#YoutubeusesDay : « Donner de la visibilité aux créatrices »

Publié le jeu 07/07/2016 - 14:02

Mercredi 29 juin, c'était le #YoutubeusesDay ! Une journée dédiée aux vidéastes féminines sur Youtube pour attirer l'attention sur le manque de visibilité général des femmes sur Internet.
A l'origine de l'événement, un collectif flambant neuf : Les Internettes. Après la Néocast de 2016, qui ne comptait que peu d'invitées féminines, un groupe de créatrices ont voulu se rassembler.

 

« L'idée c'était de trouver une initiative positive pour augmenter la visibilité des créatrices sur Youtube plutôt que de simplement pointer du doigt ce qui ne va pas, on voulait se détacher du point de vue dénonciateur qu'adoptent les grands médias comme la télévision » nous explique Marion Seclin, co-fondatrice des Internettes. « Le #YoutubeusesDay, c'était aussi le jour officiel du lancement de notre collectif et on voulait frapper fort. Ça a d'ailleurs bien marché, on a été parmi les Top Trends [NDLA : Il s'agit des sujets les plus populaires] de Twitter France toute la journée. »
Et maintenant ? Le collectif a une liste de plus de 300 Youtubeuses, et partagera deux fois par jour des chaînes Youtube féminines. « On souhaite de même accroître la visibilité dans les événements comme les salons ou les conventions, mais aussi pousser les filles à se lancer. La présence des filles se résume souvent aux chaînes beauté. C'est très bien, mais on veut dire aux filles : « si c'est ce que vous voulez faire, allez-y, foncez, mais vous êtes toutes aussi légitimes pour aborder d'autres sujets. » Et contrairement à la télévision, sur Internet, on peut se lancer sans piquer la place d'un autre, il y a de l'espace pour tout le monde. »

 

Pour l'occasion, Sans Transition donne la parole aux Youtubeuses françaises et talentueuses. Toutes mettent en avant leurs difficultés à s'imposer dans un milieu dominé par les hommes et les commentaires sexistes auxquels elles sont confrontées.

 

Margot de Vivre Avec

 

« La différence principale avec les hommes [cis*] sur Youtube, c'est la mention du physique dans les commentaires. Quand ça fait un quart d'heure que je parle de comment mieux prendre en compte le handicap en tant que valide et qu'on me répond « Tu es jolie », non, ça ne fait pas plaisir. On élimine le propos, comme si la seule chose qui nous donnait de la valeur en tant que femme, c'était l'apparence, et c'est pareil pour les femmes politiques par exemple. C'est ça, aussi qui freine la présence de femmes, c'est inévitable dès qu'on a de la visibilité, on est obligées de s'y préparer. »

 

 

Florence Porcel, Youtubeuse scientifique

« Les commentaires misogynes et sexuels, c'est tous les jours », commence Florence.

« Quand j'ai lancé ma chaîne, je présentais mes vidéos avec une voix-off pour éviter ça. Suite à un CV vidéo que j'avais mis en ligne, j'avais reçu des menaces de viol, de mort... A chaque vidéo je me dis « c'est la dernière, j'en ai marre » et puis je continue. On a une appréhension en tant que femme qu'on ne devrait pas avoir. Et par rapport aux autres chaînes scientifiques, l'audience est moindre, ce n'est pas la seule raison bien sûr, mais c'est aussi sans doute parce que le public est surtout masculin et qu'ils ne s'identifient pas autant. »

 

 

Cordélia de Princ(ess)e

Après deux ans passés sur Youtube, Cordélia de Princ(ess)e a remarqué des différences de traitement par rapport à ses homologues perçus comme homme cis : « Ce n'est pas toujours méchant, au début c'était des commentaires qui débutaient par la validation de mon physique, alors que ce n'est pas la question. » Avec la hausse de son audience, ce sont des commentaires haineux qui ont commencé à apparaître, notamment LGBTphobes. « J'ai deux chaînes, une sur les livres où les commentaires sont plus axés sur le physique, et où je reçois aussi des commentaires comme « tu es stupide », ce genre de choses. Sur Princ(ess)e, je suis confrontée à beaucoup de haine, beaucoup de gens qui m'expliquent longuement pourquoi j'ai tort et que les bi/asexuels ou trans n'existent pas. C'est violent. »

 

 

Nemellia, Youtubeuse Gaming

« Personnellement, je n'ai pas eu trop affaire à des commentaires sexistes. J'ai quand même des réflexions comme « tu te débrouilles bien, pour une fille »... Je pense que ça part d'une bonne intention mais c'est révélateur... Jusqu'à il y a peu, je ne montrais pas mon visage quand je streamais [NDLA : jouer en diffusant en temps réel une vidéo de la partie], entre autres pour éviter de rameuter des gens qui draguent : statistiquement, j'ai plus de risques de tomber sur ce genre de personnes qu'un homme. Mais je m'en sors bien. Je pense que ça tient aussi au fait que j'ai un public assez mature, plus vieux que mes homologues masculins notamment. La communauté geek sexiste, c'est surtout celle des « Kevin » de 13 à 17 ans,pour qui "les filles ça ne joue pas aux jeux vidéos". Par contre, en comparaison avec les Youtubeurs, j'ai l'impression qu'il faut que je fasse mieux qu'un homme pour être traitée pareil. Si je devais donner un conseil à une fille qui veut se lancer, je lui dirais de se forger un caractère, de se préparer à encaisser : sous couvert de pseudos, certaines personnes se lâchent et sont blessantes. Il faut s'accrocher et prendre de la distance par rapport à ça. »

 

* Cis : Une personne cis est une personne dont l'identité de genre correspond au genre assigné à la naissance.

 

Amaëlle Olivier

 

Plus d'infos

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"Le succès, Youtube, le sexisme et moi" de Florence Porcel, et sa chaine Youtube

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