[THEMA] VILLES : Des GÉANTES aux pieds d’ARGILE

Publié le lun 22/08/2022 - 12:00

par Quentin Zinzius

Avec le réchauffement climatique, inondations, orages et autres fortes précipitations sont de plus en plus fréquents. Des phénomènes qui affectent principalement les villes : largement bétonnées, imperméables à la nature, elles sont les plus exposées à des débordements. Pour les rendre plus résilientes et résistantes à ces phénomènes, pas le choix : il va falloir casser les voies !

Depuis les années 50, la France a connu une urbanisation galopante. Selon les chiffres du rapport gouvernemental Teruti-Lucas(1), ce sont près de 57 000 ha (l’équivalent de 80 000 terrains de foot) qui ont été artificialisés en France chaque année depuis 1982, principalement en zones urbaines et péri-urbaines. Pire encore, selon ce même rapport, seule 17 % de cette artificialisation était destinée à l’habitat, contre 37 % à l’aménagement de routes, parkings et autres voiries. Des aménagements qui ont une conséquence directe sur les sols : leur imperméabilisation. « Les bétons, asphaltes et autres matériaux utilisés dans ces aménagements sont très peu perméables », alerte Élodie Brelot, directrice du Groupe de recherche, d’animation et d’information sur l’eau (Graie).

Problèmes en cascades

Résultat, les eaux de pluies ont plus de mal à s’infiltrer et ruissellent, s’accumulent. « On a étendu les surfaces collectées sans revoir le système de gestion des eaux. C‘est un véritable goulot d’étranglement », explique l’experte. En effet, par ruissellement, les eaux de pluies rejoignent les eaux usées, entraînant « une saturation des réseaux d’assainissement » (voir papier page 50). Un risque de saturation plus important encore car couplé avec le réchauffement climatique. En effet, « avec l’augmentation de la fréquence des évènements climatiques extrêmes décrite par le Giec(2), comme les orages et inondations, nous serons d’avantage exposés à d’importants phénomènes de ruissellement ». Et corollaire direct de cette imperméabilisation : la perturbation du cycle naturel de l’eau. Car sur ce parcours forcé, l’eau ne rejoint plus les nappes phréatiques, se charge en pollutions, « et dégrade in fine d’autres milieux et eaux de surface », précise la directrice du Graie. La ressource se transforme en déchet.

Désimperméabilisation à vau-l’eau

Alors avant que la goutte de trop ne fasse déborder le vase, « il est urgent de changer nos pratiques d’aménagement », insiste Élodie Brelot. Encore faut-il dépasser un problème de taille : la volonté des aménageurs eux-mêmes. En effet, « les solutions les plus rapidement déployables sont paradoxalement les plus lourdes, s’indigne l’experte, comme les bassins de rétention ou les digues ». Des solutions coûteuses mais souvent privilégiées par les métropoles, car efficaces à court terme, « alors que des solutions plus résilientes existent, reprend-elle. Un des points fondamentaux est de gérer l’eau au plus près de l’endroit où elle tombe ». En cela la désimperméabilisation et le retour de la nature sont primordiaux. « Nous pouvons renaturer les sols en jonglant avec différents types de surfaces, précise l’experte, afin de limiter le ruissellement, tout en assurant les fonctions urbaines dont la mobilité ». Surfaces minérales perméables, végétalisation mais aussi zones humides, sont autant de solutions adaptables, qui jouent le rôle de décantation et filtration de ces eaux avant leur retour dans les milieux aquatiques.

+ D’INFOS

Notes :

  1. Rapport Teruti « L’occupation du sol entre 1982 et 2018 » , avril 2021.

  2. Rapport IPPC « Climate change 2022 », février 2022.

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