Paris, le 29 novembre 2023
Monsieur le Président de la République,
Ces 2 dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour le budget de nombreux ménages. L’inflation alimentaire a atteint plus de 20%, le prix d’un litre de carburant a régulièrement avoisiné voire dépassé les 2€ et celui de l’énergie s’est envolé (+26% en 2023 juste pour l’électricité).
Dans ce contexte où des millions de consommateurs en sont à faire de l’alimentation la seule variable possible d’ajustement d’un budget devenu insuffisant y compris pour assurer leurs dépenses les plus contraintes, certaines entreprises enregistrent des profits records, qualifiés « d’excessifs » y compris par Benoît Cœuré. En effet, selon le Président de l’Autorité de la concurrence, les 2/3 de l’inflation, dans la zone euro, seraient le fait des entreprises…Les institutions financières telles que le Fonds Monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne dressent le même constat : les prix de l’alimentation, en particulier, augmentent bien au-delà de ce que leurs coûts de production l’exigent.
Comment tolérer qu’en France, au 21ème Siècle, face à cette flambée organisée des prix, près d’un Français sur trois (29 %) déclare devoir sauter un repas par manque d’argent et 43 % (55 % en milieu rural) affirment avoir déjà renoncé à acheter des aliments et produits alimentaires, faute de moyens ?
Nos 4 associations, au-delà d’avoir dénoncé cet état de fait par le biais de plusieurs études, toutes concordantes, proposent des solutions urgentes qui s’inscrivent dans la droite lignée de vos propres engagements : « Personne ne doit profiter de cette crise ».
Conformément à ces propos que vous avez vous-même tenus lors d’une interview télévisée du 24 septembre 2023, votre gouvernement n’a déjà que trop tardé à « mettre en place - et vous deviez y veiller personnellement - un accord sur la modération des marges dans tout le secteur [alimentaire] ».
Cette posture, qui engage l’Etat à protéger les consommateurs de pratiques abusives a été confirmée le 27 septembre suivant par le ministre de l’économie affirmant : « Nous veillerons, c’est ce qu’a demandé le Président de la République, à ce que les marges soient raisonnables. (...) C’est le rôle de l’Etat de garantir l’ordre public, économique, qu’il n’y a pas de profits qui soient excessifs, de rentes faites par certains et que l’argent soit rendu aux consommateurs. »
Devant les constats factuels, tirés des bilans financiers des géants de l’industrie agroalimentaire d’une part, et des résultats de la grande distribution d’autre part, qu’attendez-vous alors pour agir ?
Face à l’urgence de l’inflation incontrôlée et de la précarité alimentaire grandissante, nous vous enjoignons par cette lettre ouverte à faire toute la lumière sur la construction des prix alimentaires et mettre fin au plus vite aux marges excessives, qui sont dévastatrices tant pour les consommateurs que pour nos producteurs. Foodwatch, Familles Rurales, l’UFC-Que Choisir et la CLCV exigent :
- L’obligation de transparence totale et immédiate sur les marges nettes par produits réalisées par les géants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution ;
- Des mesures concrètes pour rendre impossibles les marges excessives sur les produits alimentaires essentiels, sains et durables, tant par les industriels que par la grande distribution - à commencer par ceux recommandés par le Programme National Nutrition Santé (PNNS), comme les produits bruts, les fruits et légumes, les légumineuses et les produits céréaliers, notamment issus de culture bio ;
- La suppression de la marge minimale garantie de 10 % pour la grande distribution (Seuil de Revente à Perte).
Nos associations lancent parallèlement une pétition, pour que les Françaises et Français puissent se mobiliser collectivement et soutenir massivement ces demandes.
La France demeure l’une des plus grandes puissances mondiales, il est nous semble-t-il du devoir de nos dirigeants d’exercer leur responsabilité en rendant à des millions de familles leur dignité. L’accès à une alimentation choisie, saine et durable ne doit plus constituer un luxe pour certains d’entre nous mais redevenir une réalité pour toutes et tous.
Comptant sur votre action et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président de la République l’expression de notre très haute considération.