[DOSSIER] : « Notre modèle économique de monnaie locale est reproductible partout »

Publié le lun 25/01/2021 - 12:00

l’Eusko, en plus du paiement papier, s’est numérisé afin de permettre le paiement à distance. Crédit photo Tala Photographie/Isabelle Miquelestorena

Par Céline Cammarata

L’Eusko, monnaie locale du Pays basque français est la première monnaie locale européenne avec plus de 2 millions en circulation. Focus sur cette monnaie qui œuvre pour une transformation durable de l’économie locale.

 

« Nous sommes radicaux dans nos objectifs avec un projet ambitieux et significatif de transformation de notre économie, mais en l’abordant de façon très pragmatique. Changer nos pratiques et inciter les autres à le faire. Favoriser une agriculture paysanne et des TPE-PME qui produisent en pays basque. Développer des emplois non délocalisables », énumère Dante Edme-Sanjurjo, directeur général de l’Euskal moneta, l’association qui gère l’Eusko, 1ère monnaie locale européenne. Un travail de longue haleine, car comme le souligne ce dernier : « La monnaie ne circule pas d’elle-même. Elle demande des ressources humaines et financières. »

Alors il faut innover. Au pays basque, pour soutenir le monde associatif, l’Eusko a mis en place le « 3 % association ». Chaque particulier qui adhère à l’Eusko choisit librement une association et celle-ci reçoit 3 % de l’ensemble de ses dépenses. Un système financé par la commission de 5 % que les professionnels acquittent s’ils reconvertissent des euskos en euros.

L’aventure est née de militants bénévoles. « Nous voulions prendre en main l’avenir de notre territoire », résume le co-fondateur de l’Eusko. Il poursuit : « Notre projet consiste à développer du lien social entre les différentes zones de notre territoire avec une approche démocratique, sociale et environnementale. Ce sont les besoins du territoire qui déterminent le projet. »

Ils partirent à 10 et arrivèrent à 4000 

Une dizaine de personnes débute cette réflexion en 2011 pour lancer l’Eusko en 2013. « Nous avons bénéficié de beaucoup de méthode, de militants associatifs expérimentés. Aujourd’hui, nous dénombrons 4000 utilisateurs.trices, 1000 professionnel.les, 13 salarié.es, dont 26 mairies adhérentes sur les 158 du territoire et la communauté d’agglomération du pays basque. 25 nouvelles mairies se sont engagées à nous rejoindre. Chaque mois, de façon automatique, nous injectons 110 000 euskos avec des prélèvements automatiques (20 euskos minimum par compte) qui vont des comptes en euros sur les comptes en eusko de nos adhérent.es. 20 000 euskos sont également injectés chaque mois pour le rechargement des cartes bancaires et 20 000 euskos approvisionnent les bureaux de change pour les gens qui fonctionnent avec la monnaie papier. Soit un total de 150 000 € injectés dans l’économie mensuellement pour un territoire de 300 000 habitants. »

«Tordre le cou aux idées reçues »

« Nous sommes convaincus de la viabilité de notre modèle économique, co-géré par des citoyens et des entreprises avec l’appui des collectivités territoriales. Cela passe par le recrutement de salarié.es dès le démarrage et des subventions. Il faut débuter avec des contrats aidés qui chaque mois recrutent 6,7 ou 8 nouveaux commerçants et entreprises qui créent le matelas de revenus pour l’association. Ces revenus financent les salaires. »Et par ailleurs, ces professionnels participent au changement de fonctionnement du territoire : « 56 % de nos professionnels ont recruté au moins un nouveau fournisseur local. Soit 600, 700 ou 800 relations professionnelles nouvelles. Nous sommes très optimistes car ce système répond aux enjeux de la société actuelle. Les monnaies sont très jeunes, il faut leur laisser le temps. Nous travaillons enfin avec l’université de Bordeaux afin de créer un observatoire qui permettra année après année d’analyser la progression de notre monnaie. »Et donc de démontrer, s’il en est, son intérêt et son impact.

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