[THEMA] Amortir le choc alimentaire !

Publié le jeu 08/12/2022 - 12:04

Accélérée par la guerre en Ukraine, la flambée des prix alimentaires a approché les 12 % d’inflation en 2022. Cette crise entraîne plusieurs millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté et aggrave la faim dans le monde. 222 millions de personnes, dans 53 pays, sont passées en situation d’insécurité alimentaire « aiguë », autrement dit nécessitant d’une aide d’urgence, selon un récent rapport de la FAO (1).

Face à cette crise internationale, il faudra mobiliser « entre 5 et 7 milliards de dollars de dépenses supplémentaires » pour aider les ménages vulnérables des 48 pays les plus touchés par la hausse des prix, souligne le FMI dans une étude parue en automne (2). Et 50 milliards de dollars « seraient nécessaires pour mettre fin à l’insécurité alimentaire aiguë ». Du moins, temporairement...

Plus près de chez nous, le Conseil national de l’alimentation (CNA) vient de rendre un avis dans lequel il précise que la lutte contre la précarité alimentaire, en France, mobilisait avant la crise sanitaire 700 millions d’euros par an de financements publics. Ces derniers ont été portés à un milliard l’an passé, face aux besoins grandissants des sept millions de bénéficiaires, toujours plus nombreux à frapper aux portes de l’aide alimentaire (3).

Dans ce contexte d’urgence, tendre vers la résilience alimentaire – autrement dit notre capacité à produire une alimentation saine et de qualité pour tous, malgré les risques majeurs auxquels nous sommes confrontés – est loin d’être acquise dans nos territoires. Changement climatique, crise énergétique, raréfaction des ressources et de la biodiversité… sont autant de menaces majeures - développées dans cette édition - que nous devons prendre en compte afin d'anticiper les risques qui en découlent. Et nous engager dans la résilience.

Afin d’avancer vers cet objectif prioritaire, nous allons devoir opérer une véritable révolution systémique de la filière, comme nous le détaillons dans ce nouveau numéro thématique.

Comment ? En rendant l’agriculture dès à présent plus durable grâce à l’agroécologie, la permaculture, l’agroforesterie… Bonne nouvelle : ces pratiques vertueuses auxquelles aspirent les jeunes agriculteurs offrent des résultats à haute valeur économique, écologique et sociale. Mais ce changement agriculturel ne suffi ra pas s’il n’est pas davantage accompagné par les pouvoirs publics, l’Europe en premier lieu. Tant dans la production que dans la transformation et la distribution alimentaire. Les 144 territoires français qui ont lancé des plans alimentaires territoriaux l’ont bien compris. Certaines régions vont plus loin en faisant de la transition alimentaire un enjeu de souveraineté locale. Relocaliser, favoriser la coopération entre les acteurs, développer les circuits courts plutôt que les exportations : autant de voies de bon sens amorcées timidement depuis les lois Egalim puis Climat et Résilience l’an passé. Ces textes louables recommandent aux collectivités d’améliorer la qualité des repas servis par la restauration collective, avec un objectif de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bio dans les assiettes de nos enfants... Louable là encore pour répondre aux enjeux de résilience alimentaire, mais pas assez radical puisque la grande majorité des territoires demeurent bien loin de l’objectif. Et il leur faudra une bonne dizaine d’années pour l’atteindre. Or cela ne suffira pas pour répondre aux enjeux du changement climatique...

Il nous faut donc aller plus vite. Et certes revoir en profondeur les menus de nos enfants, mais également les nôtres. Preuve de cette transition nécessaire, plus de 300 scientifiques ont réclamé en mars dernier un changement de politique agricole pour limiter notre dépendance alimentaire : « la sécurité alimentaire européenne n’est pas menacée par la guerre en Ukraine, expliquent-ils, mais par une crise ancienne due à nos mauvais régimes alimentaires, avec une consommation de céréales raffinées et de produits carnés bien supérieure aux recommandations des guides nutritionnels nationaux » (4), soulignent-ils. Décarboner nos assiettes et les rendre plus saines, manger moins de viande et plus de végétaux devient un acte politique essentiel, tant pour nourrir le plus grand nombre que pour préserver les terres agricoles, notre santé et le climat !


(1) www.wfp.org/publications/hunger-hotspots-fao-wfp-early-warnings-acute-f…
(2) www.imf.org/en/Publications/IMF-Notes/Issues/2022/09/27/Tackling-the-Gl…-
the-Role-of-the-IMF-523919?cid=bl-com-INSEA2022004
(3) source Cocolupa, le Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire
(4) www.zenodo.org/record/6369812#.Y3SiGuSZOUk

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