre. Alors pourquoi vouloir enseigner les mêmes choses partout ? Il ne s’agit pas seulement de transférer des connaissances de prof à élève, mais de construire un véritable échange en intégrant les enjeux du territoire et ses acteurs. Développer un socle commun de connaissances est essentiel, mais c’est insuffisant pour activer la transition.

Vous prônez un changement de méthode pédagogique ?

C’est une partie de la réponse. Les méthodes classiques ont leurs limites : être assis sur une chaise dans une salle de classe ne stimule pas la créativité qui est pourtant un moteur indispensable pour activer la transition. Car tout est encore à inventer ! Pour répondre aux enjeux de demain, l’éducation à la transition ne doit pas être abordée comme une matière, mais être utilisée comme une méthode pédagogique, applicable à tous les domaines. Les pays nordiques sont très en avance sur nous et sont donc de bons exemples. Parmi les méthodes qu’ils emploient, il y a notamment les cours en extérieur ou en marchant qui permettent de stimuler la créativité, de brasser les idées et de s’inspirer de ce qui se passe sous nos yeux. L’expérimentation devrait aussi prendre une part plus importante dans l’apprentissage. Prendre des initiatives, tester, essayer, c’est la meilleure façon de distinguer ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas.

Cette évolution doit-elle passer par une refonte de notre système éducatif ?

Complètement ! Il faut faire une révolution des matières, les décloisonner, les rendre perméables et surtout les mettre en lien avec les problématiques des territoires. Les établissements, à tous les niveaux, devraient se reconnecter à leurs territoires afin de développer leur approche de la transition autour d’enjeux concrets, en intégrant pleinement les élèves dans toutes les démarches. Ce n’est que de cette façon que l’éducation rentrera pleinement en transition : lorsqu’elle sera capable d’amener les élèves à observer, à créer, mais aussi à évoluer. Elle ne doit plus seulement servir à apprendre, mais aussi à savoir faire. Parce qu’elle doit leur enseigner les outils dont nous avons besoin aujourd’hui mais aussi, et surtout, leur apprendre à créer ceux dont nous aurons besoin demain.

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