[INTERVIEW] Chantal Zaouche Gaudron : « Les structures d’accueil mère-enfants créent une bulle de sérénité »

Publié le ven 30/07/2021 - 11:38
Crédit : Chantal Zaouche Gaudron.

Propos recueillis par Catherine Stern

En France, trois millions d’enfants vivent en situation de pauvreté, dont un quart dans une famille monoparentale, majoritairement avec leur mère. Chantal Zaouche Gaudron, professeure de psychologie de l’enfant à l’université Toulouse-Jean-Jaurès, autrice du livre Enfants de la précarité (1), nous explique l’impact possible sur leur développement.

Quelles conséquences peut avoir sur les enfants le fait de vivre avec une mère en situation d’isolement et de précarité ?
Si la mère solo a un soutien amical, familial, un job qui peut la faire tenir au niveau socio-économique, l’impact ne sera pas le même que si elle vit dans un logement insalubre, sans argent et complètement isolée socialement… L’accumulation des facteurs peut être préjudiciable à la construction d’une parentalité favorable, et donc avoir un impact sur le développement de l’enfant. La parentalité (2) n’est jamais à comprendre en dehors des contextes : zone d’habitation, type de logement, facteurs environnementaux, niveau socio-économique, d’études, accès aux soins, aux services d’accueil de la petite enfance, aux loisirs... et plus récemment la pandémie.

Qu’apportent les structures d’accueil mère-enfants pour éviter les effets délétères sur les jeunes enfants ?
Elles apportent d’abord un cadre sécurisant, un foyer avec de l’eau, du chauffage, pas de peintures ou de poussières nocives pour la santé des enfants. Elles fournissent aussi un espace psychique où les mères pourront se sentir en confiance, être accompagnées par des intervenants sociaux, des psychologues, avoir des échanges avec d’autres mères solo pour rompre l’isolement. Il y a également souvent une aide pour régulariser les papiers administratifs et un soutien pour rebondir dans leur vie professionnelle. L’ensemble crée une bulle de sérénité afin que ces mères puissent entretenir des relations plus apaisées avec leurs enfants, ce qui leur donne un environnement socio-affectif et émotionnel plus adapté à leur développement.

Y a-t-il suffisamment en France de structures d’accueil mères-enfants pour répondre à des problèmes de précarité ou de violences conjugales ?
Non. D’après les associations, il manque au minimum 32 M€ pour créer 2000 places supplémentaires, malgré les 1000 places annoncées après le Grenelle des violences conjugales (3). De plus, il manque une cartographie de ces places qui sont mal repérées par les associations.

(1) Editions Erès, 2017, 15€.
(2) C’est-à-dire les processus psychiques à l’œuvre en vue de répondre aux besoins fondamentaux de l’enfant en termes affectif, émotionnel, de soin et de développement socio-cognitif.
(3) De septembre à novembre 2019, le gouvernement français a consulté des associations, forces de l’ordre et professionnel·les de santé sur les violences conjugales, ce qui a débouché sur des mesures d’urgence.

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