[INTERVIEW] Antoine Burret : "L'essentiel dans le tiers-lieu, est l'intention de se rencontrer"

Publié le lun 05/04/2021 - 13:00

 Le Vesseaux Mère - La Trame / Crédit photo :Alexa Brunet

Propos recueillis par Élodie Crézé

 Antoine Burret est sociologue à l’Institut des Sciences des Services au Centre Universitaire d'Informatique de l’Université de Genève.(1) Impliqué dans la création et le fonctionnement de tiers-lieux en Europe(2), il revient sur les bases qui conditionnent la réussite et la durabilité d'un tiers-lieu.

Peut-on revenir sur les critères qui définissent un tiers-lieu ?

C'est un lieu de rencontre et de convivialité qui permet à des personnes de faire des choses ensemble. Ce sont des lieux où s'expriment de nouvelles formes de travail, d'hospitalité ou de production (coworking, fablab). L'essentiel n'est pas la forme que cela prend mais l'intention initiale d'une communauté de se rencontrer.

Pour qu'un tiers-lieu soit pérennisé, quelles sont les conditions indispensables ? Y a-t-il une méthodologie spécifique ?

Non, il n'y en a pas. La condition sine qua non pour que cela tienne reste cette intention commune de "faire ensemble". Ensuite, les différents moyens pour assurer la durabilité dans le temps dépendent des activités qui y sont menées, et du territoire dans lequel le tiers-lieu est ancré. Au-delà de l'idée de valeurs communes, il faut créer de la discussion, de l'antagonisme ! Il faut garder cette pluralité des typologies des tiers-lieux, qu'ils s'implantent dans les campagnes ou dans les quartiers urbains, et ne pas consacrer le tiers-lieu comme un objet de politique publique. Il faut aussi conserver, outre la diversité de formes, celle des financements, et du modèle choisi. Aujourd'hui nous sommes arrivés à une forme de maturité du marché des tiers-lieux.

Le gouvernement souhaite encourager le tiers-lieu afin de revitaliser les campagnes et certains quartiers urbains. Mais peut-il réellement dynamiser un territoire ?

J'espère, en comptant sur l'indépendance des acteurs de terrains, que les injonctions publiques ne vont pas déformer l'intention initiale des tiers lieux - celle de créer ce lieu de la rencontre et de la critique. Si un tiers-lieu se résume à accueillir des services publics par exemple, et qu'il est dépourvu de cette notion de lieu "ancré" dans son territoire qui accueille une forme de controverse, il perd de sa substance. En revanche, le croisement entre un service public et une autre activité est intéressant. Gageons que les moyens alloués pour les soutenir soient là pour préserver cette hybridité et ce "sortir de chez soi"qui les caractérisent. C'est comme cela qu'ils sont efficaces.

La Covid a-t-elle mis en lumière une certaine fragilité des tiers-lieux ?

Si la crise de la Covid a permis à de nouveaux tiers-lieux de s'inventer et a su montrer, sur tout le territoire, leur importance et leur rôle, elle a aussi mis en lumière certaines limites : notamment celle du modèle locatif comme base quasi unique de revenus. En revanche, ces espaces de rencontre, de réseau abritant des capacités techniques ont réellement pu aider des personnes. Dans un tel contexte, les tiers-lieux servent d'autant plus à recoudre ce qui est décousu...

  1. auteur d'une thèse « Étude de la configuration en tiers-lieu : la repolitisation par le service », d’articles et d’ouvrages édités notamment dans l'ouvrage Tiers-lieux et plus si affinités, chez FYP édition.

  1. Il a co-initié le programme Pouvoir d'Agir en Tiers-Lieux (PATL) soutenu notamment par la Fondation de France pour asseoir au travers des tiers-lieux les droits des individus et leurs capacités d’action et de reconnaître la force des communautés à faire – en complémentarité des acteurs et secteurs déjà institués (publics et privé). 

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