La 29ème conférence mondiale sur les changements climatiques, va se dérouler à Bakou en Azerbaïdjan du 11 au 22 novembre. Face à une accélération de l’urgence climatique, les pays doivent s’attaquer à la racine du problème en faisant de la sortie des énergies fossiles une réalité, et en donnant les moyens financiers aux pays les plus vulnérables d’opérer leur transition énergétique tout en répondant aux impacts. Il est temps que les émetteurs historiques prennent leurs responsabilités et honorent enfin leur dette envers les pays du Sud.
Un besoin de 1000 milliards de dollars par an
L’enjeu de la finance climat et de la solidarité sera au cœur de cette COP. En effet, les pays du Sud sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre et pourtant sont les plus durement affectés par les conséquences du changement climatique. Le manque cruel de financements est le principal obstacle à une sortie effective des énergies fossiles, au triplement des énergies renouvelables, au doublement de l'efficacité énergétique d'ici 2030, mais aussi à une réponse adéquate aux impacts climatiques déjà bien réels. C’est un sujet de forte crispation entre les gouvernements, les pays du Nord ayant honoré leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour soutenir les pays du Sud avec 2 ans de retard. Le retard accumulé et la somme déconnectée des besoins réels, ont contribué à alourdir la facture des impacts climatiques.
Ainsi, la COP29 représente une occasion politique essentielle pour rétablir la confiance entre les pays du Sud et du Nord. La conférence doit aboutir à l'émergence du nouvel objectif financier collectif (NCQG) d’au moins 1000 milliards de dollars par an sous forme de subventions et de financements équivalents pour l'atténuation, l'adaptation et les pertes et dommages [1]. Les subventions sont essentielles car contrairement aux prêts, elles n’alimentent pas la crise de la dette des pays du Sud. Ce montant s’appuie sur de nombreux rapports et expertises [2] et doit être additionnel à l’aide publique au développement actuelle. Également, la finance climat doit soutenir en priorité les actions qui permettent de lutter contre les inégalités structurelles basées sur le genre, l'âge, la classe sociale ou l'origine.
Au-delà de la quantité, la qualité des financements est sujette à caution. La France doit elle même faire plus et mieux. En effet, elle fait partie des pires élèves, c’est particulièrement notable pour l’adaptation : seulement 7% de l’argent fourni par la France l’est sous forme de dons.
L’argent est disponible, il est temps d’avoir le courage de le prendre aux plus gros pollueurs
La première des priorités est de mettre fin au comportement schizophrène des gouvernements qui continuent de fournir des subventions publiques aux énergies fossiles à hauteur de 7 milliers de milliards de dollars par an (en 2022) et de réorienter ces flux vers la transition énergétique et la réponse aux impacts climatiques.
La deuxième priorité est d'appliquer les principes de justice fiscale et de pollueur-payeur. Le texte du NCQG doit appeler les gouvernements à mettre en place sans attendre des taxes socialement justes et progressives sur les secteurs et individus les plus émetteurs, afin de garantir que les principaux responsables paient pour répondre à l’urgence climatique. Parmi les options possibles figurent : la création d'impôts sur la fortune, des taxes sur l’extraction des énergies fossiles ou sur les profits faramineux du secteur, des taxes sur les transactions financières, sur l'aviation [3] ou encore le transport maritime [4].
Quelques chiffres :
- L’impôt mondial sur la fortune : Imaginé par l’économiste français Gabriel Zucman et activement promu par la présidence brésilienne du G20 (qui aura lieu le 18 et 19 novembre), un impôt d’au moins 2% sur la fortune des 3 000 milliardaires à travers le monde pourrait rapporter 250 milliards de dollars par an [5]. En effet, les plus fortunés figurent parmi les plus gros pollueurs à la fois de par leur train de vie mais aussi leurs investissements dans des actifs polluants.
- La taxation des revenus des énergies fossiles : cette industrie génère des revenus nets sans précédent : rien qu'en 2022, les revenus de l'industrie du pétrole et du gaz ont bondi à au moins 4 000 milliards de dollars, contre une moyenne de 1 500 milliards ces dernières années. La proposition de Climate Damages Tax [6] permettrait par exemple de collecter jusqu’à 900 milliards de dollars entre 2024 et 2030.
Les autres enjeux de cette COP
Les discussions sur le financement climatique ne doivent pas occulter les autres enjeux essentiels, tels que l’adoption d’un nouveau plan d'action genre renforcé, qui jusqu'à présent, n'a pas bénéficié d'un soutien politique suffisant ni de financements adéquats. Il est également crucial d'éviter que les négociations de la COP29 n'influencent négativement les futurs plans nationaux de transition climatique et de résilience. La COP29 marque le début de la période durant laquelle les gouvernements doivent soumettre leurs nouvelles Contributions déterminées au niveau national (CDN), entre 9 et 12 mois avant la COP30, soit au plus tard d'ici fin février 2025.
1] CAN-I, août 2024, https://climatenetwork.org/wp-
[2] Le montant de 1 trillion représente le minimum nécessaire pour chaque domaine thématique en fonction des besoins, 30% atténuation, 30% adaptation et 40% pertes et dommages. Il serait inapproprié d’appliquer une répartition de 40-30-30 à une somme inférieure à 1 trillion de dollars. Comme points de départ utiles dans la littérature pour chaque domaine thématique, vous pouvez consulter Markandya et Gonzalez-Equino (2019) sur les pertes et dommages, le Rapport sur le fossé de l’adaptation du PNUE (2023) pour l’adaptation, et la feuille de route IEA Net Zero (2023) pour l’atténuation. Les chiffres de CAN concernant les besoins en soutien thématique sont basés sur un échange technique autour de la littérature sur l’évaluation des besoins, en s’appuyant sur diverses publications relatives à chacun des trois domaines thématiques, en appliquant des hypothèses sur les coûts qui devraient être supportés par les pays développés et les niveaux appropriés d’équivalence des subventions pour chaque domaine. Plus précisément, il est supposé que les pertes et dommages ainsi que l’adaptation doivent être financés par des subventions et non par des prêts, tandis que l’atténuation nécessite la fourniture de subventions ainsi qu’un financement concessionnel abordable pour les pays en développement.
[3] CAN europe, 2023, https://caneurope.org/content/
[4] Marshall Islands demands $100 tax on shipping emissions, 2021, https://www.lloydslist.com/
[5] https://www.taxobservatory.
[6] Based on a Climate Damages Tax that is introduced in 2024 at a low initial rate of $5 per tonne of CO2e increasing by $5 per tonne each year. Using the projected averages for 2024-2030, with OECD countries as a proxy for Annex II countries. p. 27 https://www.greenpeace.org.uk/