[DOSSIER ] Les militants du climat face aux juges

Publié le mer 10/03/2021 - 10:12

Anne-Marie, Lucie et Léa, prennent la parole avant la tenue de leur procès « pour vol en réunion », devant le tribunal de Valence, le 13 novembre 2020. Les trois militantes d’ANV-COP21 ont été relaxées pour avoir décroché le portrait présidentiel de la mairie de La Roche-de-Glun, au motif de la liberté d’expression et de l’état de nécessité. ©Estelle Pereira

Par Estelle Pereira

Trois militantes d’ANV-COP21 ont été inculpées pour « vol en réunion » dans le cadre de la campagne de désobéissance civile « Décrochons Macron ». Elles se sont servies de leur procès, le 13 novembre dernier, à Valence, pour rappeler l’urgence d'inciter l’État à faire plus pour la protection du climat. Récit.

Elles avaient beau avoir préparé leur allocution, l’exercice n’en restait pas moins impressionnant. Anne-Marie, Léa et Lucie, trois militantes d’ANV-COP21, ont expliqué à la juge du tribunal administratif de Valence, le 13 novembre 2020, pourquoi elles avaient décroché le portrait d’Emmanuel Macron de la mairie de la Roche-de-Glun (Drôme).

Une opération menée à visage découvert pour dénoncer l’inaction de l’État dans la lutte contre le réchauffement climatique. « C’était un cri pour l’avenir de la planète », défend Anne-Marie, à la barre. « C’est toujours aux plus petits qu’on demande de faire des efforts », poursuit Lucie. « J’ai manifesté, j’ai signé des pétitions, je me suis moi-même engagée, mais ça ne suffisait pas», désespère Léa.

Quid de l’intérêt général ?

« Le parquet, ministère public, est censé représenter les citoyens », vitupère Me Lantheaume, avocat des trois prévenues. « En poursuivant ces trois militantes pour un vol dont la charge symbolique est forte mais dont la valeur pécuniaire est très faible, qui défend-il, si ce n’est l’État ?», argue-t-il en rappelant les perquisitions et les prises d’ADN menées sur de nombreux militants.

Le tribunal a jugé la relaxe au nom de la liberté d’expression. Et, grande première dans l’épopée des 40 procès des « Décrocheurs », l’état de nécessité a été reconnu, écrit noir sur blanc : « Il n’est pas contestable que leur revendication [celle des militantes,ndlr] porte sur un problème écologique majeur, urgent et essentiel à la survie de l’Humanité ». La juge a estimé que les moyens employés par les militants n’étaient pas disproportionnés par rapport à la « gravité de la menace ».

Comme l’y invitait Me Fourrey, le deuxième avocat, « le tribunal de Valence a mis sa petite pierre à l’édifice de la justice climatique». « Des prévenues comme elles j’en veux tous les jours», ironisait la procureure. Une bienveillance qui n’a pas empêché le parquet de faire appel, malgré la peine « symbolique »requise au départ : 100 euros d’amende avec sursis.

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