[CHRONIQUE LITTÉRAIRE] « Il est où le bonheur ? »

Publié le sam 18/07/2020 - 19:00

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Dans chaque magazine, Sans transition! chronique les dernières sorties des libraires, sur les sujets qui animent notre rédaction. Nous vous proposons de vous questionner sur le bonheur avec François Ruffin, de partir à l'(éco-)aventure aux côtés de Julien Moreau pour enfin voir la beauté du monde avec François Sarano. Bonne lecture ! 

Le bonheur en rouge et vert de François Ruffin

Fondateur du journal Fakir et député de la Somme, François Ruffin appelle à un Front populaire écologique, rouge et vert, pour sauver la planète et l'avenir de nos enfants. C'est à eux qu'il s'adresse en priorité dans cet essai malgré tout optimiste. L'inégalité économique correspond à une inégalité écologique : nous sommes tous sur la même planète mais pas tous sur le même bateau — et certains s'accaparent les canots de sauvetage. Sa solution est la reprise en main de la démocratie par un débordement populaire et pacifiste motivé par l'espérance. Les mouvements alternatifs des Gilets jaunes et de Nuit debout sont déjà une expression de ce désir d'autre chose. Mais surtout de grandes lois, avec des choix macroéconomiques, doivent faire avancer vers la transition. La réponse à sa question ? Le bonheur est dans le lien, avant les biens.

Il est où, le bonheur ? François Ruffin, Les Liens qui Libèrent, novembre 2019, 192 pages, 14 euros

Voir la beauté du monde 

François Sarano est docteur en océanographie et plongeur professionnel, conseiller scientifique du commandant Cousteau ou, plus récemment, de Jacques Perrin. Depuis des années, avec son épouse, il étudie les cachalots au large de l'île Maurice. Il répond aux questions de Coralie Schaub, journaliste spécialisée dans l'environnement, raconte ses expériences et son engagement, confie ses réflexions personnelles. Pour lui, savoir communiquer avec les animaux — et la vie sauvage — permettrait de mieux communiquer entre humains car cela part de la même démarche d'aller à la rencontre de l'autre. Plongeons avec eux à la découverte du monde marin, encore inconnu et lieu de rencontres bouleversantes mais aussi de dégradations. Alors, comment agir ? Une conversation très accessible et passionnante.

 Réconcilier les hommes et la vie sauvage, Coralie Schaub, préface de Pierre Rhabi, Actes Sud, collection Domaine du possible, janvier 2020, 218 pages, 20 euros

 

La réponse de la bergère

Stéphanie Maubé habitait Paris et travaillait dans l'audiovisuel, jusqu'à ce qu'elle rencontre un éleveur dans le Cotentin et décide, elle aussi, de garder ses moutons. Yves Deloison nous raconte la vie de la jeune femme et ses questionnements dans un style très vivant. « J'étais une Parisienne anémiée, névrosée de la bouffe, qui un jour a découvert de nouvelles perspectives, un métier noble, épanouissant physiquement et moralement », affirme-t-elle. Dans la beauté des paysages qui l'entourent et avec ses bêtes, elle a trouvé un sens à sa vie, qui n'a rien d'un conte de fée : le chemin est semé d'embûches. Elle est désormais une bergère engagée, une guerrière des temps modernes : « Je veux faire de l'activisme en faveur des valeurs paysannes, du commerce collaboratif, des jardins partagés, de l'éducation à la bonne bouffe et inciter les citoyens à modérer leurs comportements en matière de consommation ». Belle cause !

 Il était une bergère, Yves Deloison et Stéphanie Maubé, Le Rouergue, février 2020, 254 pages, 18,80 euros

 

Se réapproprier son alimentation

François Rouillay est chercheur et conférencier en agriculture urbaine. Initiateur du mouvement participatif des Incroyables Comestibles, il a également cofondé l’Université francophone de l’autonomie alimentaire. Sabine Becker est ingénieure-urbaniste et a longtemps été en charge du développement et de l’aménagement des territoires. Leur guide pratique s'adresse aux habitants des villes et des campagnes, ainsi qu'aux élus locaux. Il propose une feuille de route de 21 actions concrètes et faciles à appliquer pour apprendre, s'organiser et réussir à prendre soin de soi, des autres et de la Terre : végétaliser la ville en paysages nourriciers, planter des pépinières citoyennes et des potagers pédagogiques, régénérer les sols, animer des ateliers de cuisine et de conservation des aliments, instaurer des circuits courts… Un programme complet.

 En route pour l’autonomie alimentaire, François Rouillay et Sabine Becker, Terre vivante, février 2020, 224 pages, 23 euros

 

Le vivant à la source

Philippe Labre est un biologiste de terrain et vétérinaire conseil en santé naturelle en élevage et en agriculture biologique. De ses 35 ans d'expérience, il propose de mieux connaître, comprendre et respecter les conditions et les processus les plus essentiels de la vie en général, et de la santé des animaux et des humains. Les fondamentaux du monde vivant nous exhortent à vivre en interaction et en harmonie avec notre milieu. Ces lois de la biologie ne sont pas négociables. Face au déni de l'industrialisation, l'auteur rappelle que nous ne pouvons pas nous passer de la nature et des plantes et qu'il est grand temps d'en prendre de la graine : respecter la nature et collaborer avec elle, ou disparaître. Le règne végétal crée la vie et peut restaurer les équilibres perturbés.

 Les pieds sur Terre. Retrouver le bon sens ou disparaître, Philippe Labre, préface de Pierre Rabhi, éditions Femenvet, octobre 2019, 288 pages, 24 euros

 

L'essentiel sur l'alimentation

Marc Dufumier, agronome, répond de façon scientifique, mais simple et claire, à 50 questions le plus souvent posées sur l'alimentation, l'agriculture et l'écologie. « Mon engagement est celui d’un agronome, d’un scientifique qui ne croit en rien d’autre qu’aux analyses étayées et aux faits établis, et à la nécessité́ de diffuser ce savoir », affirme-t-il. « Si je défends l’agroécologie, c’est en tant que scientifique : la nocivité́ sur notre santé et sur l’environnement de l’agriculture chemisée et mécanisée est aujourd’hui avérée et nous avons à ce jour le savoir et les techniques pour développer une agriculture paysanne capable de nourrir correctement l’humanité́ tout en respectant la planète. » Une mise au point limpide.

De la terre à l’assiette. 50 questions essentielles sur l'agriculture et l'alimentation, Marc Dufumier, Allary éditions, février 2020, 240 pages, 18,90 euros

 

L'art de vivre ensemble

Après un premier Manifeste convivialiste paru en 2013, le second esquisse les contours d'un possible autre monde, d'un monde post-néolibéral (une alternative au néolibéralisme), plus humain, dans lequel l'énorme majorité pourrait se reconnaître. Le convivialisme, philosophie de l'art de mieux vivre ensemble, appelle à s'opposer sans se massacrer, à prendre soin de la nature et des humains. Cette réédition enrichie est le résultat d'un travail d'échanges entre 276 intellectuels, écrivains, artistes, activistes de 33 pays engagés dans des actions collectives et soucieux du bien commun. Son but est de rassembler clairement des idées simples et justes sur les enjeux actuels de façon à générer une mutation radicale. Et, dans un premier temps, de permettre à chacun d'apporter sa pierre à l'édifice, puis aux lecteurs de participer au débat.

Second manifeste convivialiste. Pour un monde post-néolibéral, collectif Actes Sud, février 2020, 144 pages, 9,80 euros

 

Le refus de parvenir

Après dix ans d'engagement et de responsabilités politiques, Corinne Morel Darleux se tourne désormais vers des mouvements d'action plus radicale et concrète, dans la désobéissance civique, notamment pour changer la vie au quotidien et lutter contre la disparition du vivant. Agir aujourd'hui est essentiel pour prévoir et construire la suite du déclin de demain. Dans cet essai philosophique et littéraire, elle s'inspire de nombreux écrivains, tels que Mona Chollet, Françoise Héritier, Romain Gary, Stig Dagerman, et surtout du navigateur Bernard Moitessier qui, sur le point de gagner le tour du monde en solitaire, prend la tangente et renonce à la compétition. Comme l'auteure le définit elle-même, il s'agit d'« un livre d'intuitions qui donnent à penser tout en laissant des espaces de liberté et de fiction. » Inspirant.

 Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. Réflexions sur l'effondrement, Corinne Morel Darleux, Libertalia, juin 2019, 104 pages, 10 euros

 

Repenser la ville à l'écoute des enfants

Spécialiste de la psychologie et de l'éducation des enfants, l'Italien Francesco Tonucci a expérimenté à Fano en 1991 son projet révolutionnaire de ville agréable qui place les enfants d'abord. Le but est de transformer les villes pour créer des rues et des cadres de vie urbains vraiment adaptés aux intérêts et jeux des enfants, selon leur point de vue, et de façon à leur faire explorer leur environnement, avec ses bonnes surprises et ses risques, en toute autonomie. Dans ce livre « boîte à outils », l'auteur fait le bilan de cette initiative pionnière, ses intentions, ses propositions, ses solutions... Des entretiens avec d'autres spécialistes et un texte de Lewis Mumford étayent son propos. Cette expérience a déjà inspiré de nombreux projets dans le monde. Un petit pas pour les enfants, un grand pas pour tous !

 La ville des enfants. Pour une [r]évolution urbaine, Francesco Tonucci, Parenthèses, collection Eupalinos, septembre 2019, 240 pages, 18 euros

 

Quand les algues sentent le souffre

Yves-Marie Le Lay, fondateur et président de l'association Sauvegarde du Trégor et co-président de Haltes aux marées vertes lutte au quotidien contre la prolifération des algues vertes et leurs émanations d'hydrogène de soufre. Il a saisi plusieurs fois les tribunaux français et européens et a reçu en 2017 le « prix orange » de l’environnement de l’Union des associations pour la défense du littoral. Les algues sont reconnues toxiques depuis 2009 et présentent un réel danger pour la santé : plusieurs personnes ont perdu la vie. Mais rien ne change. Yves-Marie Le Lay dénonce le déni collectif des responsabilités, la collusion entre pouvoir économique et politique : pour lutter efficacement contre cette pollution il faudrait revoir les pratiques agricoles dont les excédents de nitrates nourrissent ces algues toxiques.

 Algues vertes, un scandale d'état. Nitrates et gaz toxiques, 50 ans de déni, Yves-Marie Le Lay, Libre et Solidaire, 270 pages, 16,90 euros

 

Face au catastrophisme, des démocraties à réinventer

Maître de conférences en science politique au Muséum national d’Histoire naturelle, chercheur au Centre d’écologie et des sciences de la conservation, membre de l’Institut Momentum, Luc Semal rapproche la pensée écologiste et la science politique depuis les années 1960. Face à l'effondrement et à la peur qu'il génère, l'auteur préfère parler de « processus catastrophique, à potentiel apocalyptique, pouvant connaître des phases d’emballements et d’effondrements ». Il s'appuie sur de nombreux exemples d’initiatives et de parcours militants et voit le catastrophisme comme une occasion pour la démocratie de se réinventer, des partages à organiser, une justice à restaurer, malgré des privilégiés qui refusent de changer. Une analyse néanmoins confiante et lucide sur la complexité de la crise écologique.

 Face à l’effondrement. Militer à l'ombre des catastrophes, Luc Semal, PUF, collection L'écologie en question, mars 2019, 368 pages, 22 euros

 

L'éco-aventure d'un tour de France

Militant écologiste, Julien Moreau s'est lancé en 2018 le défi du plus long triathlon au monde avec plus de 6 000 km à travers la France : en vélo de Paris à Marseille ; à la nage de Marseille à Monaco et à pied de Monaco jusqu'au siège de la Fondation de Nicolas Hulot. Le but de cet éco-aventurier ? Sensibiliser, voire éduquer, les Français, les politiques et surtout les jeunes dans les écoles pour une écologie citoyenne engagée. Le récit passionnant et détaillé de cette épopée, avec album photos à l'appui, commence comme un thriller noir, une mésaventure qui aurait pu très mal se finir, après l'ascension risquée du Stok Kangri et 1 000 km en VTT au pays de Gandhi. Inspiré par Mike Horn ou Sylvain Tesson, le Breton de 30 ans s'engage déjà dans de nouveaux projets en catamaran : à suivre !

 L'éco-aventurier. Mon tour de France au service de l'environnement, Julien Moreau, préface de Nicolas Hulot, Hugo Doc, novembre 2019, 320 pages, 18 euros

 

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