[INTERVIEW] « Relocaliser des filières et une partie de l’alimentation à Belle-Île »

Publié le sam 23/05/2020 - 07:59

Crédit Photo : Caroline Trouillet. 

Propos recueillis par Élodie Crézé

Victor Giguet-Chevalier est chargé de mission agriculture-alimentation pour le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Belle-Ile-en-mer. Celui-ci met en œuvre, depuis 2018, le Projet alimentaire territorial ( PAT)* de l’île, territoire insulaire du Morbihan, en vue d’en refonder toute la stratégie alimentaire et de relocaliser les filières.

Quel est le profil de Belle-Île, et l’objet du Pat dans ce contexte ?
Belle-Île s’inscrit dans un système de production agricole global conventionnel, avec le recours à des structures industrielles dimensionnées à l’échelle régionale comme la laiterie Lactalis de Pontivy ou l'abattoir Bigard de Quimperlé. L’idée du Pat est de restructurer, à l’échelle de ce territoire insulaire, l’articulation entre production et consommation, et d'en limiter la distanciation. Il y a forcément des intermédiaires, par exemple pour la transformation de la viande. L’idée n’est pas non plus de nier l'utilité de l’industrie agroalimentaire, mais plutôt de relocaliser ces outils industriels pour reprendre la main sur le devenir des filières et une partie de l’alimentation. Si nous recevons des enseignements du continent et d’autres territoires insulaires, la démarche atteint ici un stade de maturité élevé. Belle-Île est, de ce fait, un territoire pilote.

Quels exemples concrets de relocalisation de l’alimentation à Belle-Île pouvez-vous donner ?
Depuis une dizaine d’années, un abattoir local fonctionne sur l’île. Il y a aussi un camion de lait qui assure la collecte, financé, comme l’abattoir, par l’intercommunalité. Des producteurs se sont regroupés pour lancer un point de vente collectif, « Au coin des producteurs », qui permet d’écouler la production locale ; une fromagerie s’est montée et le projet d’une laiterie coopérative semi-industrielle est en voie d’aboutissement.

Comment le Pat intègre-t-il les enjeux de l’insularité ?
Le fait d’être un territoire insulaire constitue un élément pédagogique puissant : on remarque davantage l’aberration à faire faire des allers-retours à un produit entre l’île et le continent, notamment à des animaux destinés à la viande. D’autant plus que le coût du transport est plus important sur une île. En revanche, l’insularité présente un caractère particulier quand il s’agit de structurer une démarche collective : les agriculteurs sont davantage choisis par le territoire qu'ils ne se choisissent entre eux comme cela peut être le cas ailleurs, même si la solidarité insulaire est bien réelle.


*Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), prévus dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 (Art 39), au sein de territoires urbains comme ruraux. Ils ont vocation à répondre aux enjeux tels que la souveraineté alimentaire des territoires, ou encore la construction commune d’un système alimentaire durable et responsable.

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