[THEMA] La BIODIVERSITÉ est à la RUE !

Publié le ven 12/08/2022 - 12:00

par Quentin Zinzius

Aménagées par et pour l’Homme, les villes sont devenues de plus en plus hostiles à la biodiversité. Pourtant, la nature pourrait rendre bien des services : adaptation au changement climatique, réduction de la pollution, amélioration du cadre de vie… Pour que nos villes soient résilientes, il est temps de laisser la nature se réinstaller.

Fragmentés par les différents aménagements, exposés aux pesticides, à la pollution et autres nuisances, les écosystèmes urbains sont fortement dégradés. Et la biodiversité qui y est inféodée en subit les conséquences. À Paris par exemple, en treize ans, la population de moineaux a diminué de 73 %, selon la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Au delà de ce seul indicateur, l’érosion du vivant pourrait avoir de graves conséquences « sur la santé humaine et le développement », d’après le rapport « Nature en ville » du Conseil économique, social et environnemental, rendu en 2018. «  La biodiversité est un élément fondamental pour que les villes puissent s’adapter au changement climatique », complète Annabelle Jaeger, qui a rédigé ce rapport.

Conséquences contre-natures

Car sans biodiversité, c’est l’habitabilité même de la ville qui est menacée. Îlots de chaleur, dérèglement du cycle de l’eau, pollutions et même proliférations d’espèces invasives sont autant de problèmes exacerbés par cette disparition, et dont les conséquences se font déjà ressentir (voir p30 et p32). « Les villes du Sud de la France subissent de plus en plus ces phénomènes, reprend l’experte, aujourd’hui élue à la principauté de Monaco, alors le besoin en biodiversité s’est imposé. » Un besoin que les villes commencent à prendre en considération, en déployant notamment des stratégies de renaturation. Mais encore faut-il les appliquer correctement : « Végétaliser des murs, ce n’est pas une stratégie de biodiversité, reprend l’experte. Une vraie stratégie se construit avec des spécialistes, des écologues, pour adapter le choix des espèces aux milieux, à la géographie, aux besoins et contraintes du territoire, en particulier dans un contexte de changement climatique (voir page 58) », précise Annabelle Jaeger.

Diversité de services

Mais l’aspect adaptation au changement climatique n’est pas le seul enjeu lié à la biodiversité urbaine. En effet, selon plusieurs études(1), elle pourrait rendre de nombreux autres services : réduction des factures énergétiques, création d’emplois, amélioration de la qualité de l’air, et même augmentation de l’espérance de vie et réduction du stress (voir page 26). La plantation de trois arbres par bâtiment de quatre étages, par exemple, en plus de servir de refuge aux insectes et aux oiseaux, permet d’économiser 5 à 10 % d’énergie en chauffage et refroidissement sur une année(2). « Ces services écosystémiques sont un levier important, en particulier auprès des habitants », reprend la spécialiste. Au point que sept personnes sur dix(3) jugent « importante » la proximité d’un espace vert au moment de choisir leur habitat en ville. Alors pour répondre à ces attentes, « les villes vont devoir s’adapter, et cela passe par de la végétalisation, de la renaturation, mais aussi de la préservation pour les espaces existants », complète-t-elle. Quant à la biodiversité animale, son retour sera facilité par le végétal, et le maintien des continuités écologiques(4). « Les premiers seront les insectes, qui seront suivis par les oiseaux, puis peut-être par de plus gros animaux ! », imagine-t-elle. Pour le vivant, la reconquête urbaine est donc officiellement lancée.

+ D’INFOS

 

Notes de bas de page :

  1. Rapport « Nature en ville », CESE, 2018 ; rapport ASTERES « Les espaces verts urbains », Unep, 2016.

  2. Gill ; étude réalisée à Manchester (Royaume-Uni), 2007.

  3. Enquête « Jardins et espaces verts, l’exception culturelle française ? », UNEO-IPSOS

(4) Les continuités écologiques sont des aménagements naturels qui permettent la libre circulation des organismes vivants entre différents milieux.

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