[DECHETS ] : La folie recyclage : l'illusion plastique

Publié le mar 13/10/2020 - 15:52

crédit : pixabay

Par Virginie Jourdan

En France, le recyclage avance. Mais pas pour tous les matériaux. Si 80 % du verre et 100 % de l'acier collecté trouvent repreneur sur le marché des recycleurs, le plastique fait grise mine. Malgré l'extension des consignes de tri et de la collecte, seul un petit tiers du plastique d'emballage parvient jusqu'à la case recyclage. Difficile à trier, compliquer à ré-utiliser, voire impossible à recycler, sa seconde vie n'est pas plus brillante. De quoi s'interroger sur l'opportunité de son recyclage.

Chaque année, plus de 100 millions de tonnes de plastique sortent des usines de fabrication. Et la courbe des niveaux de production de ce matériau reste exponentielle. La production des 20 dernières années équivaut à celle de toute son histoire, depuis la création des premiers plastiques naturels dans l'Egypte antique. Une vague qui se retrouve à 70 % dans les incinérateurs, les espaces naturels et les océans, sous forme de déchets ou de micro-particules. Un score dramatique quand les filières verre, acier et papier, affichent respectivement des taux de recyclage de 85 %, 100 % et 70 %*. Peu glorieuse, la France est aussi à la traîne par rapport à ses voisins européens qui affichent 40 % de taux de recyclage des matières plastiques. C'est 10 % de plus que dans l'Hexagone. Les raisons du désastre ? Pour France Nature environnement, elles sont « multiples ».

« Les filières de collecte et de recyclage existent mais elles ne se font pas par matière. Aujourd'hui, le plastique est partout. Et pas seulement dans les emballages », explique Catherine Rollin, chargée de mission Filières et prévention des déchets à l’association. Si 29 % des plastiques collectés dans les poubelles jaunes françaises trouvent une seconde vie dans les filières de recyclage, quid des autres secteurs ? « Les voitures sont aussi bourrées d'éléments plastiques, sans parler des jouets. Pour ces secteurs, il n'y a pas à proprement parler de recyclage », explique-t-elle.

Une modernisation coûteuse

Sur le terrain, la collecte pèse aussi dans la balance. En 2019, 50 % de la population métropolitaine n'a pas accès au tri élargi des déchets ménagers. Pour les 50 % restants, le système se met lentement en place depuis 2012. C'est le cas dans 168 communes de Haute-Provence, regroupées dans le syndicat de déchets Sydevom. Depuis avril 2019, les 117 000 habitants du territoire bénéficient de l'extension de leurs consignes de tri. En clair, ils peuvent trier tous leurs emballages plastiques, dont les pots de yaourts par exemple. En un an, la collecte a augmenté de 19 à 40 % selon les tournées. « Nous avons prévu un doublement des volumes en trois ans, mais nous pensons que ça arrivera avant », explique Marion Tiraboschi du Sydevom. Pour en arriver là, l'usine de tri de Manosque a été modernisée. Elle est aujourd'hui capable de reconnaître un plastique d'apéricube ou une petite gourde plastique de compote. Résultat, les ventes de matières triées couvrent les dépenses de collecte et de tri. Mais les cours restent aléatoires. « Il y a un marché sur les petits emballages métalliques car ils se recyclent très bien. Mais de manière générale, c'est très fluctuant », explique-t-elle. Entre la collecte, le tri et la transformation, un plastique recyclé demeure à ce jour plus cher qu'un plastique neuf. Et les coûts ne devraient pas diminuer.

95 % des films plastiques non recyclés

Hormis les bouteilles et les flacons qui atteignent 61 % de taux de recyclage après collecte, seuls 5 % des autres emballages plastiques trouvent actuellement un second débouché après le centre de tri. Chez Citeo, l'éco-organisme spécialisé dans les emballages et les papiers, et né de la fusion d'éco-emballage et de Ecofolio en 2018, le constat est clair. « La modernisation des centres de tri demande un accord local sur l'unité à agrandir. Cela peut être long », suggère Anne-Sophie Louvel, directrice de la collective sélective et territoire chez Citeo. Autre frein, le montant de la modernisation. Pour l'éco-organisme, ériger un centre performant requiert au moins 20 millions d'euros d'investissement. Parvenir à collecter 100 % des emballages d'ici à 2022 pour 100 % de la population hexagonale, tel que Citeo s'est engagé à le faire ? Le pari semble perdu d'avance. D'autant qu'entre la collecte et le recyclage, certains trous demeurent.

« Recycler n'est pas de l'économie circulaire »

Car, recyclés ou non, les plastiques restent retords. C'est le cas des vestes en fil de plastique recyclé, de l'isolant pour les bâtiments ou des bouteilles recyclées qui, une fois produits, deviennent des déchets ultimes. « La limite du recyclage du plastique tient à sa nature même », analyse Valérie Guillard, chercheuse à l'université de Montpellier dans le laboratoire IATE consacré aux agro-polymères et technologies émergentes. Additifs, colorants, colles, adhésifs, matières synthétiques, plastique recyclé : de nombreux plastiques ne sont pas eux-mêmes recyclables.

De là à jeter tous les plastiques aux rebus ? « Non », répond la chercheuse. « Sans ces emballages, nous ne pourrions pas conserver de lait hors d'un frigo, par exemple. Or c'est très utile. L'idée est de se tourner vers des matières non issues  de ressources alimentaires et 100 % biodégradables, donc sans risque de persistance dans l'environnement sous forme de micro-particules ». Dans son laboratoire, elle collabore notamment avec une start-up pour créer des emballages semi-rigides à partir de bactéries. Pour Catherine Rollin, de la FNE, cette voie des alternatives est « crédible et souhaitable ». Celle de la sobriété, « nécessaire » : « recycler n'est pas de l'économie circulaire. Ce qu'il faut, c'est diminuer l'usage des ressources et avoir une éco-conception qui ne produit pas de déchets. Si l'économie circulaire se réduit à inclure le recyclage en fin de vie et si elle se cale sur le rythme actuel de consommation des ressources naturelles, alors elle ne sera qu'une tarte à la crème. »

* Données Citeo, rapport d'activité 2019

Plus d’infos :

Lire notre dossier sur les bioplastiques dans Sans transition ! n°18

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