[REPORTAGE] En Bretagne, des écoles dans la nature

Publié le ven 03/12/2021 - 09:00
© Aurélie Jaffrelot

Par Anne-Laure Petit-Hénon

A côté des initiatives et programmes de l’Éducation nationale, la Bretagne compte 33 écoles alternatives hors-contrat qui prennent du champ par rapport aux pédagogies traditionnelles. Et le choix de certaines de miser sur un accès privilégié à la nature et une approche pédagogique de l’environnement attire de plus en plus de familles. Visite de quelques-unes de ces écoles différentes, existantes ou en projet.

Plélo, Côtes-d’Armor. Dans cette rue résidentielle, un panneau sur une maison attire l’œil : Ecole Saint-Erwan. A part ça, de l’extérieur, rien ne laisse penser qu’ici on enseigne, ni qu’une partie du vaste terrain derrière a été délimitée et aménagée en cour de récréation. Sans béton. « Une cour bétonnée, c’était rédhibitoire pour moi. Je voulais créer un endroit où les enfants sont contents de venir et d’apprendre », raconte Aurélie Jaffrelot, qui a ouvert cet établissement il y a trois ans, avec l’aide de l'association KSL qui soutient l'enseignement libre et catholique en Bretagne et met gracieusement à disposition le lieu.

Cette école « alternative » et hors-contrat avec l’Education nationale mise sur un contact direct avec la nature et favorise des pédagogies non-traditionnelles de type Montessori ou Freinet. Ici, l’enfant apprend par l’expérimentation. Dans le champ, trois fillettes poussent une brouette en vue de construire une cabane dans les arbres, tandis que plus loin, un garçon remplit de terre un camion de chantier en modèle réduit. « Il adore ça mais, parfois, on doit le freiner car sinon il retournerait tout le terrain », sourit la directrice. Ici, pas de cris - même en cas de piqûres d’orties -, tant le cadre est apaisant.

Une école où se sentir bien

Les parents semblent reconnaître les bienfaits de ce type d’écoles et Saint-Erwan a vu ses effectifs plus que doubler en un an, passant de 9 à 21 élèves. Ces alternatives sont trop peu nombreuses au goût de Céline Pageot, qui en a cherché pour scolariser ses deux enfants. « L’école alternative où allait mon fils a fermé en 2018 et, depuis qu’il est passé à une école traditionnelle, il souffre de ne pouvoir aller plus dehors. Un enfant n’est pas le même quand il est enfermé dans une salle de classe toute la journée ou quand il a accès à l’extérieur », raconte celle qui fut en échec scolaire et voudrait aujourd’hui assouvir son rêve d’enfant : créer une école où se sentir bien. Avec son association Graines de Joie, elle cherche le lieu parfait, dans les environs de Rennes, pour créer une école en pleine nature. « On souhaite un lieu cohérent avec notre projet qui serait une école, mais aussi un centre de loisirs, un lieu de convivialité… Le tout dans un espace propice pour sensibiliser à l’environnement », précise-t-elle.

Apprendre plus facilement avec et par la nature

Diagnostiquée dyslexique au collège, Céline Pageot est convaincue qu’« être dans la nature et s’en servir comme support permet aux élèves d’apprendre plus facilement car faire classe en extérieur développe les capacités d’écoute et d’attention des enfants. » Aurélie Jaffrelot, la directrice de St-Erwan, ajoute, en regardant un groupe de cinq enfants faire des trous dans un bambou pour fabriquer une flûte, sous les fenêtres du réfectoire, que « cela développe leur imagination. »

La nature est un support aux apprentissages. Céline Pageot voudrait creuser une mare sur le terrain de sa future école pour permettre aux élèves d’étudier les surfaces et la biodiversité. « La nature fait partie intégrante de la pédagogie », souligne-t-elle, forte de 48 pré-inscriptions pour 40 places dans sa future école Graines de joie. 

A St-Erwan, le potager est un fil rouge pour apprendre les saisons. Deux garçonnets y récoltent les dernières framboises. « Ce cadre naturel, il faut s’en servir encore plus », affirme la directrice qui utilise aussi l’environnement pour d’autres matières comme la géométrie. Munis d’un appareil photo, les élèves se baladent dans les lieux pour trouver des lignes parallèles.

Mais sortir du cadre a un coût non négligeable : 195 € de frais de scolarité par mois pour l’Ecole Saint-Erwan et 300 à 350 € pour Graines de joie. Donc pas accessible à la plupart des familles.

Ecole dans la forêt

Julie Ricard, elle, propose plutôt aux parents et aux enfants de venir participer à des ateliers, en complément de l’enseignement fait à l’école. « J’ai fait le choix de l’accessibilité car une école hors contrat est chère », explique la créatrice de la première forest school (école en forêt) de Bretagne, dans le bois de Lanhoulou (Finistère).

En s’enfonçant dans la forêt, on trouve un feu de camp aménagé à côté d’une cuisine d’extérieur. Des ustensiles permettent de concocter des « petits plats » à base de gadoue. Un peu plus loin en suivant la direction « cabane », on arrive à une clairière et un ruisseau. Un lieu bucolique et apaisant. « Ici, l’enfant apprend par lui-même mais il n’y a pas d’objectifs d’apprentissage tels qu’ils sont définis par les programmes scolaires », poursuit cette ancienne institutrice. En ce moment, le thème des ateliers est l’automne. Ce jour-là, on célébrait l’équinoxe avec des jeunes de douze ans. Mais seulement trois suivaient l’atelier prévu, d’autres ayant préféré aller au ruisseau construire des moulins à eau. « Ne pas suivre un atelier, ça se célèbre !, s’amuse Julie Ricard. Car il faut se sentir assez à l’aise pour prendre l’initiative de faire une autre activité. » L’objectif dans la forêt, c’est de se sentir bien dans le lieu, avec les autres et avec soi-même.

La pédagogie par la nature appliquée ici est une philosophie à part entière qui fait une grande place à la curiosité et à l’envie. Ici, un enfant veut connaître cet arbre que Julie appelle « les griffes de dragons », tandis que d’autres préfèrent jouer dans la cuisine. « En apprenant à partager les ustensiles, à reproduire des scènes de la vie quotidienne, les enfants font un apprentissage social. »

 

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