[CHRONIQUE LITTÉRAIRE] : #MeToo en BD

Publié le lun 18/01/2021 - 15:54

Par Marie Martinez

Dans cette rubrique de chroniques littéraires, Sans transition ! revient sur de nombreux ouvrages proposant une réflexion sur l'urgence climatique et la nécessaire transition écologique, mais aussi sur divers sujets qui animent et traversent notre temps. La rédaction vous propose ici une sélection de chroniques inédites, non parues dans notre magazine.

#MeToo en BD

Quand 62 dessinatrices témoignent du harcèlement et des violences sexuelles, cela donne une anthologie bouleversante qui fait éclater la bulle.
Après la vague # MeToo, et plus récemment des témoignages comme ceux de Vanessa Springora ou Camille Kouchner, les souvenirs enfuis refont surface et la parole (ou le dessin) se libèrent. C'est l'occasion pour une soixante d'artistes de s'interroger sur le sujet, chacune à sa façon et dans son style de dessin, et de raconter leurs propres histoires en quelques pages, et surtout comment elles ont trouvé la force de faire face. Car prendre la parole et surtout son crayon, c'est déjà reprendre son pouvoir. Authentique, cru ou poétique, mais nécessaire.

Comme le dit Diane Noomin, qui a coordonné l'anthologie, dans sa préface : "Ces artistes ne se présentent pas en victimes, mais plutôt comme passeuses de vérité, et dévoilent au grand jour les vilains secrets de leurs agresseurs." Elle raconte également : "Parmi toutes les femmes que j'ai contactées, une seule m'a dit qu'elle n'avait jamais vécu une telle expérience. Pour certaines, les événements étaient encore trop récents pour qu'elles réussissent à témoigner. Mais la plupart étaient impatientes d'apporter leur pierre à l'édifice."
Et l'édifice est monumental. Autant dire que les histoires foisonnent, diverses, variées, comme omniprésentes dans la vie des femmes.

#Balance ta bulle, collectif sous la direction de Diane Noomin, éditions Massot, octobre 2020, 304 pages, 28 euros.

 

 

Peu mais délicieux

L'économiste Serge Latouche, après son Petit traité de la décroissance sereineet Comment réenchanter le monde, revient avec un essai inédit sur la gastronomie et la joie. Nous assistons à la faillite du bonheur lié à l'abondance, au progrès et à la modernité. Face à la crise de la société de consommation et son désastre écologique, un art de vivre joyeux est possible dans la frugalité, la convivialité et les plaisirs de la table. La décroissance n'est pas forcément synonyme d'austérité et de malbouffe. De Slow Food à la reconquête du temps libre : il s'agit de revenir à l'essentiel, éviter le superflu pour mieux goûter le bonheur d'une nourriture saine et responsable.

L'abondance frugale comme art de vivre. Bonheur, gastronomie et décroissance, Serge Latouche, éditions Rivages-Payot, octobre 2020, 208 pages, 9,50 euros.

 

 

 

 

 

Plaidoyer pour le salaire du bonheur

Benoît Hamon revient en détails sur le revenu universel qu'il avait défendu dans son programme de candidat à la présidentielle dans Ce qu'il faut de courage. Plaidoyer pour le revenu universel.
Alors que la pandémie a encore creusé les inégalités, le revenu universel, individuel et inconditionnel serait une contrepartie légitime au partage inégal des richesses entre les hommes, génération après génération. Certains pays ont testé des expériences d'allocations plus ou moins provisoires pour les plus pauvres. Mais la crise de la Covid-19 a aussi fait réfléchir sur la perception du travail, les priorités de chacun, sa place dans la vie de chacun et dans la société, l'utilité de certaines tâches non rémunérées et l'utilité de certains métiers aux bas salaires, etc.
Non seulement le revenu universel éradiquerait la précarité et la pauvreté, mais il serait surtout un outil d'émancipation qui éradiquerait la charge mentale, le stress et l'angoisse des fins de mois difficiles voire des fins de revenus.
Les études ont montré (notamment lors d'une expérimentation finlandaise) que le revenu universel et inconditionnel est "source de bien-être parce qu'il donne de l'autonomie et donc une maîtrise, perdue ou inconnue jusqu'ici, de leur propre vie". "L'argent permet au citoyen de se réapproprier le temps qui lui manque cruellement pour choisir sa vie." Ce salaire du bonheur serait à opposer au salaire de la peur et du carcan à court-terme.
Quant à la peur des opposés à ce revenu, ce serait de favoriser la paresse et de dénaturer les valeurs du travail. Ce n'est pas ce que démontre la Prix Nobel d'économie Esther Duflo : "Quelqu'un qui perçoit un revenu garanti ne s'arrête pas de travailler parce qu'il a d'un coup assez d'argent". Au contraire, cette autonomie "permet de se former, de mener à bien un projet professionnel, de déménager pour se rapprocher d'un emploi, bref de travailler plus". "L'homme n'a aucune pente naturelle au parasitisme. Il ne s'épanouit pas naturellement de vivre aux dépens des autres. Il cherche l'œuvre à partir de laquelle il s'accomplira, tirera estime de lui-même et obtiendra la reconnaissance des autres. Cette œuvre, il veut l'atteindre par le travail."
Alors, prêts pour la grande conquête sociale du siècle ?

Ce qu'il faut de courage, Plaidoyer pour le revenu universel, Benoît Hamon, éditions des Équateurs, octobre 2020, 256 pages, 18 euros.

Traverser l'épreuve

Frédéric Worms est professeur de philosophie à l'École normale supérieure et membre du Comité consultatif national d'éthique. Il est aussi l'auteur, entre autres, de Revivre, Éprouver nos blessures et nos ressources ou Les Maladies chroniques de la démocratie. Il écrit également des chroniques pour le journal Libération. Ce recueil en rassemble un certain nombre parues entre 2015 et 2020, de l’attentat de Charlie Hebdo jusqu’à la pandémie, en passant par # MeToo ou l'incendie de Notre-Dame. Ces textes nous aident à trouver du sens face à la sidération et aux dangers qui nous menacent. « Car le propre et le pire de la sidération, c’est qu’elle semble détruire jusqu’au sens de ce qu’elle vient atteindre, ce sens sans lequel pourtant elle ne serait pas possible. »

Après le choc, comment répondre et réagir ? Qu'est-ce que cela détruit ? Comment entrer en résistance ? « Peut-être ne sommes-nous pas totalement démunis pour répondre, c’est-à-dire pour nous orienter et donc pour résister à une possibilité à venir, en en dessinant une autre. »

Quand la philosophie vient au secours du citoyen.

Sidération et Résistance. Face à l’événement 2015-2020, Frédéric Worms, éditions Desclée de Brouwer, septembre 2020, 328 pages, 17,90 euros.

 

 

>>>Retrouvez d'autres chroniques de Marie Martinez, sur ce lien :  Autrice – Blogueuse | Marie Martinez

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