[THÉMA] Changement climatique, où est passée la pluie ?

Publié le mer 12/07/2023 - 10:00

Par Quentin Zinzius

Alors que le climat se réchauffe, que les épisodes de canicules et de sécheresses sont plus intenses, l’eau se fait rare : en 2022 en France, les précipitations ont connu un déficit record de 25 % par rapport à la normale. 

 

Pas un nuage à l’horizon. Cet hiver, pendant près de 33 jours, aucune goutte d’eau n’est tombée sur le territoire métropolitain, « un record depuis le début des relevés météorologiques », s’est inquiété Météo-France le 22 février. Une inquiétude qui a même gagné l’Élysée, puisque quelques jours plus tard, Christophe Béchu annonçait « des mesures de restriction anticipatives » sur une grande partie du territoire. Une première pour un mois de mars. Et cela n’a rien d’anodin. « Si pour l’heure, nous n’avons aucune certitude concernant les précipitations hivernales, une tendance claire à la baisse des précipitations estivales est quant à elle bien identifiée, analyse Magali Reghezza-Zitt, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat. Et ces tendances vont se poursuivre tant que l’augmentation des températures du globe continuera. » En bref : il pleuvra de moins en moins à mesure que le changement climatique progressera.

 Tendance climatique

Conjugué à l’augmentation des températures et des évènements de forte chaleur, cette baisse globale des précipitations entraîne « une baisse tendancielle des ressources en eau disponible :  -14% sur la période 1990-2018 », reprend la spécialiste. En clair, la quantité d’eau que nous pouvons prélever dans les milieux naturels est déjà en train de diminuer. C’est dans le sud de la France que cette tendance climatique est la plus frappante. Ainsi, le volume annuel d’eau douce utilisable qui provient des précipitations décroît « dans 41 % des sous-bassins, presque tous situés dans le sud de la France ». Ailleurs, elle n’est pas liée à la baisse des précipitations, mais à l’augmentation des températures, « qui augmente l’évaporation et l’évapotranspiration(1) », précise la géographe. Mais le changement climatique n’a pas pour seule conséquence de diminuer le volume d’eau disponible.

Ruissellement

Car, si en temps normal, environ 40 % des pluies s’infiltrent en sous-sol et rejoignent les nappes phréatiques pour compléter leur cycle, la hausse des températures et des évènements climatiques extrêmes affectent fortement le bon déroulement de ce cycle. Et pour cause. « La hausse des températures et des épisodes de forte chaleur favorise un assèchement prolongé des sols. Or, ces sols asséchés absorbent très mal l’eau : elle ruisselle alors plus rapidement jusqu’à la mer », explique Bernard Barraqué, directeur de recherches au CNRS(2) et au CIRED(3). Un constat similaire à celui déjà dressé dans les zones urbanisées, où l’imperméabilisation des sols divise par 3 le taux d’infiltration de l’eau en sous-sol ; et multiplie par 5 le ruissellement… « Le sol est pourtant l’endroit le plus efficace pour stocker l’eau, en quantité comme en qualité ! », rappelle le chercheur. Avec cette baisse des précipitations, « nous allons devoir considérer sérieusement la baisse de nos consommations, et cela passe par de la sobriété — qui ne doit pas reposer seulement sur les individus — et de l’efficacité dans les usages », conclut Magali Reghezza-Zitt.

1 Évaporation de l’eau au niveau du sol et des plantes.
2 Centre national de la recherche scientifique.
3 Centre international de recherche sur l'environnement et le développement.

Ils font tomber la pluie

Apparues dans les années 40 aux États-Unis, les expérimentations « d’ensemencement de nuages », aussi appelés « pluies artificielles », sont de plus en plus sollicitées par des pays comme la Chine, la Russie et les États-Unis. Reposant pour la plupart sur la pulvérisation de particules d’iodure d’argent dans les nuages afin d’en modifier la structure et d’en accroître le rendement en précipitations, ces méthodes restent très controversées : leur efficacité est difficile à mesurer, la viabilité économique est incertaine et leurs impacts sur l’environnement très mal étudiés.


Évolution des précipitations

©dr

Selon les scénarios du 5e rapport du GIEC, les changements climatiques en cours et à venir vont fortement impacter la répartition des pluies mondiales. En effet, le scénario le plus pessimiste (à droite sur l'image) prévoit une hausse de 50% des précipitations autour des pôles et de l'équateur. Autant d'eau qui ne finira pas sur les continents...

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