[BLOOM] Une coalition de pêcheurs attaque la Commission européenne pour "inaction illégale"

Publié le mar 21/03/2023 - 11:00

A l’initiative de BLOOM, l’association de petits pêcheurs européens LIFE ("Low-Impact Fishers of Europe") et 27 pêcheurs français, belges, néerlandais et britanniques ont déposé le 14 mars devant la Cour de Justice de l’Union européenne un recours en carence contre la Commission européenne pour "abstention illégale d’action" et "mauvaise administration" dans le scandale européen de la pêche électrique.(1)

La Commission européenne a en effet refusé d’instruire la plainte déposée par les pêcheurs au printemps 2021 pour obtenir le remboursement des subventions illégales allouées à la pêche électrique.

La plainte des pêcheurs que la Commission a ignorée porte sur des faits antérieurs à l’interdiction par l’UE de la pêche électrique, effective depuis le 1er juillet 2021, à la suite d’une intense campagne de BLOOM et des pêcheurs côtiers. Le bienfondé de la plainte initiale était pourtant clair : les Pays-Bas avaient équipé cinq fois plus de navires à la pêche électrique que la limite autorisée (84 contre 15), alors que le soutien financier alloué aux flottes européennes est subordonné au respect des règles de la Politique commune de la pêche (PCP). En enfreignant le cadre réglementaire imposé par l'Union européenne, les subventions européennes allouées à la pêche électrique étaient donc, elles aussi, illégales. 

En toute logique, donc, la Commission européenne aurait dû instruire la plainte des pêcheurs de 2021 et ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre des Pays-Bas. Au lieu de cela, la Commission a adopté une stratégie d’usure pour tenter de se débarrasser de la plainte, en jouant la montre et la mauvaise foi et en comptant sur l’essoufflement de BLOOM et des pêcheurs. 

C’était évidemment mal jauger les acteurs en présence, habitués par un gouvernement français cynique et un organe de représentation professionnelle (le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins - CNPMEM) complice des industriels néerlandais, à devoir déployer un niveau de persévérance hors normes pour obtenir gain de cause.(2) 

BLOOM demande que justice soit faite

Habituellement, les recours devant la Cour de Justice de l'Union européenne sont réservés aux États membres et à la Commission européenne. BLOOM avait constaté cette impuissance citoyenne lorsque la Commission européenne(3) puis la France(4) avaient refusé de saisir la Cour de Justice alors que l’illégalité des licences accordées aux navires néerlandais était devenue patente, en 2019.(5)

Le recours actuel fait partie des rares exceptions qui permettent aux citoyens qui ont été directement touchés dans leurs intérêts économiques de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. C'est le cas des pêcheurs qui ont subi une distorsion de concurrence en raison du financement de la pêche électrique par des subventions publiques. BLOOM a préparé le recours mais ne peut pas être co-plaignant car une association de défense de l’environnement n'a pas "d'intérêt à agir" aux yeux de la plus haute institution judiciaire européenne, ce qui est un frein immense à l’efficacité des ONG.

BLOOM place néanmoins de fortes attentes dans ce recours qui représente la dernière chance d’obtenir justice pour les citoyens et notamment les contribuables européens, les écosystèmes marins et les pêcheurs côtiers. Rappelons que la pêche électrique a eu des conséquences dramatiques sur la flottille des fileyeurs qui ont subi une faillite collective et entrainé la fermeture de la criée de Dunkerque à l’automne 2020.

L'argent public continue de profiter aux fossoyeurs de l’océan

La mauvaise administration des fonds publics dénoncée par BLOOM et les pêcheurs dans leur recours se poursuit inexorablement aux Pays-Bas, à une échelle plus grave encore : dans le cadre des fonds alloués au Brexit, cet Etat membre vient de décider de financer la démolition des anciens navires pratiquant la pêche électrique par le biais d'une enveloppe de 155 millions d’euros attribuée à 70 de ces chalutiers. Il est inacceptable que l’argent public soit de nouveau utilisé pour indemniser les industriels qui se sont enrichis grâce au contournement de la loi.

NOTES

(1) Sur la base du principe de l’intérêt à agir, qui requiert que le plaignant ait directement subi un préjudice financier, BLOOM ne peut pas se porter partie plaignante. Nous avons donc fourni toutes les preuves et le suivi de ce dossier.

(2) Le gouvernement Macron a fait barrage à l’interdiction de la senne démersale pourtant réclamée par 98% des pêcheurs normands et du Nord. https://bloomassociation.org/trilogue-senne/

(3) Le 1er février 2021, la direction des pêches de la Commission européenne reconnait les infractions sur le nombre de dérogations allouées à la pêche électrique et annonce qu’il appartient au Collège des Commissaires d’ouvrir ou non « une procédure formelle d’infraction contre les Pays-Bas » pour non-respect du droit de l’Union européenne. Aucune poursuite ne sera engagée.

(4) https://bloomassociation.org/sanctions-peche/ 

(5) A l’inverse, en 2019, les Pays-Bas n’avaient pas hésité à saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour tenter d’obtenir l’annulation de l’interdiction de la pêche électrique décidée démocratiquement par l’Union. 

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