[SANTÉ] « Le reste à charge zéro est un abus de langage » - Jean-Paul Benoit, Mutualité Française Sud, Provence Alpes-Côte d'Azur

Publié le lun 05/11/2018 - 12:06

Reste à charge zéro, plan pauvreté... Le gouvernement a lancé plusieurs chantiers dans les domaines de la santé et du social. La Mutualité Française alerte sur les biais de certaines annonces comme le « 100% santé » ou de l’extension de la CMU-C. Ces dispositifs ne seraient pas forcément avantageux pour les bénéficiaires. Rencontre avec Jean-Paul Benoit, président de la Mutualité Française Sud, Provence Alpes-Côte d'Azur. 

Jean-Paul Benoit, président de la Mutualité Française Sud, Provence Alpes-Côte d'Azur - FD

 

Selon vous, le reste à « charge zéro » que veut mettre en place le gouvernement est un abus de langage. Pourquoi ?

C'est un abus de langage, car cela ne va pas concerner la totalité des soins. Seuls trois secteurs sont concernés : l'optique, le dentaire et les audioprothèses. Et uniquement une partie des appareillages sont éligibles au dispositif. Il restera donc des restes à charge pour la plupart des patients.

Le gouvernement a annoncé la mise en place d'un plan pauvreté, qui prévoit notamment la généralisation de la CMU-C. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Le projet du gouvernement veut toucher à l'Aide à la complémentaire santé (ACS). Ce dispositif concerne les personnes ayant des revenus se situant juste au-dessus du plafond de ressources qui permet d'accéder à la CMU. L’État va transformer cette ACS en une CMU-C « contributive ». Cette dernière offrirait les même garantie que la CMU-C, mais avec une cotisation à payer. Le gouvernement a d’ailleurs parlé d'une complémentaire à 1 euro par jour.

Plusieurs remarques sont à formuler sur ce nouveau dispositif. Lorsque l'on parle d'une complémentaire à 1 euro pas jour, cela fait quand même 360 euros pas an. Avec l'ACS, certaines personnes arrivaient à avoir une complémentaire avec pratiquement pas de cotisation à acquitter, voire pas de contribution du tout, dans certains cas. Or, 360 euros, pour un jeune de 20 ans ou un petit retraité, c'est extrêmement cher.

Deuxième problème : nous savons qu'avec la CMU-C, il existe des refus de soins qui se multiplient. Refus de la part de professionnels qui pratiquent le dépassement d'honoraires ou qui ne veulent pas pratiquer le tiers payant. Si tout le monde est renvoyé vers la CMU-C, ce sera encore plus stigmatisant pour certaines personnes.

Ces mesures ne vont donc pas, selon vous, contribuer à réduire les inégalités face à la santé ?

Le problème, c'est qu'en l’état actuel des choses, le dispositif proposé est très ciblé sur quelques appareillages.

Surtout, il ne faudrait pas que tout cela se traduise par une augmentation des cotisations des complémentaires, qui sont déjà chères, du fait de l'augmentation des taxes, ces dernières années, et de l'augmentation du coût du risque. Il ne faudrait pas qu'une nouvelle augmentation aboutisse au fait que des gens soient exclus de la complémentaire. Aujourd'hui, quatre millions de personne n'ont pas de complémentaire, malgré l'existence des dispositifs CMU et ACS.

Ces personnes n’auront pas de reste à charge zéro. Le gouvernement entretien une ambiguïté sur un « 100% santé » qui peut faire penser à un « 100% sécu ». Or, le dispositif reste à charge zéro ne fonctionne que parce que il y a une forte contribution des complémentaires. Donc, ceux qui n'ont pas de complémentaire n'aurons pas de reste à charge zéro.

Je rappelle que le candidat Macron avait promis zéro reste à charge sur l'optique, le dentaire et l'audioprothèse pour tous les Français. Or, tous les Français ne seront pas concernés par ces dispositifs.

Plus d'infos : https://sud.mutualite.fr/

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