LES AROMATES BIO ne demandent qu’à pousser

Publié le ven 15/12/2017 - 17:56

Thym, sarriette, origan, romarin… Les aromates ont le vent en poupe. À tel point que les distributeurs sont en manque de ressources. Plutôt que de se tourner vers l’importation et de risquer de perdre en qualité, l’Occitanie fait renaître une production locale en développant une filière qui garantit traçabilité et goût du produit.


Pour une agriculture durable

La filière des plantes aromatiques et ombellifères démontre par l’exemple l’avenir d’une agriculture française de qualité. Cette approche bio et équitable pourrait-elle se généraliser dans toute la région ? Reportage dans le Gard.

Par Céline Cammarata

Ses parcelles de plantes aromatiques se trouvent en dehors des sentiers battus. Aussi Catherine Legrand me donne-telle rendez-vous à la mairie de Massillargues-Atuech (30), dont elle est l’une des adjointes. Un somptueux décor où les bâtiments en pierre sont entourés de vignes. Ici, la viticulture reste prépondérante. C’est à pied que nous arrivons sur ses plantations d’aromates. « Je plante des fruitiers, essentiellement des amandiers, au milieu des plantes aromatiques : thym, sarriette, origan et bientôt romarin. Les bienfaits agronomiques sont divers. Les arbres apportent de l’ombrage. Ce qui, sous nos climats, s’avère bénéfique. Et ils vont chercher l’eau en profondeur avec leurs racines, cela aide les plantes de surface. De plus, l’enherbement de mes arbres offre un refuge à la biodiversité. » Cette ancienne animatrice d’une association de promotion et d’accompagnement à la conversion bio travaille à l’époque en étroite collaboration avec le CIVAM bio (Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture en milieu rural) du Gard. Elle connaît les besoins en plantes aromatiques et ombellifères de la société Arcadie qui, depuis 30 ans, commercialise sous les marques Cook et Herbier de Provence, des épices et plantes aromatiques et médicinales. Le fait que cette société contractualise les prix d’achat des herbes aux producteurs représentait pour elle une garantie déterminante et l’a incitée à choisir cette production. « Petit à petit, j’ai pu cultiver 7 hectares, en fermage essentiellement. » En 2012, Catherine Legrand s’installe pour rejoindre la filière PPAM – plantes à parfum, aromatiques et médicinales –, sous contrat dès le départ. Une filière en plein développement depuis qu’en 2008, le couple Kimmel, co-fondateurs de la société Arcadie, a sollicité le CIVAM bio pour répondre à la problématique d’approvisionnement de son entreprise.

UN CHOIX ÉTHIQUE

Bernard et Dominique Kimmel ont lancé cette société après avoir eux-mêmes conduit une exploitation et cultivé des plantes aromatiques dans l’Aude. Dans les années 90, cette entreprise est la seule à proposer des épices et aromates bio en Europe. Dès 2000, le couple décide de multiplier les analyses, pour s’assurer de la qualité bio de ses produits et rassurer ses clients. Certains résultats mettent en évidence la présence de résidus chimiques. De fait, ils doivent refuser les produits incriminés. Se pose alors la question de leur approvisionnement. « Nous avons eu l’idée d’activer une filière régionale pour toutes les plantes qui pouvaient être produites sous nos climats », raconte Bernard Kimmel. Pour y parvenir, contact est pris avec le Civam bio du Gard. Les financements de l’Agence Bio permettront la mise en place d’un premier programme entre 2012 et 2014. Cette initiative entraîne

la plantation de 30 nouveaux hectares de plantes aromatiques dans le Gard. La deuxième phase du programme concerne l’ensemble de la région Occitanie et atteint 100 hectares, plus 50 hectares de plantes ombellifères dans l’Aude. « Rien que pour Arcadie, nous avons besoin de 150 à 200 hectares de plus : une dizaine de producteurs sont contractualisés et une dizaine en prospection. Il nous faut mettre les bouchées doubles car notre société enregistre 50 % de croissance sur 2 ans et les volumes augmentent d’autant », développe le dirigeant.

S’UNIR POUR SE STRUCTURER

Afin de s’organiser, les producteurs du Gard ont créé l’association Bio Garrigues Méditerranée (BGM), comme avant eux le groupement historique Biotope qui réunit des producteurs/ cueilleurs. Sur l’ensemble de la région, pas moins de huit groupements de producteurs existent. Mais BGM est la première structure à obtenir une contractualisation avec Arcadie. « À terme, BGM doit devenir un organisme de commercialisation et l’interlocuteur de toutes les entreprises qui pourraient être intéressées par une contractualisation, comme Araquelle en PACA, spécialisée dans les tisanes et infusions ou Golgemma, producteur et importateur d’huiles essentielles dans l’Aude avec qui nous échangeons », ajoute Gérard Deleuse, directeur du Civam et chargé de mission de Sud & Bio, l’association interprofessionnelle pour le développement de l’agriculture biologique sur la région Occitanie. BGM devrait gérer les besoins de production en espèces et en surfaces, le partage des connaissances… Pour l’heure, elle permet de grouper les achats de plants.

UNE DÉMARCHE ÉQUITABLE

L’association BGM et l’entreprise Arcadie sont liées par un contrat Bio solidaire, label de l’agriculture biologique. Ce contrat prévoit tout autant l’aspect économique (avec par exemple un prix d’achat garanti au moins supérieur de 10 % au prix de revient), l’aspect éthique ou réglementaire que la gouvernance. Le CIVAM bio du Gard s’appuie sur cette expérience positive dans le département pour développer cette filière des PPAM dans toute l’Occitanie et même au-delà. Aujourd’hui, des liens se tissent avec la région PACA, dans le cadre d’un programme commun baptisé Herbo bio Méditerranée (cf encadré). Si le développement de cette filière semble prometteur, Catherine Legrand exprime tout de même des craintes quant à une éventuelle dérive vers de la bio industrielle : « Face aux besoins croissants, je crains que ne soient privilégiées les grandes surfaces aux meilleurs rendements avec toujours plus de technicité. Par exemple, imaginer du bio avec du paillage en plastique me pose un problème éthique et m’interpelle sur la qualité finale. Et lorsque je vois de nouveaux arrivants avec de grandes surfaces en plaine, je m’interroge sur l’avenir. » Toutefois, malgré les inévitables craintes, cette expérience laisse entrevoir des solutions d’avenir dans le cadre d’une profession unie et structurée autour d’une même volonté éthique, tant alimentaire que sociale.

Plus d'infos : 
biogard.fr
www.arcadie.fr
www.sud-et-bio.com


HERBO BIO MÉDITERRANÉE

Depuis 2016 et jusqu’à 2019, la filière des PPAM de PACA et Occitanie bénéficie d’un programme d’actions baptisé Herbo bio Méditerranée. Financé par la Région Occitanie et l’Agence Bio, il est coordonné par Sud & Bio, l’association interprofessionnelle pour le développement de l’agriculture biologique sur la région Occitanie. Face à la plus importante croissance de tous les produits du marché bio, ce programme vise à ajuster la politique agricole aux besoins du marché des PPAM. Pour début 2020, ce plan d’action se fixe l’ambitieux objectif de 337 ha de cultures contractualisées et 5 à 6 M€ de chiffre d’affaires par an généré. Il fédère tous les acteurs : chambres d’agriculture, entreprises, agriculteurs, organismes professionnels… pour accompagner la mutualisation des savoir-faire tout autant que celle des moyens.


LES PLANTES AROMATIQUES BIO EN CHIFFRES

France : 
2248 producteurs
7085 ha (dont 1605 ha en conversion)

PACA en première position :
380 producteurs
2196 ha (dont 456 ha en conversion)

Occitanie en troisième position
382 producteurs
1198 ha (dont 692 ha en conversion)

Les espèces de PPAM bio plantées en Occitanie
Le safran est cultivé par 70 producteurs, le thym par 39, la lavande par 36, la coriandre par 28, le lavandin par 19, la sauge officinale par 13, la verveine odorante par 11 et les autres par 166 producteurs.


TRACER LES PESTICIDES, la responsabilité des marques !

Par Éric Besatti

Dans le secteur des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), les trop rares contrôles des autorités laissent, de fait, la responsabilité sanitaire des produits aux marques.

© Pixabay

Les deux dernières enquêtes réalisées par la répression des fraudes (DGCCRF) pour rechercher des résidus de pesticides dans les herbes aromatiques conventionnelles se sont révélées malheureusement positives. La première a concerné 20 échantillons – dont 17 étaient de production française – prélevés en Alsace à tous les stades entre la production et la mise en vente. Au final, 4 échantillons français se sont montrés « non conformes » pour présence de matière active non autorisée et dépassement des limites maximales de résidus en termes d’insecticides et fongicides. L’autre prélèvement concernait la région Lorraine. Sur 18 échantillons, un seul de persil italien dépassait les limites maximales de résidus. Un constat : le bio reste le meilleur moyen de se prémunir contre la présence de produits chimiques, dont les pesticides.

FLORILÈGE DE MARQUES…

Même en bio, si aucune analyse récurrente n’est obligatoire pour l’obtention du label bio (ABF), chez Araquelle, grossiste et conditionneur sous la marque Provence d’Antan « nous nous imposons des analyses sur les résidus de pesticides systématiques », explique Philippe Petit, président de la société. Dans son entreprise, les commandes se font par volumes de plusieurs tonnes. Deux lots sont refusés en moyenne tous les ans. « Rien n’est obligatoire, mais c’est le sérieux des sociétés qui est en jeu », prolonge-t-il. Des contrôles d’Ecocert, organisme certificateur, peuvent déboucher sur une éventuelle « délabellisation », en cas de présence de pesticides. Voire des analyses d’associations de consommateurs, qui peuvent mettre à bas la réputation d’une marque. « Depuis des années, on voit fleurir des marques, certifications, processus pour tracer les origines des produits, des procédures de traçabilité. C’est une tendance forte », constate Claude Chailan, délégué filière plantes à parfum, aromatiques et médicinales chez France Agrimer, établissement qui a pour mission d’être le lien entre les filières et l’État. Reste à espérer pour le consommateur que ces contrôles des industriels demeurent suffisants et perdurent à l’avenir…

Plus d'infos :
www.ecocert.com
www.franceagrimer.fr
www.provence-dantan.fr

 

 

 

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