COP 22 : « Qui contrôlera les engagements climatiques  ? »

Publié le mar 15/11/2016 - 09:35

La COP22 sur le climat a débuté lundi à Marrakech. L’accord de Paris, ratifié début novembre par près de 100 pays est désormais entré en vigueur, même si sa mise en œuvre n'est prévue qu'à partir de 2020. Plus de 40 chefs d'Etats et 30 chefs de gouvernements vont désormais discuter des modalités de sa mise en œuvre.

«Marrakech, c'est le moment de faire avancer l'action climatique», a exhorté la responsable Climat de l'ONU, Patricia Espinosa, lors de la session plénière d'ouverture lundi dernier, appelant les pays à « accélérer le rythme et l'ampleur des mesures ». La nouvelle conférence climatique de l'ONU pour le climat, la COP22, doit permettre de concrétiser les engagements pris par la communauté internationale à Paris l'an dernier, pour lutter contre le dérèglement planétaire.

22000 participants appartenant à 196 nations échangent ainsi depuis lundi dernier à Marrakech, où se tient cette nouvelle grande messe climatique. Un an après la très médiatique COP21 du Bourget, les négociateurs réunis au Maroc vont désormais entrer dans le vif du sujet, en précisant les modalités techniques pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre décidés lors de la COP21. Car l’accord mondial sur le climat a été ratifié début novembre par suffisamment de pays pour entrer en vigueur. Pour que ce « compromis » mondial de réduction des gaz à effet de serre soit ratifié, il fallait qu’au moins 55 pays -représentant au minimum 55 % du total des émissions de GES- le paraphent. Le 4 novembre dernier, une centaine de parties émettant près des 2/3 du CO2 mondial s’y sont engagées. Mais l'élection du climato-sceptique Donald Trump, aux États-Unis, risque de faire retomber cet enthousiasme...

Pourtant cet accord intervient en un temps record d'engagement diplomatique : le précédent traité international sur le climat, le fameux protocole de Kyoto, avait mis pour sa part près de 7 ans à être entériné par les États en 1997. « Et encore, souffle Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique très engagé dans les questions climatiques qu'il suit depuis de nombreuses années, à l'époque il avait fallu prier les russes de s'engager… Alors qu'avec l'accord de Paris, l'engagement diplomatique en faveur du climat n'a jamais été aussi important !»

Pour mémoire, l'accord de Paris prévoit de limiter le réchauffement climatique « à moins de 2 degrés en moyenne à l'échelle planétaire, si possible 1,5 °C à l'horizon 2100 », rappelle Jean Jouzel, climatologue et membre du Giec, le Groupement intergouvernemental sur le climat.

Régler les innombrables modalités techniques

Pour limiter la hausse à +2°C de moyenne, les scientifiques observent qu'il ne faudrait plus émettre dans l'atmosphère que 42 gigatonnes équivalent CO2 en 2030 (contre 52,7 en 2014). De facto, même si tous les pays tenaient leurs promesses de la COP21, 54 à 56 gigatonnes devraient encore être émises en 2030 selon les projections, « soit 12 à 14 de trop », estime le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) . Dès lors, « le monde doit radicalement réduire les émissions de GES à l'origine du réchauffement mondial s'il veut éviter une tragédie humaine, a prévenu l'ONU jeudi. « Si nous ne commençons pas à prendre des mesures supplémentaires dès la conférence de Marrakech, nous finirons par pleurer devant une tragédie évitable », a surenchérit Erik Solheim, directeur du PNUE, qui publie son rapport annuel sur l'action climatique mondiale. Selon les Nations Unies, malgré l'accord de Paris, le monde se dirige d'ici 2100 vers des températures comprises entre +2,9 et +3,4°C en moyenne, par rapport au niveau pré-industriel.

Pour faire face à ce constat cinglant, le PNUE insiste sur le rôle des villes, des entreprises, des citoyens, afin d'intensifier les efforts, notamment en faveur des économies d'énergie.

Ronan Dantec, également porte-parole du réseau mondial des villes engagées dans la lutte contre le climat, souligne « le rôle majeur que vont jouer les acteurs non étatiques dans la réduction des gaz à effet de serre, dont les ONG, entreprises et collectivités, réunis à Nantes en octobre dernier lors du sommet Climate Chance. Nous savons comment réduire les gaz à effet de serre pour contenir le phénomène climatique. Il convient à ce stade de mettre en œuvre les financements nécessaires pour y parvenir, tant au niveau global qu'à l'échelon local » poursuit-il. Les 100 milliards du fonds vert, promis en 2009 aux pays en voie de développement pour faciliter leur transition, sont l'une des voies de financement. « Mais il faudra s'attaquer aux milliers de milliards que représentent l'ensemble des flux financiers planétaires, pour s'assurer que les investissement vont en priorité vers les énergies décarbonées » reprend Ronan Dantec.

Outre les modalités financières, Marrakech devra également « approfondir la question de l'éducation pour une développement durable », rebondit pour sa part Jacques Brégeon, président de l'école des métiers de l'environnement, de Rennes (EME) pour qui l'éducation doit être au cœur des priorités du bassin méditerranéen. « A Paris, le volet éducatif n'a été que survolé, argumente-t-il, nous espérons créer à Marrakech une dynamique d'éducation positive. »

Compte tenu de l'urgence climatique et environnementale, détaille Jacques Brégeon, l'éducation pourrait permettre un changement majeur de paradigme en une génération. Ce serait une véritable révolution », espère-t-il.

Quid de l'avancée des engagements ?

Parmi les autres questions cruciales qui n'échapperont pas aux négociateurs à Marrakech, celle du contrôle des engagements sera par ailleurs l'une des plus complexes à régler. Car une fois précisée la stratégie des pays pour limiter contre le réchauffement de la planète, qui contrôlera le respect des engagements climatiques ? Autrement dit, Marrakech ouvre un nouveau cycle climatique jusqu'en 2020, durant lequel des règles de contrôle et de transparence vont êtres écrites pour les années à venir. Au menu desquelles, il conviendra de s’assurer que les États sont prêts à développer les énergies renouvelables, à lutter contre la pollution des voitures, à développer la rénovation des bâtiments… « C’est crucial de pouvoir obtenir cette transparence et de mutualiser les savoir-faire, explique Célia Gauthier, du Réseau action climat (Rac), qui réunit une quinzaine d'ONG françaises : « les gouvernements devront préciser comment on mesure les réductions de gaz à effet de serre menées dans chaque État et de quelle manière celles-ci sont rapportées à l’ONU. » Sans ces informations, les acteurs de la société civile ne saurons pas ce que les États font. Et nous ne pourrons pas contraindre nos gouvernements à tenir leurs engagements. » Pour l’instant, ces règles de « vivre-ensemble » restent bel et bien à inventer...

 

 


L'Air et moi à la Cop22

Air Paca était invité à présenter le programme de sensibilisation des enfants à la qualité de l'air, l'Air et moi, à la Cop22 de Marrakech. A cette occasion, une vidéo a été réalisée aves des élèves de primaire à l'attention "des présidents de la terre". A regarder ci-dessous sans modération.

 

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