[THEMA] Construire en hauteur, "à condition d'instaurer de la mixité fonctionnelle"

Publié le mer 13/07/2022 - 09:05

Propos recueillis par Élodie Crézé

Répondre à l'objectif ZAN (zéro artificialisation nette) oblige à repenser la façon dont l’aménagement des territoires doit être conçu. Parmi les pistes envisagées, la ville verticale ou la construction en hauteur. Mais pour Sébastien Giorgis, architecte paysagiste, ce n'est pas une piste satisfaisante. À moins d'envisager une souplesse dans l'usage des bâtiments.

Construire davantage en hauteur pour éviter l'étalement urbain, n'est-ce pas logique ?

On pourrait le croire, mais en réalité ce n'est pas une solution pertinente. Imaginez une tour ; elle a besoin de vide autour d'elle1. Elle répond à un besoin de valorisation et d'optimisation du foncier. Mais à l'échelle d'un quartier ou d'une ville, elle exclut la densité urbaine et ne répond pas à l'objectif de zéro artificialisation nette. Manhattan est moins dense que Paris par exemple !

Sans compter que la tour est énergivore : elle fonctionne avec un système de ventilation (en circuit d'air fermé), consomme une quantité astronomique d'éléctricité (avec les ascenseurs notamment), et nécessite une isolation thermique importante. Pour finir, elle est totalement dépendante de multiples technologies pour la rendre habitable. Sans parler des micro-climats ! Car elle amène une prise au vent au niveau de son sommet, dans la partie la plus rapide de l'air, et cela provoque des tourbillons ressentis à son pied ! À mon sens, les tours et la transition écologique sont antinomiques.

Comment alors concevoir une ville plus verticale sans rentrer dans l'excès des tours ?

Il faut la penser différemment. Il me semble indispensable aujourd'hui d'instaurer de la mixité fonctionnelle aussi bien dans les quartiers que dans les volumes, les bâtis. C'est-à-dire qu'un immeuble peut proposer différents types d'activités : par exemple des commerces au rez-de-chaussée, des bureaux ou des logements dans les étages, puis éventuellement une terrasse.

La mixité fonctionnelle est une des réponses apportées au fait qu'on ait moins de déplacements contraints, qui nécessitent beaucoup d'infrasctructures (pour faire des routes, des trains de banlieues, etc.). Car dans l'objectif du ZAN, il ne faut pas perdre de vue que ce qui est le plus gourmand en foncier n'est pas le bâti mais bien les insfrastructures.

Certes, mais nous sommes de plus en plus nombreux à vivre en ville. Donc loger tout le monde tout en laissant de la place à la nature reste un vrai défi...

En effet. C'est pour cela qu'il faut réfléchir, dès la conception d'un bâtiment, à son habitabilité. Autrement dit, l'étude de la forme architecturale doit être pensée pour qu'il soit possible et aisé d'envisager la reconversion d'un bâtiment. Si vous construisez par exemple un immeuble de bureaux, il faut être en capacité de le transformer un jour en unité de logements. Idem, si on construit un parking. Cela implique d'éviter tout ce qui est en sous-sol et de le préférer en ouvrage aérien. L'idée est ne pas avoir à démolir à chaque fois, ce qui en termes d'énergie, présente un coût terrible. La mutabilité est une tendance architecturale de plus en plus répandue. Elle a aussi l'avantage de favoriser la mixité par sa transformation. Voyez les friches urbaines, les anciens hôpitaux, les casernes, un peu partout transformés en quartiers, résidences d'artistes, etc. Il faut une souplesse dans les choix de programmation et que tout nouveau volume soit conçu et construit avec les techniques adéquates pour aller en ce sens.

La nature en ville répond à une forte aspiration de la société. Cela signifie que les projets architecturaux contemporains doivent dorénavant inclure dans leur conception la question de la proximité avec le Vivant.

 

Plus d'infos : www.paysages-apres-petrole.org/wp-content/uploads/2019/07/ARTICLE-31-Collectif-PAP-SG.pdf

Note de bas de page :

1. Obligations définies par le code de l'urbanisme, le Plan d'occupation des sols (POS) et Plan local d'urbanisme (PLU). (Distances de sécurité, relatives aussi à l'ensoleillement...)

 

Éviter les gratte-ciel... pas les immeubles !

D'après une enquête de Build Green de 2021, « les environnements construits de manière dense et de faible hauteur sont plus efficaces en termes d’espace et de carbone, tandis que les bâtiments de grande hauteur ont un impact carbone nettement plus élevé.» En d'autres termes, «pour atteindre la durabilité urbaine, le monde aura besoin de plus de Paris et de moins de Manhattan.»

Plus d'infos : www.build-green.fr

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