[Maternité de Die] : l’espoir trois ans après la fermeture

Publié le dim 10/01/2021 - 13:00
Crédit photo : Elodie Potente. « Je suis né à la maternité de Die », une campagne d’affichage pour défendre la maternité avant sa fermeture en 2017
 
Par Elodie Potente
 
Le 31 décembre 2017 fermait la plus petite maternité de France. Depuis, un bras de fer entre les habitants du Diois et les institutions régionales s’est engagé. Face à l’incertitude, les défenseurs de ce service de proximité ne baissent pas les bras et pointent du doigt la mise en danger des futures mamans.
 
Trois ans après sa fermeture, Philippe Leeuwenberg, président du collectif de défense de l’hôpital de Die, conteste sans relâche la décision d’arrêter les services maternité et chirurgie de l’hôpital de Die. Obligées de faire plus d’une heure de route pour accoucher, « les femmes enceintes du Diois sont stressées », affirme-t-il. Entouré de citoyennes et citoyens impliqués, ce fervent militant a engagé un bras de fer social et juridique avec les instances de santé. 
Car depuis fin 2017, aucun cri de nouveau-né n’a retenti dans l’enceinte de l’hôpital de Die. Les habitants de la petite ville de la Drôme ont appris à composer sans les services de maternité et de chirurgie. Ces deux unités de l’hôpital rural, créées en 1983, ont fermé leurs portes après une lutte de trois décennies pour leur maintien.
À coup de manifestations, de rassemblements et de communication, le collectif de défense de l’hôpital de Die, formé en 1986, a permis à la plus petite maternité de France de rester ouverte trente ans. Avec moins de 150 accouchements par an, le service était régulièrement menacé. Rien qu’entre 2001 et 2016, l’Agence régionale de santé a délivré sept autorisations de renouvellement de fonctionnement : « Jusqu’en 2017, le collectif de défense de l’hôpital mettait la pression, descendait dans la rue et le ministère cédait », raconte Thomas Bompard, enseignant chercheur à l’université de Grenoble, qui a suivi les rebondissements juridiques liés à la fermeture.
La maternité (de niveau 1) 1 a survécu tout ce temps avec un déficit d’environ un million d’euros par an, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales publié en 2013. Et sans doute le départ à la retraite du chef de service en gynécologie courant 2017, son non remplacement, ainsi que l’embauche successive de contractuels venant de l’hôpital de Valence, ont précipité la décision de l’Agence régionale de santé, de la Préfecture et de la direction de l’hôpital. 
Pourtant la bataille de Philippe Leeuwenberg a fini par payer puisqu’en juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a tranché en faveur du collectif. Le verdict rendu indique que la direction de l’hôpital de Die aurait dû consulter en 2017 son conseil de surveillance, composé d’élus et de praticiens de santé, avant d’annoncer sans explications que la maternité fermerait. Une bataille gagnée, mais pas la guerre, car il faut bien faire sans, en attendant.
 

Faire le lien sans maternité

 
« Il y a eu un état de choc et de stress très violent après la fermeture », confie Ludivine Sgandurra, seule sage-femme libérale du Diois. La praticienne s’est depuis adaptée à cette nouvelle réalité et travaille en lien avec les hôpitaux de Valence, Montélimar, Gap, Grenoble et Briançon. « Mon énergie est dédiée à entretenir un réseau de qualité, pour essayer de coller au maximum aux souhaits des parents et à leur réalité géographique. Ce qui m’importe, c’est d’accompagner les femmes dans leur propre connaissance intuitive du moment où il faut partir à la maternité en y intégrant les 1h30 de trajet. » Elle rassure également les pères, qui sont particulièrement nerveux face à des trajets de plusieurs centaines de kilomètres, sur de petites routes parfois enneigées.
Dès janvier 2018 un centre périnatal a ouvert à Die afin d’assurer aux femmes enceintes un suivi de leur grossesse sur place. Malgré ce maintien du lien avec le territoire, plusieurs incidents survenus en 2019 ont réveillé l’inquiétude des Diois. Deux femmes ont accouché dans leur voiture entre Die et Valence et une maman a perdu son bébé in utéro.
Avec sa grossesse à risque, la mère d’Aimé n’a pas été prise en charge assez rapidement par l’hélicoptère venu de Valence. Dans la conclusion de son enquête sur le décès du bébé, l’Agence régionale de santé reconnaissait  «un défaut de coordination au sein de la cellule de régulation du centre 15» avec pour conséquence «un retard du décollage» de l’appareil. Endeuillés, les parents se battent toujours pour faire la lumière sur la mort de leur troisième enfant : « On dit faire des économies en fermant des maternités, mais on ne pense pas aux dommages collatéraux », dénonçait le papa en mars 2019, lors d’une marche blanche pour son fils. 
Plus d’un an après le drame, Aurélie Vuinée, doula2 dans le territoire, rappelle que les futurs parents du Diois font face à  « une perte de liberté dans leur choix profond de pouvoir donner naissance dans un certain confort. Que ce soit concernant le temps de trajet vers les maternités ou le choix d’un accouchement à domicile.» Pourtant très prisé dans le Diois, l’accouchement à domicile y est devenu impossible. Pour des questions d’assurance, les sages-femmes libérales le pratiquent peu à plus de trente minutes d’une maternité. 
 

« C’est la débrouille totale ! »

 
« Ma mère a prêté plusieurs fois son appartement à Valence à des femmes enceintes du territoire, c’est la débrouille totale ! », témoigne Thomas Bompard, lui-même originaire du Haut-Diois. Aujourd’hui, les futurs parents s’organisent par leurs propres moyens : « Certains se rapprochent de Valence avant l’accouchement, d’autres vont faire des accouchements « sauvages » (entendre sans suivi médical) dans le Diois », souligne Philippe Leeuwenberg. 
Aurélie Vuinée a tenté, avec d’autres doulas, de mettre en place une liste de relais pour rapprocher les parents de leur maternité de destination à la fin de leur grossesse. L’hôpital de Valence a quant à lui prévu des chambres d’hôtel à côté de sa maternité pour les patientes ayant des grossesses à risques. 
« Il y a des trous dans la raquette, l'État s'adapte au maximum aux besoins », s’était justifié Hugues Moutouh, préfet du département, lors d’un conseil communautaire dédié à la santé, le 4 juillet 2019.  L’expression employée par le haut-fonctionnaire a profondément choqué les habitants qui y ont vu un mépris pour les territoires ruraux : « Le préfet parle de trous dans la raquette, mais c’est quand même à lui de prendre en charge la sécurité des citoyennes !», dénonce Philippe Leeuwenberg. 
 

La maternité rouvrira-t-elle ?

 
Le 30 septembre 2020, le conseil de surveillance de l’hôpital s’est réuni, suite à la décision de justice. Seule la maire de Die (nouvellement élue) et le président de l’intercommunalité ont voté pour le renouvellement des autorisations de fonctionnement de la maternité. « C'était évident que les drames qui se sont passés récemment allaient arriver, ce n'est que le début d'une longue série », s’inquiétait Tanya, une habitante du Haut-Diois, lors de la marche blanche pour Aimé, mort in utéro.
Aujourd’hui, certaines femmes enceintes du Diois sont stressées, d’autres « font le deuil » de leur projet de naissance. Mais si la décision de justice de juillet est un symbole fort, la maternité ne rouvrira pas… du moins pas tout de suite. Car un nouvel hôpital est en projet de construction à l’entrée de Die, et le débat sur une future maternité sera forcément remis sur la table. 
 
Notes de bas de page
1. Les maternités ont été divisées en trois niveaux (1, 2 et 3) selon leur degré de technicité.
2. Une doula propose un accompagnement non-médical de la grossesse et de l’accouchement. Aujourd’hui, certains hôpitaux les acceptent durant les accouchements.
 
Plus d’info : Le blog du collectif de l’hôpital de Die http://www.collectifhopitaldie.org/blog/
Le communiqué de presse de l’Hôpital de Die suite au conseil de surveillance du 30 septembre 2020 : http://www.ch-die.fr/communiques.html

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