[EDUCATION] À Pignan, Cœur d’école propose une pédagogie autrement

Publié le jeu 13/04/2023 - 05:00

Légende : Nadège, codirectrice de l'école souligne « l'importance de ne pas hiérarchiser les différentes matières pour créer un équilibre entre les apprentissages académiques, artistiques, pratiques, et ceux en lien avec la nature. » Crédit : J.Dezécot

Par Julien Dezécot

A une poignée de kilomètres de Montpellier, Cœur d’école accueille des enfants de 3 à 13 ans pour leur faire classe différemment. Freinet, Montessori, Steiner, la pédagogie adoptée se veut plurielle avec, à la clé, l’expression libre des enfants, l’apprentissage de l’autonomie et l’entraide.

“Est-ce que vous savez ce qu’est la relaxation? demande avec enthousiasme Emilie, une maman d’élève, face à une dizaine d'enfants volontaires de 3 à 13 ans. Les enfants réagissent en témoignant de leurs expériences de bien-être mais aussi de stress : “ Quand je suis allée chez le dentiste, j’avais mal au ventre.” “Avant mon gala de danse, je sentais comme une boule vers mon coeur.” Emilie leur montre un exercice de respiration pour se détendre, puis le groupe se met à déambuler dans la pièce en chantant. Au signal, le groupe s’arrête et Emilie les guide vers le relâchement d’une partie spécifique du corps, puis tout le monde repart ! Les enfants s’allongent et se laissent guider par la douce voix de cette maman dans une visualisation apaisante : un voyage parmi des nuages colorés qui ont le pouvoir de leur apporter détente et bien-être.

A la fin de l’atelier, les enfants partagent leurs ressentis : “J’ai passé un bon moment, j’ai failli m’endormir, dit Khloé”. “Je me sens tellement sereine, c’était très cool, ajoute Zélie.” “Je me sens super bien! Tu pourras revenir nous faire un atelier massage?" renchérit Lucas. Emilie est formée à la sophrologie : “J’adore l’ouverture offerte par Cœur d’école aux parents! Je peux intervenir pour proposer ce qui m’anime au quotidien et voir la réceptivité et l’enthousiasme des enfants.”

Car l'école fonctionne avec la participation des parents. Chacun s'engage pour au moins 25h de bénévolat sur l'année, dans une logique coopérative. Selon les possibilités et compétences de chacun (garderie, ménage, ateliers, informatique…), tous mettent la main à la pâte et participent au bon fonctionnement de cette école associative, créée il y a cinq ans. Cet engagement collectif permet de maintenir les frais d'inscription relativement accessibles pour une école privée hors contrat (3800 euros par enfant et par an).

Des prises de décisions collectives

Apprendre à devenir autonome et responsable, c'est l'essence même de cet établissement qui puise sa pédagogie aux sources des enseignements Freinet, Montessori et d’autres principes démocratiques. « Les enfants apprennent à s’écouter mutuellement pour trouver des solutions créatives qui tiennent compte des besoins de chacun », explique Julie, enseignante et directrice de Cœur d’école.

Avant de s’engager à Cœur d’école, cette quadragénaire a testé ces pédagogies alternatives dans des écoles publiques pendant une vingtaine d'années. « Dans l'éducation nationale, explique-t-elle, j’ai essayé d’aborder les apprentissages autrement en testant plusieurs approches, mais j’étais trop contrainte par les limites inhérentes au système. » De Paris, direction Pignan où elle s’est installée, enthousiasmée par le principe multi-pédagogique. Qu'est ce qui change désormais ? « Nous avons 28 enfants répartis en deux groupes. J'ai deux fois moins d'élèves qu'avant et cela change complètement la qualité d’attention que je peux apporter à chaque enfant! La philosophie n'est plus la même puisqu'ils sont libres de circuler, de proposer des projets, d'exprimer leurs émotions et d’apprendre à leur rythme, le tout dans un cadre défini collectivement.»

Un laboratoire pédagogique

Parallèlement à l'atelier relaxation, Melvin, Léonie et Lisa, participent de leur côté à un atelier « fabrication de nichoirs pour oiseaux», sous l’œil bienveillant de Mickaël, trente-sept ans, enseignant depuis un an à Coeur d’école. Les enfants ont d’abord examiné un plan de fabrication trouvé dans un livre, puis ils ont reporté les mesures sur des planches en bois. Les éléments seront ensuite découpés à l’aide des instruments prêtés par Pascal, co-fondateur de l'école avec sa femme Sophie. Ce dernier est le propriétaire des lieux. Il vit au 1er étage de l'école dont il loue désormais le rez-de-chaussée à l'association. « Il est très bricoleur et a beaucoup d'outils ! », illustre un enfant. Âgé de 56 ans, Pascal a 4 enfants. Pour le dernier, l'enseignement classique n'a pas bien fonctionné. Face à cet échec, sa femme et lui se sont dit : « Et si l'on créait une école dans laquelle la coopération remplacerait la compétition ? » De ce rêve est né Cœur d'école et son fils s'est « réparé », reprenant confiance en lui.

Déambulant d'un enfant à l'autre, Mickaël accompagne les enfants dans la réalisation de leur projet de fabrication de nichoirs. Il organisera ensuite une sortie dans la nature pour aller les déposer dans les arbres. Enseignant référent du groupe des plus grands depuis un an, il vient de Marseilleil a enseigné pendant 6 ans dans l'éducation nationale.
Ce qui l'a séduit ici : pas d
e dogme, ni Montessori, ni Freinet, ni démocratique, une approche coopérative, des projets initiés par les enfants, le choix d’apprendre autrement … Mais surtout l'envie de créer collectivement un vrai laboratoire de recherche en éducation. J'étais convaincu que le multi-âge était une des clés des problèmes qui existent bien souvent dans les écoles. », souligne-t-il.
Comment décrire la pédagogie de Coeur d'école ? « C'est un enseignement de type Freinet poussé un peu plus loin, dans lequel l'enseignant n'est pas le seul chef d'orchestre », répond
Mickaël. Les enfants deviennent de plus en plus autonomes dans ce qu'ils décident d'entreprendre mais à condition que le groupe soit prêt, avec un cadre très structuré dans la journée et qui suit le socle des compétences établi par l’Éducation nationale.


Cœur d'école chemine ainsi avec une nouvelle philosophie pédagogique baptisée par Bernard Collot l’école du 3e type” dont l'idée est de mettre en place un système vivant pour accompagner progressivement le groupe vers une auto-organisation. « Ici c'est comme en permaculture : la diversité est valorisée et les interactions entre les enfants sont mises à profit dans le but de maintenir une dynamique de groupe harmonieuse, résiliente et durable.»

Une journée à Cœur d'école

Chaque jour, les enfants arrivent entre 8h30 et 9h10, selon les possibilités des familles qui vivent parfois loin. La matinée commence avec une réunion. Celle-ci débute par une « météo du cœur », sous forme de tour de parole, où chacun exprime son émotion du moment. Avec les plus petits, un réveil corporel est proposé. Suivi d'un « quoi de neuf ? », qui permet aux enfants d'apporter un objet de la maison et de le présenter. S'ensuit le temps des propositions : durant cet échange d’une quinzaine de minutes, les enfants peuvent proposer la mise en place d'une règle ou dun nouvel atelier, voire un changement d'organisation. Pour prendre la parole et faciliter l'écoute, chacun lève la main et attend que l’enfant qui détient le rôle de maître ou maîtresse de réunion la lui transmette. Les enfants de moins de 5 ans peuvent lire pendant ce temps participatif. Si un enfant dérange la réunion, il peut être averti, changer de place voire sortir du cercle.
S'ensui
vent des temps d'activités structurées en français et en mathématiques, seul ou en groupe, avec une pause récréation. Une diversité de matériel est mis à disposition pour les maths, la lecture ou l'expression écrite : des fichiers Freinet, du matériel Montessori, des jeux éducatifs, des manuels traditionnels. Dans la salle des plus jeunes on trouve aussi des objets de la vie quotidienne pour exercer sa motricité : verser des graines, ouvrir des cadenas ou encore du matériel de construction et des jeux d’imitation. Les après-midi, des ateliers culturels, linguistiques, créatifs ou dans la nature sont proposés par les enfants, les enseignants ou des intervenants. La fin de journée se termine par le temps « des présentations ». Les enfants montrent au groupe ce qu’ils ont produit pendant la journée : les retours sont valorisants et cela donne des idées aux autres qui viendront leur demander le lendemain de les aider à faire de même! Bienveillance et coopération au service du bien-être des enfants !

 

Plus d'infos : coeurdecole.fr

Plus web : Retrouvez le podcast sur Coeur d'Ecole

 

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