[TRIBUNE] Tribune du Collectif "Stop Artificialisation"

Publié le ven 27/10/2023 - 20:22

ZAN & SRADDET Bretagne : La terre est un bien commun, pas une marchandise !

 

Le Collectif Stop artificialisation (présentation détaillée à la fin) alerte les élus de Bretagne au travers de la présente tribune, sur la nécessaire préservation des terres contre l’artificialisation. Ce travail s’inscrit dans la continuité et en complément des travaux d’autres acteurs :

• Contribution d’Alternatiba Rennes à la concertation préalable du SRADDET

• Contribution de FNE Bretagne à la concertation préalable du SRADDET

• Note du Réseau Action Climat France

• Note de la Conférence des Autorités Environnementales (MRAE)

Depuis des décennies en France, plutôt que de sanctuariser nos terres agricoles et naturelles, la plupart des politiques publiques ont fait le choix de grignoter ces dernières pour créer des routes, des lotissements, des zones d'activités, etc. Ainsi, depuis les années 1960, le rythme de consommation des sols a dépassé largement le rythme de la croissance démographique : il est 3,7 fois plus important que l'accroissement démographique. Partout dans nos territoires, nous voyons des projets d'artificialisation des terres, qui sont incohérents avec l’objectif national de zéro artificialisation nette des sols. Pour la Bretagne c'est équivalent de la superficie de Groix, chaque année, qui a été artificialisée entre 2011 et 2021. Cela menace aussi les continuités écologiques, la ressource en eau, le climat, tout en dégradant le cadre de vie de nombreux riverains. Enfin, ces projets sont souvent coûteux, pour une utilité publique contestable.

Alors, qu'il est possible de faire autrement, des citoyens, des associations, des paysans s'unissent pour faire entendre une autre voix et montrer qu'il est possible de faire autrement. Nous invitons les décideurs à changer les politiques publiques encore trop dévastatrices pour les terres agricoles et naturelles. Cela doit se traduire de façon ambitieuse dans le projet de SRADDET, mais aussi (rapidement) dans chaque SCOT et chaque PLU, partout en Bretagne.

Nous invitons les citoyens, associations, élus et paysans à se fédérer afin de montrer qu'une majorité veut ce changement.

Une réglementation qui tend à mieux protéger les terres

Au niveau européen, le projet de Directive cadre sur les sols, et la résolution adoptée par le Parlement européen le 28 avril 2021 posent un cadre légal. A l’issue de la Convention Citoyenne pour le Climat , les citoyens proposent (entre autre) :

• PROPOSITION SL3.1 : Définir une enveloppe restrictive du nombre d'hectares maximum pouvant être artificialisés réduisant par 2 l’artificialisation des sols et rendre les PLUI et PLU conformes aux SCoT (et non plus compatibles)

• PROPOSITION SL3.2 : Interdire toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante

• PROPOSITION SL3.3 : Prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace

• PROPOSITION SL3.4 : Protéger fermement et définitivement les espaces naturels, les espaces agricoles périurbains et les forêts périurbaines. S’assurer d’une gestion durable de l’ensemble des forêts privées et publiques. S’assurer de la création de ceintures maraichères autour des pôles

• PROPOSITION SL3.10 : Renforcer les contrôles du respect des obligations de protection des espaces et de limitation de consommation des terres non urbanisés, sanctionner pénalement les manquements

Comme chacun peut le constater, et malgré l’engagement présidentiel d’un engagement « sans filtre », les propositions des citoyens ont été écarté.

Pour autant, la loi Climat et Résilience votée le 22 août 2021, fixe un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) que la France devra atteindre en 2050. Avec deux objectifs majeurs pour lutter contre l’artificialisation des sols :

• une division par deux du rythme national de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) entre 2021 et 2031 par rapport à la période de dix années précédentes,

• réduire l’artificialisation des sols (surface dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, ou stabilisés et compactés, ou constitués de matériaux composites) par tranche de 10 ans (2031-2040 et 2041-2050) pour atteindre l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050.

La loi prévoit qu’il revient aux Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET, cf Loi NoTRE 1999) d’appliquer ces trajectoires de réduction de manière différenciée en fonction des territoires. Cette nouvelle obligation légale conduit à une nécessaire révision des objectifs insrits au SRADDET Bretagne et par une prochaine déclinaison de la trajectoire de réduction de consommation foncière, et ce Pays par Pays.

Comme Alternatiba Rennes, nous pensons que les principes de « zéro artificialisation nette» à échéance 2050 sont insuffisants : « Il nous faut en fait arriver à du « zéro artificialisation brute », comme le disent notamment les auteur·ices de La ville stationnaire, et ce dès maintenant. Nous sommes convaincu·es que l'on peut faire mieux avec moins, en restant dans les enveloppes artificialisées actuelles, notamment en optimisant le tissu existant, à toutes les échelles. »

Le SRADDET Bretagne

Durant ces 10 dernières années (2011/2021), la Bretagne administrative a artificialisé 18 000 ha et figure parmi les régions qui devront faire le plus d'efforts pour réduire une consommation foncière effrénée.

Le SRADDET Bretagne existant vise déjà dans objectif 31 « mettre un terme à la consommation d’espaces agricoles et naturels » à l’horizon 2040 (et non 2050, comme prévu au niveau national, par la loi).

Nous soutenons la proposition de France Nature Environnement Bretagne, qui dans la concertation préalable rappelle « ce nouveau calendrier national ne doit pas conduire à une régression de l’objectif de la fin de la consommation des espaces naturels et agricoles pour 2040 initialement prévu dans le SRADDET Bretagne. C’est pourquoi, l’objectif de zéro artificialisation nette pour 2040 doit être strictement maintenu, renforcé et accéléré. ».

Selon les statistiques (Consommation des sols en Bretagne, janvier 2023), « près de 18 000 hectares ont été consommés entre le 1er janvier 2011 et le 1er janvier 2021 ». En appliquant les principes de la loi Climat et Résilience, c’est une enveloppe maximale de 9 000 hectares qui serait à consommer (sur la période 2021 à 2031). Le compteur de la consommation foncière est donc déjà engagé depuis deux ans, avec certains communes qui semblent ignorer l’impératif de sobriété ou de consommation équitable, dans un esprit d’aménagement équilibré du territoire.

A notre connaissance, nous serions déjà à 3000 ha déjà artificialisés sur cette enveloppe de 9 000. Il ne faudrait pas que les plus gourmands privent de développement certains territoires demain. Si des « points d’étape » en 2030 et 2040 sont prévus par la loi, il nous paraît important d’aller au plus vite vers l’arrêt de l’artificialisation des terres naturelles et agricoles. C’est ainsi que nous incitons les collectivités locales de ne pas dépenser l’enveloppe qui sera attribuée par le SCOT de façon aveugle.

Notre collectif souhaite particulièrement alerter sur :

• Sortir de la compétition entre territoires, pour aller vers une véritable coopération : L’actuelle « métropolisation » aspire beaucoup d’habitants et d’activités sur les métropoles, en vidant les périphéries. Nous appelons à une logique d’aménagement du territoire, afin de soulager les zones sous tension au profit de territoires délaissés. Nous alertons les maires et présidents d’intercommunalités qui doivent être conscients que les compteurs de la consommation foncière tournent déjà (depuis 2021) et que des territoires entament déjà fortement l’enveloppe prévue par la loi Climat et Résilience. C’est pourquoi nous demandons à ce que les données d’artificialisation de 2021, 2022 soient être rendues publiques rapidement, actualisées et rendues accessibles à tous.

• Oser renoncer aux projets d’antan : nous appelons à stopper et abandonner tous les projets climaticides, imposés et polluants qui sont incompatibles avec les impératifs d’eau, de climat, du vivant (grands contournements, extension d’aéroports, etc.).

• L’intérêt général doit toujours primer sur les intérêts privés : aussi, il n’est pas acceptable que des intérêts privés (industriels, promoteurs) fassent pression pour s’accaparer des terres avant que les quotas ne soient fixés et répartis entre territoires. Le ZAN ne devrait pas être vu comme une contrainte mais comme une urgence nécessaire et indispensable pour lutter pour le climat, le vivant, l’eau, etc. un autre mode de développement, auquel nous préférons le terme d’évolution, qui doit guider les décisions des élus : quelles industries ? Avec quels impacts sur l’environnement et quels besoins en ressources naturelles ? Pour quelles productions ? Toute la chaîne de production doit être étudiée et questionnée avec les habitants pour répondre aux besoins sociaux et économiques locaux. La sobriété foncière (comme pour l’eau, l’énergie, etc.) doit être la boussole pour l’ensemble des politiques politiques et dans le cas présent du SRADDET Bretagne.

Propositions et attentes vis-à-vis du SRADDET et de la Région

Le SRADDET doit poser un cadre strict en matière d’artificialisation des sols, en fixant une trajectoire globale de sobriété foncière et des plafonds d’artificialisation à respecter aux différentes échelles de territoire. Alors que le compteur ZAN a déjà débuté en 2021, des communes doivent déjà avoir largement entamé leur quota. Nous demandons qu'il n'y ait aucun dépassement autorisé et proposons que les éventuels droits à l'artificialisation soient consommés avec une grande sobriété foncière et par priorité. Il faut considérer l'utilité sociale des projets; l'évitement et la réduction avant d'envisager les compensations. Il n’est plus acceptable de considérer les terres agricoles comme du foncier utilisable à merci pour des projets d’habitat ou d’activités. Nous appelons à se restreindre sur ce qui est déjà artificialisé, ce qui nécessite de repenser le modèle d'aménagement du territoire et envisager le ZAN en Brut et non en Net.

• Ce cadre doit être plus ambitieux qu’une simple perspective de zéro artificialisation nette, dans la mesure où la compensation ne permet pas de reconstituer les fonctions écosystémiques des sols.

• Au-delà de la fixation d’objectifs correspondant aux échéances légales, le SRADDET doit fixer des points d’étapes et donner des repères réguliers aux collectivités.

La Région, par le SRADDET, mais aussi par son action quotidienne et sa capacité d’accompagner les autres collectivités, doit plus globalement donner un cap aux territoires bretons et faire infléchir rapidement le modèle d’aménagement du territoire. Nous soutenons les recommandations d’Alternatiba :

• Il faut freiner la métropolisation, qui est loin d’être un phénomène naturel. Nous croyons en un modèle polycentrique plus maillé et un réinvestissement des territoires ruraux par le retour des services et des emplois. Ce qui offrent un terreau fertil pour une rupture écologique indispensable. Ils présentent un fort potentiel de logements disponibles, de production alimentaire soutenable (convergent avec le besoin de changement de modèle agricole, cf supra), de densité d'emploi et de qualité de vie, à condition d'y maintenir ou apporter les services publics et équipements nécessaires ;

• Il faut arrêter de considérer que tout projet, notamment économique ou d’infrastructure, est nécessairement bénéfique pour le territoire et pour la population (logique globale de sobriété – cf supra, et cas spécifiques des infrastructures et du e-commerce par exemple - cf partie logistique) ;

• Il faut limiter les résidences secondaires et les locations saisonnières (représentant respectivement 260 000 et 50 000 logements en Bretagne, soit presque 16% du parc), qui contribuent très fortement à la tension sur le logement, en nombre et en prix ;

• Il faut intensifier la réhabilitation et la requalification des logements vacants (130 000 logements étaient vacants à l’échelle de la région en 2020, dont 50 000 depuis plus de deux ans ; à Rennes 8600 et Rennes Métropole quasi 14 000 logements vacants. Mais où est la crise du logement?)

• Il faut rapprocher les équipements publics, services et emplois des bassins de vie, dans une logique de « ville du quart d’heure », dans les territoires urbains comme ruraux. • Cela permettrait de mieux répondre au défi du vieillissement massif de la région (par la population endogène et entrante), la population vieillissante requérant une certaine densité urbaine, la proximité des services, ainsi que des logements de taille et de conception adaptées.

• Dans les zones urbaines, cela doit notamment se traduire par une approche de l’aménagement dépassant le zonage et la mono-fonctionnalité pour donner de la densité et de l’urbanité aux espaces périphériques (entrées de ville, zones commerciales et d’activité

Mieux impliquer tous les acteurs dans la protection des sols

Le processus actuel d’enquête publique est à questionner. De nombreux projets d’artificialisation sont aujourd’hui actés, avec une très faible participation de la société civile ou des associations (ce qui a été le cas pour la concertation préalable du SRADDET). Nous faisons aussi trop souvent le constate d’une non prise en compte des remarques formulées et de l’impossibilité de questionner la pertinence même du projet.

Nous considérons que les citoyens, associations citoyennes doivent avoir leur mot à dire sur ce sujet. Un dispositif ambitieux devrait être mis en place pour débattre collectivement aussi bien sur l’aménagement du territoire que sur les choix des activités économiques, types de productions mais également sur les nouvelles formes urbaine et aménagements urbains à mettre en place pour tenir compte de la nécessaire sobriété foncière. S’il existe un « parlement de l’eau » (assemblée bretonne de l’eau), un « parlement de l’énergie » (conférence bretonne de la transition énergétique), il faudra un parlement des sols de Bretagne (avec toutes les diversités).

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