[THEMA] Prendre en compte la biodiversité dans les projets de construction neuve et de rénovation

Publié le lun 11/07/2022 - 09:05

Par la Ligue de Protection des Oiseaux

La réglementation énergétique et environnementale des bâtiments neufs ainsi que la lutte contre les passoires thermiques visent à répondre aux enjeux climatiques. Il est toutefois essentiel de prendre en compte les espèces qui s’abritent et se reproduisent dans le bâti. Oiseaux, chauves-souris, reptiles et insectes ont leur place au sein du bâti rénové et des nouvelles constructions, à condition de le prévoir dès la conception.

Certains animaux, dits anthropophiles, ont évolué avec les êtres-humains. Qu’il s’agisse d’oiseaux, de chauves-souris, de reptiles ou d’insectes, ces espèces nichent ou s’abritent dans les cavités et les anfractuosités des murs (trous de boulins, joints de dilatation, …) mais aussi dans les combles, greniers et caves. Les martinets noirs par exemple, notamment en France, se reproduisent presque exclusivement dans le bâti. Pourtant, l’abondance de ces espèces urbaines a subi une diminution moyenne de 28 % entre 1989 et 2019 (d’après le Suivi Temporel des Oiseaux Communs); et même 46 % pour le Martinet noir.

Des progrès relatifs

Car la préservation de ces espèces est tributaire du maintien de cet habitat particulier. Or les cavités propices disparaissent progressivement. En cause : les opérations de rénovation et l’isolation thermique par l’extérieur, ainsi que la destruction de constructions anciennes pour laisser place à de nouveaux bâtiments, plus performants d’un point de vue énergétique, mais lisses et donc peu accueillants pour la faune sauvage. Pourtant, les espèces du bâti sont souvent protégées, tout comme leur habitat. Toute destruction de nid, y compris par l’obstruction de cavités, doit alors faire l’objet d’une demande de dérogation. Autre menace pour les espèces des milieux urbains du bâti : le verre. Offrant un avantage thermique et visuel, et permettant de limiter la consommation d’éclairage artificiel, il est un matériau incontournable pour la rénovation et la construction neuve. Mais ces grandes surfaces vitrées sont potentiellement dangereuses pour l’avifaune car la transparence et la réflexion d’éléments de nature sont responsables de collisions souvent mortelles.

Des aménagements possibles

Il existe pourtant des solutions pour lier rénovation ou construction neuve et besoins des espèces du bâti. L’intégration de gîtes et de nichoirs dans les bâtiments est également plus simple lorsqu’elle est réfléchie en amont du projet. Un diagnostic des espèces présentes à proximité permet de cibler les gîtes adaptés et de les disposer à la hauteur adéquate1. Les nichoirs peuvent, par ailleurs être intégrés, directement dans l’isolant extérieur. L’insertion d’une couche d’isolant performant à l’arrière du nichoir permet d’éviter les ponts thermiques. Pour neutraliser le danger des surfaces vitrées, elles peuvent être sérigraphiées, nervurées ou cannelées ou présenter une réflexion extérieure inférieure à 15 %.

À Mignaloux-Beauvoir, commune de la Vienne, l’équipe municipale, les entreprises et la LPO Poitou-Charentes Limousin, ont collaboré pour réaliser un bâtiment-nichoir : l’espace jeune de la commune. La plupart des cavités aménagées sont discrètes car moulées dans les murs de béton et cachées derrière le bardage ou dans le toit du bâtiment. Ces aménagements peuvent accueillir de nombreuses espèces comme les mésanges, les moineaux, les rougequeues noirs, les martinets noirs ou les chauves-souris. Un suivi du taux d’occupation des nichoirs a été réalisé, et a montré une occupation comprise entre 80 % et 100 % pour les nichoirs sous bardage (50 % pour la nidification).

Il est aujourd’hui crucial de prendre en compte les espèces du bâti afin d’enrayer leur déclin progressif. L’ensemble des acteurs de l’aménagement urbain ont un rôle à jouer. Des solutions existent pour conserver et créer des habitats favorables à la faune sauvage sans nuire à la performance énergétique de nos bâtiments.

 

Note de bas de page :
1. Installation de nichoirs : minimum 3 mètres du sol pour les passereaux ou les chauves-souris, plus de 5 pour les martinets.

 

 Liste (non exhaustive) des espèces pouvant être présentes dans le bâti

Oiseaux : Moineaux domestique et friquet, Hirondelles de fenêtre et rustique, Martinet noir, Mésange bleue, Mésange Charbonnière, Rougequeues noirs, Gobemouche gris, Bergeronnette grise, Effraie des clochers, Faucon crécerelle, Choucas des tours, Pigeon bisé domestique.

Mammifères : Pipistrelle commune, Sérotine commune, Petit rhinolophe, Grand murin, Noctule commune, Molosse de Cestoni

Reptiles et amphibiens : Lézard des murailles, Tarente de Maurétanie, Rainette verte et méridionale, Triton marbré, Crapaud commun

Insectes : Paon du jour, Osmie rousse

 

Le programme « Nature en ville » de la LPO existe depuis 10 ans. En favorisant les échanges avec une grande diversité de professionnels de l’aménagement urbain, il a permis de construire une expertise face aux défis du développement urbain durable et de développer des réponses très concrètes pour protéger les espèces du bâti.

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