[ NATURISME ] La liberté à fleur de peau en Occitanie

Publié le mar 23/07/2019 - 08:00

Par Céline Cammarata

Chaque année, en France, considérée comme « le berceau du naturisme », 4,7 millions de vacanciers décident de faire tomber le maillot et optent ainsi pour cette pratique. Parmi eux, près de 50% sont des étrangers. L’Hexagone confirme ainsi sa première place comme destination touristique naturiste mondiale et offre la plus importante capacité d’hébergement naturiste d’Europe. Dans le Gard, le village Saint-Privat de Champclos accueille ainsi les adeptes de la pratique.

Naturistes de naissance, leur philosophie de vie les conduit vers l’acceptation de soi. Rencontre avec Adam et Eve, version 2019, dans un écrin de verdure à Saint-Privat de Champclos, au domaine de la Sablière. Comme au bout de nulle part, après une petite route qui chemine dans la verdure, me voilà arrivée au camping du domaine de la Sablière à Saint-Privat de Champclos. J’y ai rendez-vous avec Gaby Cespédes, une « pionnière » du naturisme. Fermée par des barrières, l’entrée du camping signe la fin de la route. Sur 70 hectares, dans les collines du Gard provençal, à perte de vue, les falaises, la rivière et ses berges. Restaurants, piscines, sauna, superette, crêperie, tout est disséminé. Les différents habitats et emplacements de camping arborés bénéficient d’une vue imprenable. Des arches - creusées naturellement dans le calcaire des collines - pour certains, les ruines du château pour d’autres... Gaby se souvient : « En 1974, nous étions venus faire du camping sauvage avec mon mari. Il est tombé amoureux de cet endroit. » Ils n’en repartiront plus. Et ouvriront quelques emplacements un an après. Si vous lui demandez comment elle est venue au naturisme, elle répond : « Nous sommes naturistes de naissance. Je suis née à la fin de la guerre. Nous étions trois filles dans une maison sans douche, ni sanitaire. Pour le bain, ma mère remplissait une grande bassine et nous lavait dedans. Pendant que nous barbotions, elle se lavait à l’évier par morceaux. Voilà, la nudité ne m’a jamais posé problème. »

« Une deuxième naissance »

Pour Jean-Léon, le joueur de cornemuse belge, le déclic a eu lieu à 24 ans : « En vacances, je me suis trouvé sur une plage déserte au bord de l’océan. Je me suis déshabillé. Cette sensation lorsque je suis rentré nu dans l’eau, si proche des poissons, je ne l’ai pas oubliée. Même si c’était contraire à mon éducation catholique, je l’ai gardée dans mon cœur. » Car en Belgique, le naturisme et les occasions de le pratiquer restent rares. « J’habite près de l’Allemagne où la pratique est très répandue, poursuit-il. Je me suis rendu dans un sauna naturiste. Et là j’ai plongé en plein, comme une deuxième naissance. Le regard des autres ne me faisait plus peur. »
Quant à Angèle-Marie, sa compagne, elle pratiquait le bain de soleil nue, cachée dans son jardin. Aussi lorsque leur couple se forme, le lieu de leur habitation représente un choix stratégique : « Nous souhaitions vivre à la campagne pour nous mettre à l’abri des regards et profiter de la nature en toute intimité. Nous profitons au maximum du jardin mais lorsqu'il fait trop froid, nous vivons nus à l’intérieur. »

« Je n’irai ni chez les libertins, ni dans le béton » Bernard, un naturiste

Ici donc c’est le rêve et la liberté d’être soi-même sans se cacher. Mon petit groupe, confortablement installé au bord de la piscine avec vue imprenable sur les 3 arches, s’accorde sur sa vision des choses : le naturisme se vit dans la nature. « Chacun vit son naturisme comme il le souhaite, cela va de soi. Moi, c’est dans la nature et quand il fait beau ! Je n’irai ni chez les libertins, ni dans le béton. Ici, on peut faire des kilomètres de promenade sans déranger personne. Pour moi, le resto à Paris ou la visite de musée nu ne présentent vraiment aucun intérêt. C’est ma philosophie. J’ai d'ailleurs tenté d’aller au Cap d’Agde avec ma caravane et je n'ai même pas attendu l'ouverture de l'accueil du camping devant tant d'affluence. Je ne me suis pas senti bien dans cet environnement ! Ici, nous sommes dans un paradis », résume Bernard. Il habite la région et a installé un mobile-home à l’année au domaine. Mais il refuse toute photo, son art de vivre ne tolère aucune publicité. Et Gaby de renchérir : « C’est aussi un partage. On est là pour se faire plaisir sans s’épier. Raison pour laquelle avec mes deux voisins – deux autres campings se trouvent sur la même colline depuis 1964, ndlr -, nous louons à la commune un total de 100 hectares et toutes les rives de la Cèze qui les traversent. Soit un domaine de 160 hectares en pleine nature où nos vacanciers peuvent évoluer en toute tranquillité ».

Gaby Cespedes, qui a découvert l’endroit 45 ans plus tôt et ne l’a plus jamais quitté ©La Sablière

Un maître mot : le respect

Préserver ce bien-être demande une grande vigilance. Les client(e)s doivent porter le bracelet du camping et des vigiles surveillent les abords en pleine saison afin de garantir la paix aux familles. « Ici les enfants évoluent à leur guise sur tout le domaine. Nous devons donc nous prémunir contre les voyeurs même si les tentatives d'intrusion sont rares. » Mais Claudie assure les démasquer aisément : « Ils se repèrent tout de suite. Ils ne sont pas à l’aise, pas naturels. » Cette habituée a osé le naturisme pour suivre son mari, aujourd’hui décédé : « A la maison, je me déplaçais d’une pièce à l’autre nue. Mes enfants n’étaient pas choqués mais l’idée du regard des autres me rendait réticente. Et puis lors de notre premier essai, tout naturellement, les gens nous ont accueillis. Je me suis sentie respectée. »

Sandy, la professeure de yoga du village, vit le naturisme depuis la naissance. « Mes parents habitaient ici, à la Sablière. Ils en ont été les gardiens durant mes dix premières années. Donc pour moi être nue, c’est naturel. Enfant, je ne me suis jamais posé la question des vêtements. Et aujourd'hui, je les porte comme une protection. Mais je ne suis pas une naturiste pure et dure car je suis frileuse. Idem dans la pratique sportive. Je ne pratique pas le yoga nu, ni le jogging ou le volley nue. En fait chacun vit son naturisme à sa façon. On n’est pas obligé de tout montrer non plus. Personnellement, à certaines périodes, je préfère porter un paréo ! Même à l’adolescence, j’ai vécu les choses sereinement. J’ai grandi dans cette acceptation de soi, dans la douceur et la sérénité. Naturisme et yoga partagent d’ailleurs cette même philosophie. »

Plus d’infos :

ffn-naturisme.com : vous y trouverez le petit guide des préjugés sur le naturisme, et les réponses aux questions les plus souvent posées pour les nouveaux naturistes.

https://ajnf.fr : association des jeunes naturistes de France.

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