Thierry Burlot : « Co-construire la Bretagne de demain »

Publié le lun 12/02/2018 - 17:50

Fraîchement élu président du comité de bassin Loire-Bretagne pour l'Agence de l'eau, Thierry Burlot est également vice-président de la région Bretagne en charge de l'environnement. Nous l'avons rencontré au lendemain du Carrefour de l'eau à Rennes fin janvier, pour faire le point sur la politique de l'eau et l'avenir de l'agriculture en lien avec l'environnement.

Comment concilier développement économique avec la protection de notre environnement et des ressources ?

C'est la question sur laquelle nous planchons actuellement ! La Bretagne a beaucoup souffert ces dernières années des questions de qualité de l'eau. Les associations nous ont interpellés, à juste titre, à de nombreuses reprises… Lorsque l'eau tombe, elle est naturellement propre. Si elle se dégrade, c'est bel et bien de notre fait. C'est donc le développement économique et l'aménagement du territoire qui sont responsables de sa dégradation.

Environnement et économie devraient donc aller de pair selon vous ?

On a longtemps opposé économie et écologie. Il faut avancer sur les deux volets ! Nous voyons bien que le changement climatique joue des tours à notre économie et rebat complètement les cartes. Qui peut imaginer développer la Bretagne dans un environnement qui serait dégradé à l'avenir ? Lorsque l'on stoppe la production d'huîtres à Paimpol en raison de la pollution, c'est bel et bien l'assainissement de l'eau qui est questionné. Mais c'est également notre modèle agricole que nous devons réorienter.

Les algues vertes ont finalement révélé les conséquences du modèle agricole actuel à bout de souffle…

Nous avons mis en œuvre un premier plan algues vertes sur la période 2010-2016, avec une enveloppe de 120 millions d'euros. Objectif : réduire de 30 % les flux d'azote. En baie de Saint-Brieuc, nous étions sur un flux de 50 milliards de litres d'azote, désormais nous sommes à 30 milliards ! C'est encore trop, mais une baisse de 20 milliards est un effort majeur. Nous avons également travaillé sur le volume d'échouage des algues, qui est passé de 20 000 à 5 000 tonnes. Toutefois, il faut aller encore plus loin. C'est pourquoi nous passons à présent à un second plan algues vertes, qui bénéficie d'une enveloppe de 55 millions d'euros.

Concernant les causes, comment souhaitez-vous aller vers une réelle transition agricole ?

Nous sommes en train d'engager la mutation de notre agriculture vers une véritable transition agricole. Nous n'avons jamais eu autant de souhaits de conversion vers l'agriculture bio qu'aujourd'hui. Je connais un important Gaec (Groupement agricole d'exploitation en commun, ndlr) à Iffiniac (22), qui a considérablement réduit ses flux d'azote grâce au plan algues vertes que nous avons mis en place. Ces agriculteurs sont passés à une agriculture durable via le Cedapa, le Centre d'études pour un développement agricole plus autonome. Et ils veulent désormais franchir le pas du bio !

L'avenir de la Bretagne est de produire dans un environnement de qualité, en assurant la sécurité alimentaire et la traçabilité des produits. Si les agriculteurs bretons intègrent ces dimensions, alors l'économie bretonne se portera bien.

Quelle politique d'éducation souhaitez-vous pour les jeunes agriculteurs, notamment vers cette transition que vous évoquez ?

Il va falloir changer notre modèle éducatif agricole également. Les politiques doivent impulser ce changement de modèles, de pratiques, via l'éducation. Même si les agriculteurs sont très courageux, force est de constater que les Brésiliens nous ont battu sur le « produire plus ». De surcroît avec des conséquences, notamment environnementales, qui coûtent cher. Il nous faut désormais transiter vers le « produire mieux », en embarquant toutes les générations, notamment les jeunes en formation.

Quelle place aux valeurs coopératives dans cette transition agricole vers le « produire mieux » que vous appelez de vos vœux ?

Prenez des coopératives agricoles historiques comme Le Gouessant ou La Cooperl. Ils produisent désormais beaucoup en bio. Ils sont de fait dans une logique pragmatique face à une forte demande sociale et sociétale. J'ai récemment rencontré la fédération des coopératives agricoles qui est particulièrement à l'écoute sur cette dimension environnementale, pour une une transition agricole qualitative.

L'agriculture et l'agroalimentaire ont des impacts importants en matière de gaz à effet de serre (Ndlr : 30 % environ des GES émis à l'échelle de la planète viennent de nos assiettes).

L'ensemble des parties prenantes – industriels, distributeurs mais aussi associations, collectivités, citoyens… – seront-ils intégré dans la Breizh Cop, la COP21 régionale pour le climat que vous avez impulsée l'an dernier et qui doit se poursuivre jusqu'en 2019 ?

La Breizh Cop s'appuie sur le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Il s'agit véritablement d'un exercice de démocratie participative, intégrant l'ensemble des parties prenantes : entreprises, associations, citoyens, collectivités, centres de recherche…, dans l'esprit de la COP 21. La France a pris des engagements importants pour le climat. Notre politique régionale en matière de qualité de l'eau, d'énergie, d'alimentation, de transport, aura de fait un impact en ce sens. C'est pourquoi nous allons proposer ce grand mouvement populaire, visant à co-construire cette Bretagne de demain. Pour dessiner les contours d'un véritable projet de société.

Plus d'infos :

www.bretagne.bzh/jcms/prod_396333/fr/breizh-cop

 

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