[THEMA] La prairie humide, pour une agriculture économe en eau

Publié le lun 17/07/2023 - 10:00

Par Quentin Zinzius

Condamnée en 1999 en raison d’une gestion du Marais poitevin non conforme aux directives européennes d’environnement, la France a dû modifier ses pratiques agricoles et sa gestion de l’eau associée sur le territoire du Parc naturel régional. Presque 25 ans plus tard, et alors que le contentieux fut bouclé en 2005, la restauration écologique du marais continue, et permet d’améliorer la gestion de l’eau, en qualité et quantité.

Longtemps recouvert de prairies humides, le Marais poitevin a connu, à la fi n du XXe siècle, une importante transformation en raison du développement et de l’industrialisation de l’agriculture. Les prairies humides, historiquement pâturées du printemps à l’automne, sont peu à peu vendues et labourées pour laisser place aux cultures céréalières, plus rentables. « Les nouveaux propriétaires ont retourné 33 000 hectares de prairies au coeur d’une zone Natura 2000, effacé les méandres des cours d’eau, se souvient Benoît Biteau, paysan et eurodéputé écologiste, et ont transformé ce qui était un marais riche en biodiversité, en plaine céréalière stérile ». Une transformation qui a fortement dégradé les équilibres naturels, dont le cycle de l’eau — le marais ayant été en bonne partie drainé ou asséché pour faciliter les cultures céréalières. « Ils ont tellement asséché le marais que, peu de temps après, sont apparus les premiers projets de bassines, sur le territoire du Marais poitevin, deuxième plus grande zone humide française. Un comble ! », détaille l’eurodéputé. À tel point que l’Europe est venue rappeler à l’ordre la France et ses agriculteurs. « En 1999, l’Europe est venue priver le marais de son statut de Parc naturel régional, en lui imposant de restaurer ses zones humides », reprend l’eurodéputé, qui était alors nommé pour gérer ce contentieux. Pour revenir aux normes européennes et récupérer son label, le marais se devait de retrouver son caractère ancestral.

Reconquête hydrologique et agricole

Car ces prairies humides sont indispensables à l’équilibre hydrologique du marais, et jouent de nombreux rôles. Elles participent notamment au stockage des eaux de crues — et limitent donc le recours à des retenues de substitution ! —, à la purification des eaux, permettent l’infiltration de l’eau dans les nappes phréatiques, et abritent une importante biodiversité : près de 600 espèces animales et végétales selon les chiffres du Parc. Ainsi sur la base des négociations avec l’Europe, la France a été sommée de « recréer 10 000 hectares de prairies, au sein d’un « territoire stratégique » identifié comme propice à la restauration de zones humides », explique Benoît Biteau. Mais plus qu’une restauration écologique, cette reconquête des prairies est aussi un véritable retour aux sources pour l’agriculture. Gérés collectivement, ces marais communaux permettent un pâturage extensif et en liberté pour vaches, chevaux et oies. « Avec le retour des prairies, les animaux d’élevage se nourrissent de nouveau d’herbe, et sont donc moins dépendants de monocultures comme le maïs et le soja, elles-mêmes fortement dépendantes de l’eau », s’enthousiasme Benoît Biteau. Depuis la fin du contentieux européen en 2005, une dizaine de ces prairies inondables ont ainsi été restaurées, portant leur total à 22 et leur superficie à 2 119 hectares. « Et ces marais ne sont qu'une partie des prairies humides restaurées, précise Dominique Giret, directeur technique biodiversité et agriculture durable du PNR, car le Parc cible également la réhabilitation d'anciennes peupleraies et de cultures en prairies ». Au total, ce sont donc près de 3000ha de prairies naturelles qui ont été regagnées. Un progrès qui a également permis au Parc de récupérer son label en 2014, mais qui reste malgré tout très éloigné des 10 000 hectares demandés par l’Europe. « C’est sûr qu’il est plus facile d’investir dans des méga-bassines que de récupérer des terres vendues aux céréaliers, pointe l’eurodéputé. Mais c’est pourtant une condition préalable : pour que les bassines soient efficaces, il faut d’abord que le rechargement des nappes phréatiques soit optimal ! ».

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