[DOSSIER] Tourisme bas carbone : notre passeport pour la transition ?

Publié le jeu 22/07/2021 - 12:55
©Pixabay

Par Quentin Zinzius

Déplacements en train ou en vélo, labels écoresponsables, voyages moins fréquents, destinations moins lointaines… Pour tenter de limiter le dérèglement climatique, l’avenir du tourisme, qui représente près de 8% des émissions de CO2 mondiales, semble bien se trouver dans la sobriété.

Il parait loin, le temps où il était possible de partir à l’autre bout du monde sur un coup de tête. En 2019 - avant que la pandémie n’impose son violent coup de frein -, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) se félicitait de l’évolution constante du secteur, atteignant 4% de croissance par an, et visait 1,4 milliard de touristes en 2020 dans le monde. Un essor permis par le développement des offres low cost permettant de voyager toujours plus loin, moins longtemps et plus souvent. Mais non sans conséquences. Car si, pendant longtemps, les effets du tourisme sur l’environnement ont été méconnus et sous-estimés, ce n’est aujourd’hui plus le cas. En mars 2018, une étude [1] parue dans la célèbre revue Nature a, pour la première fois, mesuré l’empreinte carbone du tourisme mondial. Le résultat est sans appel : avec près 4,5 gigatonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère en 2013, ce qui représente près de 8% des émissions de CO2 mondiales, l’empreinte carbone du tourisme est plus de trois fois supérieure à ce qui était estimé jusqu’alors.

Face à ce constat, de nouvelles formes de tourisme se sont développées : elles s’appellent écotourisme, tourisme durable ou encore tourisme bas carbone. « C’est une thématique qui se développe depuis dix ans environ, avec une véritable accélération au cours des quatre dernières années, affirme Jean-Christophe Guérin, professionnel du tourisme responsable et gérant de l’agence Ahimsa-Voyages. Les professionnels sont en première ligne pour développer une réponse concrète à la question du tourisme de demain. ». Cette dynamique est poussée par la prise de conscience écologique et se concrétise par une évolution des pratiques, notamment dans le choix du mode de transport et de la destination.

Changer ses habitudes de transport

Car pour réduire efficacement son bilan carbone, le touriste n’a pas 36 solutions. « La première chose à faire est d’éviter au maximum l’avion et la voiture », poursuit Jean-Christophe Guérin. En effet, selon l’Agence nationale de la transition écologique (Ademe), environ 75% des émissions de gaz à effet de serre du tourisme seraient directement liés au moyen de transport utilisé : plus de 40% sont imputables à l’avion et 32% à la voiture (rapport [2] d’août 2020). « Le train est beaucoup moins polluant et adapté pour tous types de trajets », signale le professionnel du tourisme. Une assertion confirmée par l’Ademe : pour réaliser un même trajet aller-retour Paris-Milan, une personne émet près de 180 kg de CO2 en avion, 150 kg en voiture, contre moins de 8 kg en train.

Autre mode transport en vogue auprès des touristes : le vélo. En plus de leur usage pour les déplacements quotidiens, l’utilisation touristique des bicyclettes augmente fortement depuis plusieurs années dans l’Hexagone. En 2019, leur utilisation en itinérance a grimpé de 5% et même de 27% en 2020, hors période de confinement. Un développement permis par la création de pistes cyclables et autres itinéraires de cyclotourisme, qui représentent aujourd’hui plus de 20 000 km de voies, selon le dernier rapport de l’association France Vélo Tourisme (FVT). Un développement qui a également tendance à relocaliser le tourisme. En effet, selon FTV, seuls 20% des touristes à vélo viennent de l’étranger tandis que 50% résident à moins de 200 km de leur lieu de pratique.

Se loger responsable

Mais le transport n’est pas le seul poste à surveiller lors d’un voyage. L’hébergement et le choix des activités sur place pèsent également dans la balance. Pour réduire les dépenses carbonées, l’Ademe conseille aux touristes de prêter attention aux labels environnementaux. L’Ecolabel européen témoigne par exemple de « mesures écologiques strictes et quantifiées prises par l’hébergeur » : réduction des consommations d’énergie, valorisation des déchets, réduction des émissions de CO2... Une démarche de labélisation est également engagée par la plateforme Vaovert.fr, spécialisée dans l’hébergement écoresponsable. Lancé en 2018, le site compte aujourd’hui plus de 1 200 hébergements tous situés en France afin, encore une fois, de limiter l’impact des déplacements. « Nous développons le concept de paysement, explique Anne-Laure Marin, chargée des relations presse de la plateforme. Plus besoin de partir loin pour passer de bons moments ! »

Voyager moins souvent

Pourtant, la seule réduction du bilan carbone ne suffira pas à réduire l’impact du tourisme, alerte le sociologue Rodolphe Christin (lire interview). « Le problème est qu’aujourd’hui le tourisme a pris des proportions industrielles, souligne-t-il. Or ces alternatives n’ont pas vocation à remplacer le tourisme de masse. » Un phénomène dû à l’augmentation constante du nombre de touristes, mais aussi à la multiplication des séjours : selon l’Insee, le nombre de séjours par an et par personne est passé de 1,7 à plus de 2,2 entre 1979 et 2004. La durée des séjours a quant à elle été divisée par deux en 50 ans, toujours selon l’Insee [3]. Cette évolution est remise en question par les spécialistes comme Jean-Christophe Guérin qui appellent à voyager de manière raisonnée. « Chez Ahimsa Voyages, nous conseillons de ne faire un grand voyage de quatre semaines qu’une fois tous les deux ou trois ans, plutôt qu’un voyage d’une semaine tous les six mois », indique-t-il. De son côté, l’Organisation mondiale du tourisme espère toujours un rebond d’activité pour l’été 2021, même si le retour à la moyenne du nombre de touristes au niveau d’avant pandémie n’est attendu que pour 2023. Pour la planète, les vacances auront été de courte durée !
 

Note de bas de page :

[1] Etude « The carbon footprint of global tourism », nature climate change, 2018.

[2] Rapport « Evaluation des externalités générées par les mobilités touristiques en France à l’horizon 2030 », Ademe, 2020.

[3] Rapport « Les vacances des Français depuis 40 ans », Insee, 2008.

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