Crédit Quentin Zinzius
Par Quentin Zinzius
Alors que les campagnes se vident de leurs petits commerces, les Comptoirs de Campagne comptent bien enrayer le phénomène. En multipliant les services essentiels sans concurrencer les commerces déjà présents, la petite chaîne se développe et redonne vie aux villages excentrés.
Il est 9h du matin, ce samedi d’hiver, dans le petit village ligérien de Champdieu. Les vents chargés de sable teignent l’air d’une couleur ocre, et fouettent violemment les rues dans une ambiance presque apocalyptique. Pourtant, dans ce petit bout de campagne, l’heure n’est pas à la fin du monde, bien au contraire. Au milieu des rues désertes, une petite oasis met fin à l’illusion : le Comptoir de Campagne, seul commerce du village, accueille ses premiers clients.
Le sens du local
À l’intérieur, les sens s’affolent. L’odeur du pain chaud, les légumes colorés, le parfum des sachets de thés et autres tisanes… Une multitude de produits, qui portent pourtant tous une même indication : « produit de Forez », ou plus simplement, produit dans la région. Car dans cette boutique, la priorité, ce sont les circuits-courts. « Les légumes sont tous de la région, la viande est produite à quelques kilomètres, et les yaourts sont fabriqués dans le village d’à-côté ! » indique fièrement Corinne Juban, la gérante. Et ce ne sont pas les seuls : vins, pâtes à tartiner, jouets, cosmétiques et fleurs sont autant d’articles produits par des artisans locaux. « On privilégie également le bio quand c’est possible », ajoute-t-elle. Seule une minuscule partie du magasin, recluse dans un coin, propose des produits « standards » de grandes surfaces. « C’est du dépannage, ça permet aux habitants d’éviter une sortie en hypermarché pour un paquet de farine ou une boîte de gâteaux » explique la gérante.
Un multiservice à la carte
Et ce n’est pas la seule facette du magasin, dont Corinne est responsable depuis l’ouverture, en 2016. En effet, l’épicerie sert aussi de Poste et de point relais. Son emplacement a d’ailleurs joué un rôle important. « Nous sommes dans les anciens locaux de la Poste, qui a fermé en 2013. Alors quand on a ouvert le Comptoir, les gens ont vite repris l’habitude d’y déposer leur courrier » explique-t-elle. De fil en aiguilles, les habitants découvrent les autres services de l’enseigne : épicerie, cantine, cordonnerie, retouche de vêtements… « On est là pour leur délivrer des services essentiels, mais surtout, ceux qui ne sont pas déjà disponibles dans le village » explique Corinne. Car pour la commerçante, hors de question de concurrencer un artisan du bourg. « Par exemple, on n’accueillera jamaisd’esthéticienne » ajoute-t-elle, car un salon est déjà présent dans le village. En plus de ces services, une partie des locaux est également à disposition de commerçants extérieurs. « Le Crédit mutuel s’y installe par exemple tous les mercredis », indique la gérante, et plusieurs fois par mois, des séances de massages sont également proposées. « On cherche aussi à accueillir unopticien » précise-t-elle encore.
Un modèle qui se développe
Et le concept séduit. Depuis son ouverture, ce premier Comptoir de Campagne a été rejoint par 10 autres, principalement en région Auvergne-Rhône-Alpes. Les boutiques sont toutes en lien, et se réunissent régulièrement pour échanger sur le fonctionnement et l’avenir de leurs commerces. « On souhaiterait d’ailleurs ouvrir un nouveau Comptoir » annonce Corinne, avec cette fois une toute nouvelle ambition : « l’idée serait d’ouvrir le premier Comptoir franchisé et de développer ce modèle sur d’autres territoires ruraux !» Une ambition de taille, à l’heure où de nombreux commerces sont mis à mal par la crise sanitaire.
Les Comptoirs de Campagne, c’est quoi ?
Fondé par Virginie Hils, une entrepreneuse lyonnaise, le réseau des Comptoirs de Campagne a été labellisé Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESS) en 2016, pour son modèle de commerces multiservices en milieu rural. Le principe ? Trouver au sein d’un même commerce des produits locaux, des services du quotidien (pressing, cordonnerie, Poste, FDJ, Presse, Gaz, …), ainsi qu’une offre de petite restauration. Le réseau se compose aujourd’hui de 11 magasins, implantés dans le Forez (42), le Beaujolais (69-71) et le Dauphiné (38-73) et se développe désormais sous forme de franchise : la création d’un Comptoir se fait donc en étroite relation avec le réseau, qui organise régulièrement des réunions avec les volontaires.
