[SOCIÉTÉ VIRILE] Dans les campagnes, l’écho des femmes qui osent

Publié le dim 08/03/2020 - 07:57

Crédit Photo : Isabelle Jouvante 
légende : Héroïnes, une pièce de théâtre documentaire

Recueilli par Elodie Crézé

En milieu rural, les préjugés sexistes restent, comme à la ville, bien présents. Édile de petite commune, comédienne, collaboratrice d’un magazine féminin ou encore agricultrice, en Ardèche, en Bretagne ou ailleurs, des femmes ne s’en laissent pas conter et œuvrent pour la cause de leur sexe.  Récits de ces amazones des champs.

*Éliette Charpentier, maire de Sauteyrargues (34)

« Il nous a traitées de "salopes", on nous a demandé de ne pas faire de vagues »

Dans cette commune de 430 âmes, dans l’Hérault, Éliette Charpentier, qui voit s’achever son 2e mandat, a dû faire face à un sexisme ordinaire. Un « incident » comme elle le nomme, l’a particulièrement marquée. « Un jour, lors d’un conseil communautaire, tandis que nous discutions avec d’autres femmes, un élu nous insulte en public, nous traitant de " salopes". » Face à la gravité de ces propos, présentés par leur auteur comme de « l’humour étudiant », Éliette Charpentier en informe le Président du conseil communautaire. Las ! Celui-ci se contentera, d’après l’élue, d’un mou « Allez, pas de vagues ». « Mais vous savez, c’est du quotidien » poursuit-elle. Car auprès des administrés, le fait d’être une femme n’est pas non plus un sacerdoce. « Il faut sans cesse s’imposer, faire preuve de caractère, justifier ses idées deux fois plus que pour un homme… » Aujourd’hui l’édile se dit « fatiguée de se battre contre des montagnes » et ne souhaite pas se représenter. Mais sa résistance aura consisté à ne rien laisser passer. Et à faire des vagues, précisément.

 

*Fanny Ortillon, chargée de mission pour le collectif  Odette &Co, à Lamastre (07)

« Parce qu’on ose tout, on nous répond rarement non »

Le collectif Odette & Co est né au nord de l’Ardèche, dans la commune de Lamastre, il y a 10 ans, créé par une quinzaine de femmes en reconversion professionnelle. Elles partent d’un constat, celui qu’on ne parle pas – ou trop peu -  des femmes en milieu rural, et lancent leur magazine féminin, avec l’aide de la Fondation Elle. Le crédo de ce magazine éponyme qui sort 6 numéros et devient cette année un blog, bientôt enrichi de podcasts ? « Mettre en valeur des initiatives locales, en Ardèche, portées par des femmes, avec de l’humour, et aussi redonner confiance aux femmes en recherche d’emploi », explique Fanny Ortillon, une « odette ». Les préjugés, elle connaît : « Les gens du territoire qui ne nous connaissent pas nous imaginent en train de tricoter autour d’un thé ». Mais la trentaine de collaboratrices, jeunes retraitées, agricultrices, femmes en recherche d’emploi n’en n’ont cure.  Pour couronner son dynamisme, le collectif a reçu en 2018 le prix du 8 mars du département de l'Ardèche. Cette année, il postule de nouveau avec son réseau de femmes entrepreneures, intitulé, « Femmes formidables ». Et « parce qu’on ose tout, et qu’on nous dit rarement non », les odettes ont monté un projet d’écriture avec l’auteure Aurélie Delahaye, « sur les thèmes qui nous sont chers… ». Fanny Ortillon ne spoilera pas plus.

 Plus d’infos : www.odetteandco.fr

 

*Anne-Cécile Richard, comédienne et directrice artistique de la compagnie On t’as vu sur la pointe, à Allaire (56)

« Un cheveu de femme tire plus que 30 paires de bœufs ».

Héroïnes, une pièce de théâtre documentaire a été créé lors d’une résidence d’artistes il y a 6 ans, à la maison de retraite de Guémené - Penfao (44). La comédienne Anne-Cécile Richard, qui en est à l’origine avec Antoine Malfettes, en explique la genèse : « Nous avons recueilli le récit de vie des résidents, et notamment d’agricultrices à la retraite. Nous avons été saisis par leurs difficultés et l’absence de reconnaissance de leur statut. » Les artistes décident de confronter leurs paroles avec celles d’agricultrices d’aujourd’hui. Le spectacle embrasse un spectre plus large de thématiques, telle celle des suicides, sur fond de crise des agriculteurs. Et, à travers une fiction, fil rouge de la pièce, les conditions de la femme en milieu rural du début du XXe siècle à nos jours. « Nous nous sommes aperçus que ces sujets ne sont pas datés, mais bien actuels, et notamment que les préjugés perdurent ». Dans le public, les réactions sont vives, avec « beaucoup de gens issus du monde rural qui ne poussent pas les portes des salles habituellement ». Anne-Cécile Richard espère que le spectacle contribuera à faire avancer les mentalités. Et de livrer un proverbe reçu d’une agricultrice : « Un cheveu de femme tire plus que 30 paires de bœufs ».

Plus d’infos : www.ontavusurlapointe.com

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