[THEMA] Porter un projet, de la graine à l’arbre

Publié le mer 10/08/2022 - 12:00

Par Mariane Riauté

Un citoyen doit traverser nombre d’étapes pour réaliser un projet d’implantation de nature dans sa ville. Même si l’idée est réfléchie et bénéfique pour la biodiversité, ne pas connaître les rouages pour la mettre en place, c’est suivre un parcours du combattant. À qui faut-il présenter son projet ? Qui doit donner l’autorisation ? Et qui peut le financer ? Les réponses, à travers le parcours d’habitants qui ont porté leur projet.

Monter un dossier

Sur l’étang des Longs Champs, à Rennes, Christine Meunier souhaite installer un radeau végétalisé qui servira de refuge aux canards. Pour vérifier l’intérêt de son projet, elle en a discuté avec des habitants, puis avec son conseil de quartier. « C’était un premier pas important pour faire connaître mon idée et en parler à des élus », s’enthousiasme-t-elle. Orientée par une animatrice de sa régie de quartier, elle proposera cet automne son action au budget participatif de sa commune en l’expliquant sur le site de la Fabrique citoyenne de Rennes. Début 2023, les services techniques de la commune analyseront la faisabilité des projets reçus. Et les Rennais pourront, à l’automne, voter pour celui qu’ils préfèrent. Au total, 3,5 millions d’euros leur seront alloués. Quant à Christine Meunier, elle envisage un budget de 10 000 à 15 000 euros pour installer son îlot végétal.

« Il a fallu insister »

À Rennes toujours, Catherine Lefaucheur s’est elle aussi sentie concernée par la biodiversité de cet étang. Elle voyait régulièrement des canetons mourir à cause de son déversoir. De plus, malgré son interdiction, la pêche y était pratiquée. C’est seulement à force d’envoyer des mails aux élus de quartier, aidée par des associations, que Catherine Lefaucheur a réussi à obtenir une réponse. En effet, la commune a installé des rebords pour empêcher les canetons de tomber, ainsi que des panneaux anti-pêche. « Il a fallu insister auprès des élus. Et le collectif "Nature en Ville" a appuyé mes demandes, affirme-t-elle. Pour implanter de la nature en ville il faut coopérer au maximum avec d’autres, s’adresser aux bonnes personnes et relancer ! »

Créer une envie

« Je n’y connaissais absolument rien dans la mise en place d’un projet », raconte Joanne Delerce, l’initiatrice des jardins de Beauverger (La Rochelle). En 2018, elle décide de créer un jardin partagé sur un terrain délaissé à proximité de l’école Beauregard. « Je me suis entourée d’un groupe de parents d’élèves et d’associations qui savent comment mener des projets en permaculture. Car j’ai vite compris que la première étape consistait à créer une envie chez les autres », explique la jardinière amatrice. Avec l’association des parents d’élèves et l’Atelier des familles du centre social Saint-Eloi Beauregard, elle contacte les services « Nature et paysage » et « Espaces verts » de la ville. « Nous avons convenu avec eux d’une convention d’aménagement de l’espace, sur trois ans minimum, pour utiliser cette zone », détaille Joanne Delerce.

Pour obtenir l’autorisation des pouvoirs publics, le groupe a prouvé sa motivation à entretenir ce jardin sur le long terme. « Nous avons su gagner la confiance des services de la ville au fil du temps, en montrant notre investissement », se félicite Joanne Delerce. Côté financement, le jardin a reçu l’aide de la fondation Léa Nature, mais aussi de la commune : 500 euros en 2019 et 1 250 euros en 2020. Sans oublier le matériel régulièrement fourni par la mairie (terre, broyat, graines…). « Des agents communaux sont même venus nous aider à planter les premiers arbres fruitiers ! », s’enthousiasme-t-elle.

Co-construire

À Roubaix, Pierre Wolf a participé à la création d’un jardin partagé et d’une future ferme urbaine. En 2008, il cofonde avec des habitants et acteurs associatifs du quartier du Trichon la Scic¹ Coopérative Baraka. « Nous réunir à plusieurs nous a permis d’être indépendants économiquement, afin d’acheter un terrain et d’y construire un restaurant », explique-t-il. En 2015, les membres de la coopérative décident de créer un jardin partagé sur le parking désaffecté contigu à ce lieu de vie. Ils signent donc avec la ville une convention d’occupation transitoire de trois ans.

Les 6 000 m² de friche restants seront prochainement transformés en une ferme urbaine. Pour élaborer ce projet, la coopérative a signé en 2018 une charte de co-construction avec la Métropole européenne de Lille (MEL), qui possède le terrain. La MEL a d’ailleurs obtenu des financements pour ce projet auprès de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). « On a trouvé de supers interlocuteurs. C’est indispensable pour construire un projet pérenne ! Il faut négocier avec les autres acteurs et trouver des intérêts communs », conclut Pierre Wolf.

Financements multiples

Voici quelques financements possibles² :

-Les subventions des communes

-Le budget participatif des communes

-Les aides des associations

-Les appels à projets du ministère de la Transition écologique, de la DREAL, de l’OFB...

-Le crowdfunding et les plateformes de financement participatif

-Les sites d’accompagnement (comme Miimosa)

Simple comme un « permis de végétaliser »

Ce dispositif facilite les démarches citoyennes pour fleurir l’espace public (trottoirs, pieds d’arbres, façades…). En déposant une demande de permis auprès de sa mairie, un habitant peut végétaliser une zone choisie et s'engage à l’entretenir régulièrement. Si cet outil est né en 2015 à Paris, il existe désormais dans de nombreuses villes (Lille, Chambéry, Reims…).

Notes de bas de page

¹ Société coopérative d'intérêt collectif

² Liste non exhaustive

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