C’est la grande révolution du XXIe siècle. Web omniprésent, dématérialisation des démarches, objets connectés : la digitalisation de la société est en marche. Si certains la craignent, d’autres la portent aux nues. Gage de praticité au quotidien ou de progrès en matière de santé, elle promet aussi de devenir un support de premier choix pour réaliser des économies d’énergie. Mais dans les coulisses, le montant de la facture environnementale reste élevé.
Par Virginie Jourdan
LE GRAND DÉFI D’UN WEB DURABLE
Le recours au web a permis d’alléger les poubelles des courriers ou de faciliter le recours au partage de biens énergivores, comme les voitures. Mais sa facture environnementale n’est pas neutre. Si les initiatives pour réduire son empreinte écologique existent, elles restent marginales. Au coeur du circuit digital, les data centers n’échappent pas à la règle. De quoi rêver à un web durable ? Le défi se révèle immense.
Le lieu est symbolique. Dans les années 1960, la ville bretonne de Lannion a été le siège de l'innovation dans les télécommunications. C'est aussi de là que partent, depuis 2002, les câbles sous-marins qui relient, en fibre optique, l'Europe aux États-Unis. Une autoroute à haute vitesse pour un web de plus en plus présent, rapide et puissant. La ville verra-t-elle aussi émerger un web plus « vert » ? C'est ce qu'espère Stéphane Le Masson, responsable de l'unité de recherche développement en énergie et environnement de l'ex-opérateur public de téléphonie et internet Orange. Depuis près de 20 ans, ce dernier planche sur les économies d'énergie réalisables depuis la box des maisons jusqu'aux antennes relais, en passant par les data centers. Ces fameux centres par lesquels transitent les requêtes formulées sur les moteurs de recherche ou les emails envoyés à l'autre bout du monde ou dans le bureau d'à côté.
Dans son sas expérimental de Lannion, Stéphane Le Masson travaille aussi sur le reste de la chaîne du numérique. Jusqu’aux câbles et au système d’alimentation des locaux : une partie gourmande en minerais rares. © V. Jourdan
Évalués à une petite centaine en France (tous opérateurs confondus), c'est dans ces fermes du XXIe siècle que sont aussi stockées et traitées, dans des serveurs comparables au disque dur d'un ordinateur, les données qui composent les pages des sites internet, ainsi que les photos de famille ou les films de vacances sauvegardés dans le « cloud ». Pour ce seul opérateur historique français, aujourd'hui devenu groupe mondial, ces données avalent une énergie de 4,5 terawatts-heure tous les ans. Soit autant que la ville de Marseille et ses 850 000 habitants.
Des installations peu visibles mais énergivores
En cause ? Les serveurs y fonctionnent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour garantir un accès continu au service. Pour éviter la surchauffe, ils sont constamment refroidis. « Jusqu'à récemment, sur 2 kilowatts-heure consommés, le premier alimentait le serveur, le second la climatisation », se souvient Stéphane Le Masson. Pour réduire la cadence, de nouvelles techniques sont apparues. « Comme le free-cooling », explique-t-il. « Pour faire simple, l'air chaud produit par les serveurs est refroidi grâce à de l'air frais puisé à l'extérieur. » Et cela fonctionne. En Normandie, la climatisation du plus gros data center français d'Orange ne fonctionne plus que 20 % du temps. De plus en plus répandue, la technologie a aussi servi d'arguments chocs à Facebook ou Google pour « verdir » leur image (lire encadré p.xxx). Là aussi, la manœuvre a payé. Il y a un an, Greenpeace Monde a considéré leurs data centers comme « responsables ». Les raisons de cette auréole ? Moins d'électricité consommée et un engagement à utiliser des énergies renouvelables pour les faire fonctionner.
Des économies sur les coûts et une valorisation timide
Pour l'heure, l'équipe de Lannion peaufine plutôt « l'après free-cooling ». En septembre prochain, ses membres déploieront dans trois sites de l'Ouest des armoires qui refroidissent une salle de serveurs grâce à un circuit d'eau froide. De quoi réduire encore les watts consommés. De leur côté, certaines entreprises valorisent la chaleur de leur data center informatique pour chauffer leurs locaux ou pour alimenter un réseau de chaleur urbain. « Ce potentiel est limité car la chaleur n'est pas non plus intense. Mais dans certains cas, ces solutions complémentaires peuvent être intéressantes », nuance Sylvie Padilla, responsable du service entreprises et dynamiques industrielles de l'Ademe.
Un pas de plus vers la sobriété ? D'après Jonathan Schaeffer, membre du groupe EcoInfo du CNRS et spécialiste des data centers durables, les raisons d'être optimistes existent. « La contrainte de l'énergie est aujourd'hui prise en compte de manière optimale dans la construction des nouvelles infrastructures, notamment pour des raisons économiques », explique-t-il. Même discours du côté de Frédéric Bordage, expert français en informatique responsable et fondateur de l'association Green IT : « Tous les géants du web font du stockage et du traitement de la donnée avec le moins de kilowatts-heure possible, car cela regarde avant tout leur modèle économique. » Mais pas d'angélisme pour autant : « Entre les économies promises par le numérique d'un côté et la facture environnementale liée à la fabrication des objets et à leurs usages de l'autre, aucune étude scientifique ne permet de dire si le solde sera réellement positif », nuance Frédéric Bordage.
Une pollution déportée et peu visible
Pour les experts, deux autres volets passent en effet inaperçus. Primo, celui des réseaux qui acheminent le web. Dorénavant, la 4G des mobiles qui transite par des antennes consomme, par exemple, 10 à 80 fois plus que la 3G. Secundo, celui des équipements et de leur fabrication. « Les serveurs contiennent des minerais extraits dans des conditions écologiques, humaines et sociales problématiques. Par ailleurs, une barrette de mémoire informatique de 2 grammes cumule, en amont, 32 kilos de matière première pour être fabriquée. C'est 1600 fois le poids du produit fini. En comparaison, une voiture consomme 54 fois son poids en matière première », illustre le fondateur de Green IT. Utilisation d'énergies fossiles, rendements infimes lors de l'extraction des minerais en Afrique, recours à des procédés chimiques extrêmement polluants, la liste des effets néfastes sur l'environnement est longue. Et les taux de recyclage de ces équipements atteignent à peine 16 %.
L’extraction des métaux comme l’or ou le tungstène, très présents dans les circuits électroniques des serveurs et des téléphones mobiles, est extrêmement polluante. © Fairphone
La fin du self-service ?
À Lannion, l'enjeu est reconnu. « Des collègues travaillent sur une mutualisation des serveurs pour en comprimer le nombre », expose d'ailleurs Stéphane Le Masson. De son côté, c'est sur les câbles d'alimentation électriques des data centers qu'il se concentre. En y injectant un courant plus puissant, il a d'ailleurs réussi à diviser par 10 leur teneur en cuivre. Une ressource dont on estime que les réserves seront épuisées d'ici 30 ans.
Dans le futur, d'autres scenarii pourraient-ils s'imposer? Un internet moins rapide ? Un principe de pollueur-payeur pour les sites gourmands en données ? La fin du service 24 heures sur 24 ? « Tout est imaginable, réagit Stéphane Le Masson, mais qu'en penseront les usagers ? »
Plus d'infos :
www.greenpeace.fr
www.cerdd.org
bit.ly/2BnrOoK
multimedia.ademe.fr/infographies/smartphone-version-ademe/decrypterlenergie.org/la-revolution-numerique-fera-t-elle-exploser-nos-consommations-denergie
Le bilan écolo du numérique en 10 chiffres
11,8 %, c'est la part de consommation d'électricité en France dédiée en 2015 aux usages du numérique. Celle dédiée aux data centers web ou informatiques est de 2 %.
8,4 milliards d’objets connectés ont été être vendus dans le monde en 2017. C'est 31 % de plus qu’en 2016
15 000 kilomètres, c'est la distance moyenne parcourue par une donnée numérique (email, téléchargement, vidéo, requête web…) à l'échelle de la planète. Soit plus qu'un aller-retour Paris-NewYork.
2 milliards de smartphones ont été vendus dans le monde en 2017 et 1 milliard d’ordinateurs.
45 milliards de serveurs informatiques hébergent, sauvegardent ou stockent des données numériques à travers le monde.
1 heure. Hors spams indésirables, 8 à 10 milliards d’emails sont échangés sur la planète en 60 minutes.
Près de 180 millions de recherches Google sont lancées toutes les heures.
47 % des émissions de gaz à effet de serre du numérique sont dues aux équipements des consommateurs (ordinateurs, smartphones, tablettes, objets connectés, etc.), 28 % aux infrastructures réseau (câbles et antennes) et 25 % aux data centers.
240 kilos de combustibles fossiles sont nécessaires à la fabrication d'un ordinateur de moins de 2 kilos, ainsi que 22 kilos de produits chimiques et 1,5 tonne d’eau.
10%, ce sont les économies que les outils numériques connectés de type thermostats intelligents ou détection de présence dans les bâtiments pourraient permettre de réaliser sur les consommations de chauffage d'ici 2030.
Sources : RTE 2015, Ademe, GreenIT, Négawatt.
Suède et Norvège : les autres pays du serveur
IBM, Google, Facebook... le cercle arctique attire les grands groupes et les géants du web. Depuis quelques années, les data centers y fleurissent et les projets rivalisent de puissance. Certains revendiquent mêmes des surfaces de serveurs installées sur l'équivalent de 80 terrains de foot et des consommations dépassant la centaine de mégawatts, soit l'équivalent d'une ville de 50 à 100 000 habitants. Les raisons de cet attrait ? Des températures extérieures faibles, une disponibilité accrue des énergies renouvelables à bon prix et la proximité d'eau qui reste très froide toute l'année. En Norvège, où les énergies renouvelables atteignent plus de 90 % de la production d'électricité, Facebook revendique ainsi un data center alimenté à 100 % par de l'énergie hydroélectrique. Au nord du pays, les températures extérieures passent en deçà de zéro durant 5 mois de l'année. Un avantage pour refroidir les serveurs sans consommer plus d'énergie. En France, le charme est moindre. Au-delà des températures qui se sont stabilisées à 13,5 °C en moyenne en 2017 – année la plus chaude de l'histoire –, les énergies renouvelables représentaient 17,9 % de la puissance électrique consommée en France sur un an au 30 septembre 2017.
INTERVIEW
Michelle Dobré : « Nous sommes constamment connectés »
Depuis la Normandie, Michelle Dobré, professeure de sociologie et membre du centre de recherches risques et vulnérabilité (CERReV) à l'Université de Caen, scrute les relations entre la transition écologique, les risques et l'environnement. En 2013, elle s'est arrêtée sur le numérique.
DR
Notre société est-elle devenue accro au numérique ?
Je ne suis pas une adepte du vocabulaire de l'addiction. Il a tendance à présenter les comportements comme pathologiques. Or, dans la société de consommation, l'addiction est le seul mode de consommation qui garantit l'efficience économique. En revanche, il est certain que de nos jours les choix de consommer ou non du numérique se rétrécissent.
Pourquoi ?
Le numérique est incontournable. Nous vivons dans une ère de la mobilité et de la communication. Le smartphone est la partie visible de l'iceberg. Nous communiquons constamment, nous sommes constamment connectés : pour être en relation avec nos amis, pour être informés, pour avoir une activité professionnelle ou extra-professionnelle. Le fait nouveau, c'est que les smartphones, les ordinateurs portables ou les tablettes se sont banalisés. Et il n'y a pas de conscience du faible taux de recyclabilité de ces objets.
Le numérique n'est-il pas le meilleur ami de l'environnement ?
La seule certitude pour l'instant, c'est qu'il n'y a pas de conscience du coût réel de ces équipements : que ce soit sur l'environnement ou sur leur recyclage. Il s'est vendu 7 milliards d'objets connectés en 2017, et combien de mobiles dorment encore dans nos placards ? Le coût environnemental et économique de leur recyclage sera conséquent. Comme celui de leur fabrication : épuisement des matières premières et usage de produits toxiques. Ces aspects sont largement ignorés du public.
Ce constat est-il assez partagé dans la filière numérique, selon vous ?
Je n'en suis pas sûre. Sinon, il n'y aurait pas ce techno-optimisme qui semble sans limites sur les effets vertueux de la dématérialisation sur l'environnement.
Peut-on imaginer, demain, un mouvement slow Net comme il existe un mouvement slow food ou low tech ?
Il existe des tentatives comme la journée mondiale de la connexion. Mais elle s'adresse au monde du travail. Cette volonté de déconnexion est d'abord reprise par les personnes qui se sentent les plus exposées. À ce jour, il s'agit des cadres. Mais elles devraient se développer comme se développent depuis presque 50 ans des alternatives à la société de la sur-consommation.
À lire :
La Face cachée du numérique, l’impact environnemental des nouvelles technologies, Fabrice Flipo, Michelle Dobré et Marion Michot, 144 pages, L'échappée, 2013.
FOCUS
Agir local sur le web global, c'est possible ?
Des serveurs pour chauffer l'eau de la douche
Récupérer la chaleur dégagée par les serveurs pour faire chauffer l'eau ? La solution existe déjà dans certaines villes de la région parisienne grâce à des réseaux de chaleur connectés à des data centers de plusieurs milliers de mètres carrés. À Nantes, le bailleur social de la métropole a décidé de tester le concept en mode mini. Depuis près d'un an et demi, un data center de quelques dizaines de mètres carrés chauffe partiellement 800 litres d'eau destinés aux 40 logements d'une résidence à loyer modéré du nord de la ville. Là, il ne s'agit pas des ordinateurs des locataires, mais ceux d'entreprises qui ont besoin de puissance de calcul pour leur activité. Cette année, une deuxième installation va voir le jour dans un immeuble de l'île de Nantes. « Nous voulions tester des solutions dans une démarche d’innovation sur les transitions numériques et énergétiques », explique Luc Stéphan, le responsable innovation de Nantes Métropole Habitat. En bref, diminuer la consommation de gaz et réduire la facture de leurs locataires en utilisant de « l'existant ». Encore confidentielle, la démarche a aussi séduit la piscine parisienne de la Butte aux Cailles. Mais « pas de solution miracle », nuance le créateur de l'entreprise qui met à disposition les serveurs et l'installation du chauffage, Christophe Perron : « quand les serveurs tournent, la chaleur dégagée ne dépasse pas 50 °C ». En clair, la chaudière numérique reste une solution mixte, couplée au gaz ou à toute autre énergie. Renouvelable de préférence.
Dans cet immeuble, l'eau chaude sanitaire est en partie issue d'un système qui utilise la chaleur dégagée par les serveurs. DR
Elles misent sur le web, en mode sobriété !
Depuis septembre, une dizaine de jeunes entreprises basées dans l'Hérault s'engagent à « verdir » leurs pratiques. La plupart d'entre elles développent des capteurs, des services pour mieux gérer les dépenses énergétiques de la maison ou bien un réseau social en ligne destiné à des personnes isolées. Leur particularité ? Elles ont besoin du web pour développer leurs services et les rendre disponibles au public. En face, leurs usagers ou leurs clients doivent également être équipés ou connectés pour les utiliser. « Entre le plastique des mobiles, les métaux rares et la consommation d'énergie, le numérique a un impact considérable sur l'environnement. Il ne peut pas être occulté », résume Carole Vateau, consultante d'un bureau d'études local qui concilie révolution numérique et préoccupations environnementales et énergétiques. Pendant trois ans, elle va suivre ces start-up et une vingtaine d'autres entreprises du numérique pour « réduire leur empreinte environnementale ». Soutenue par la Chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault et l'Ademe, la démarche veut amener les acteurs économiques à intégrer la contrainte écologique « dès la conception » de leurs services. Et le travail se fait « à tous les niveaux », ajoute Carole Vateau. Du bilan carbone du smartphone ou de la tablette avec laquelle les personnes utiliseront le service à la mise au régime « du code » qui dessine les pages internet ou l'application vendue, chaque étape sera décryptée et adaptée pour tenter d'alléger le web.
Durant 3 ans, 30 jeunes entreprises du numérique vont ajuster leur projet pour alléger au maximum la facture environnementale de leurs services web. © CV
Des bonnes pratiques aux énergies renouvelables
Depuis 2004, Euclyde est l'un des trois fournisseurs de data centers spécialisés dans le web du pourtour méditerranéen français. À Antibes, ses 2000 m² de serveurs représentent le dernier hébergement physique pour les données dématérialisées et accessibles en ligne. La gourmandise énergétique des centres de données, Anwar Saliba, vice-président de la société, la connaît. Ici, « 50 % de l'électricité sert aux machines, 50% à leur refroidissement », détaille-t-il. Plus au nord, dans le Jura, c'est l'air froid qui refroidit les salles de serveurs construites par l'entreprise, réduisant la climatisation de 80 %. Pourquoi rester dans le sud ? Pour « assurer une proximité » aux entreprises du digital, plaide Anwar Saliba. Pour réduire cette consommation, l'entreprise a été l'une des premières à suivre le code de bonnes conduites des data centers lancé en 2008 par l'Europe. Elle a, par exemple, mené une veille sur les technologies les moins gourmandes en énergie et conseillé ses clients afin qu'ils ne stockent que les données dont ils ont besoin. L'entreprise réfléchit aussi à auto-produire une partie de son électricité en solaire. « Nous ne serons jamais autonomes à 100 % mais peut-être à 20 % », indique le dirigeant. La limite ? « Nos clients ont une attente très forte en terme de garantie de service (24 heures sur 24 sans coupure, NDLR). L'installation devra être parfaite », poursuit-il. Pour l'heure, la société soutient le développement des énergies renouvelables. Son fournisseur s'est engagé à injecter l kilowatt-heure d'énergie renouvelable dans le réseau pour chaque kilowatt-heure consommé par l'entreprise. Quant à prendre un abonnement chez un fournisseur d'électrons 100 % verts, le pas n'est pas encore franchi. En cause, cette fois, le surcoût estimé entre 10 et 15 %.
Dans le sud de la France, les data centers sont moins nombreux que dans le Nord de l'Europe, car ils consomment davantage d'énergie pour refroidir leurs salles. © Euclyde
À lire :
Éco-conception web : les 115 bonnes pratiques pour doper son site et réduire son empreinte écologique, Frédéric Bordage, Eyrolles, 2015.
Métaux rares : l'ONG qui veut ouvrir la voie
Ordinateurs renouvelés tous les trois ans, téléphones mobiles qui n'ont pas plus de deux ans d'espérance de vie, le remplacement incessant des appareils numériques s'accélère. L'urgence de réduire leur impact sur l'environnement aussi. Depuis les Pays-Bas, une ONG met à jour leur chaîne de fabrication. Son but ? Construire une filière éthique de l'extraction des métaux rares au design durable des appareils.
Marie a 38 ans. Il y a un peu plus de trois ans, elle s'est mise en tête de trouver un téléphone « socialement responsable ». Le déclic ? Elle l'a eu en regardant un reportage sur les conditions de fabrication des mobiles signés Samsung (1) et Apple : « des enfants qui travaillent, des droits sociaux bafoués. C'était trop », témoigne-t-elle. En quelques clics sur Internet, elle découvre un téléphone dit « équitable » et modulaire. Après quelques semaines de réflexion et de recherches complémentaires, elle acquiert l'objet en question. Son nom : le Fairphone. Noir, connecté. Il ressemble à n'importe quel autre smartphone. En apparence seulement. Construit et assemblé en Chine, comme la plupart des autres mobiles, ce téléphone est une sorte de vitrine créée par une ONG basée aux Pays-Bas. « Nous voulions faire la pleine lumière sur la manière dont sont conçus les téléphones et d'où viennent les matériaux qui les composent », explique Fabian Hühne, l'un des fondateurs de Fairphone.
Pour dénoncer l’obsolescence programmée des téléphones, l’ONG Fairphone insiste sur la nécessité de favoriser des versions démontables et réparables des appareils. © Fairphone
Un téléphone transparent
Côté usage, Marie se dit « satisfaite ». Côté prix, elle reconnaît avoir accepté de « payer plus » pour l'acquérir (2) en raison « de la transparence sur le produit ». En 5 ans d'existence, l'équipe de Fairphone a listé les métaux rares qui se trouvent dans les différentes parties du téléphone. Ils ont tracé le circuit complet de 4 d'entre eux depuis l'extraction, la transformation jusqu'à l'intégration dans l'élément électronique du téléphone. « Nous travaillons avec des partenaires qui extraient l’étain, le tungstène, le tantale et l’or, labellisé Fairtrade, de manière éthique, indépendamment de tout conflit », illustre Fabian Hühne. Outre la pollution générée par ces extractions, plusieurs mines des grands lacs africains financent en effet des conflits armés. Autre combat de l'ONG, privilégier le plastique recyclé et lutter contre l'obsolescence programmée. Écran, appareil photo, batterie, tout y est séparable. Un plus pour faire les réparations soi-même. À ce jour, l'ONG revendique 150 000 téléphones vendus. Une goutte d'eau dans les 400 millions de mobiles vendus dans le monde en 2017. Ou le début d'une rivière « techno-responsable ».
(1) En janvier 2018, les ONG Peuples solidaires et Sherpa ont à nouveau déposé plainte contre Samsung en dénonçant « l'emploi d'enfants de moins de seize ans, des horaires de travail abusifs, l'absence d'équipements appropriés aux risques encourus, des conditions de travail et d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ».
(2) Le Fairphone2 est vendu 525 euros, soit deux fois plus cher qu'un smartphone d'entrée de gamme neuf mais jusqu'à 4 fois plus qu'un mobile reconditionné vendu sur le marché de l'occasion.
Plus dinfos :
www.fairphone.com