[ BIO ] Mention Nature&Progrès pour la cantine scolaire de Ventalon-en-Cévennes

Publié le lun 04/11/2019 - 10:28

Marie-Pascale Vincent.

Avec moins de 300 habitants, la jeune commune lozérienne de Ventalon-en-Cévennes  est parvenue à obtenir la mention Nature&Progrès en 2017, pour les efforts fournis par sa cantine scolaire. Une certification encore jamais accordée à une collectivité locale, qui vient récompenser un engagement en faveur d’une agriculture biologique et solidaire.

À Ventalon-en-Cévennes, en Lozère,  la cantine de l’école communale bénéficie depuis 2017 de la mention Nature&Progrès. Une première en France. Outre le fait de s’appuyer sur un approvisionnement bio et local, cette mention met en avant une démarche globale, y compris au niveau pédagogique.

Avant que les enfants de la maternelle commencent à manger, Mireille Steinfeld, cantinière à l’école des Abrits, à Ventalon-en-Cévennes, leur distribue une paire de baguettes à chacun et leur explique ce qu'est un radis. Ce légume, ils vont le retrouver dans leur assiette. Et le manger avec des baguettes pour favoriser l'apprentissage du goût et de la digestion. Dans cette école rurale qui compte vingt élèves dont quinze mangent à la cantine, le repas - tarte à la courgette et mozzarella, salade, dessert choco banane - a été cuisiné sur place, comme à la maison. « Je travaille les produits de saison bio et locaux, dans la mesure du possible, précise Mireille Steinfeld. Je varie mes recettes, joue sur les couleurs et les épices. Ainsi les légumes sont mieux acceptés.  »

Sur cette commune à l’habitat dispersé, l’école a longtemps été le seul lieu de vie collectif. Et la mention Nature&Progrès, accordée à la cantine en 2017 s’inscrit dans une dynamique menée par l’équipe enseignante depuis des années. Outre un approvisionnement bio et local, elle met en avant une démarche globale intégrant l’alimentation à la pédagogie. Une façon de se différencier des grandes écoles urbaines, à l’heure où les écoles rurales sont régulièrement remises en cause.

Le territoire dans l’assiette

Christian Rameau, directeur et instituteur, est en poste aux Abrits depuis plus de dix ans. Par la fenêtre de son bureau, la vallée paraît inhabitée. « Sans cette école et ses deux classes, précise-t-il, il n’y aurait plus d’enfants dans le village et donc plus de vie. Comme récemment avec la loi Blanquer, nos établissements ruraux sont régulièrement menacés en raison de leurs petits effectifs. Pourtant, d’après les études de l’Observatoire éducation et territoire, les classes à plusieurs niveaux enregistrent de meilleurs résultats scolaires ! Elles sont donc légitimes ! » Une partie de la population s'installe depuis des années en Cévennes pour rompre avec une culture urbaine. À travers une pédagogie centrée autour de l’enfant, Christian Rameau «essaye de répondre aux attentes des familles et de faire en sorte que l’école soit un atout pour la commune ».

Mireille Steinfeld aborde le temps du repas de façon ludique et pédagogique. Photo : Marie-Pascale Vincent.

En outre, l’obtention de la mention Nature& Progrès – véritable argument pour les néo nouveaux arrivants - a abouti grâce à la fédération des différents acteurs de l’école autour du projet. L’instituteur, qui souhaite « faire entrer le territoire dans sa classe », a d’abord commencé par travailler sur l’environnement. Ce qui a valu aux Abrits, le label Eco-école dès 2009.  Et de façon à amener les produits bio et locaux jusqu’à la cantine, un groupement d’achat Eco-relais s'est également créé. « C’était l’époque de la sortie du film, Nos enfants nous accuseront, il y  avait une vraie prise de conscience de l'importance de manger sans pesticides. Mais il n’était pas facile alors de trouver des produits bio. Une quarantaine de familles ont rejoint le groupement, soit la moitié de la commune, pour atteindre le volume nécessaire à l’approvisionnement de la cantine ! », se félicite Christian Rameau. L’alimentation est un thème qui fait partie intégrante des programmes scolaires. Gérer les commandes avec les enfants a de multiples déclinaisons. Le partage des produits achetés en gros permet aussi de faire des maths ou de travailler la géographie sur l’origine des épices. On parle aussi d’agriculture, de lutte contre les déchets... bref, d’éducation à la citoyenneté. « Ici, les enfants ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. Ils ont compris que l’acheminement de produits venant de loin pollue la planète. Que consommer local peut être une réponse. », conclut le professeur.

Livrée sur place malgré l’isolement

Si l’engagement de Christian Rameau constitue le fil rouge du projet, l’arrivée de Mireille Steinfeld, il y a six ans, a permis de finaliser l’aventure. « Chez moi, je cuisine les légumes du jardin, les produits locaux et on mange peu de viande. J’ai proposé de faire pareil à l’école. »

Son enthousiasme a vaincu les résistances de sa collègue, Véronique Venturelli, cantinière « historique », présente depuis des années, qui désormais a même changé son mode d’alimentation familiale. « Manger bio me semblait être un effet de mode, confie cette dernière. Mais j’ai goûté et j’ai été convaincue. Aujourd’hui à la cantine, on n’ouvre plus de boîtes de conserve et on fait attention aux quantités. Et comme les repas sont bons, le gaspillage est limité. » 

Pour pérenniser l’approvisionnement et décrocher la mention Nature&Progrès, en plus du groupement d’achat, sous l’impulsion de Mireille Steinfeld, l’équipe se tourne alors vers le réseau Biocoop dont une branche est consacrée à la restauration et qui livre partout sur le territoire, toute commande de 100 kg minimum.

« Aujourd’hui à la cantine, on n’ouvre plus de boîtes de conserve et on fait attention aux quantités. », Véronique Venturelli, cantinière

En parallèle de la plateforme, Mireille Steinfeld consolide aussi un approvisionnement local direct avec les agriculteurs. « Christophe Leclerc, par exemple, nous fournit les pommes de terre ainsi que les surplus de son jardin. » Et pour la petite histoire, les légumes transitent parfois via le transport scolaire.

Un coût maîtrisé

Si le conseil municipal soutient le projet, « la question du coût des repas a fait débat tout comme la préoccupation de ne pas avoir une démarche trop élitiste », détaille le maire Camille Lecat. Il voit dans cette cantine bio et locale « un enjeu de santé publique et une façon de se distinguer aux yeux de l’inspection académique ».

Pour pallier la question du coût, Mireille Steinfeld propose de passer à deux repas sans viande par semaine et de supprimer le poisson. « Au final, le prix par repas est facturé 3, 84 € aux parents, sur un coût total de 11 € pour la commune. Il n’a pas augmenté et correspond à la fourchette des tarifs classiques de cantine en France. »

Quant à la mention Nature&Progrès, « on y a beaucoup réfléchi, précise encore Mireille Steinfeld. On s’est posé la question de quelle bio on souhaitait mettre en avant. Le choix de Nature&Progrès permet de valoriser nos différents engagements. »

Avec cette mention, l’école souhaite que sa démarche soit reconnue et qui sait, qu’elle fasse des petits. « Depuis mon arrivée, le nombre de repas préparé a doublé, l’école d’un village voisin, Saint-Privat-de-Vallongue, nous ayant demandé de l’approvisionner. » Et Mireille Steinfeld de rêver d’une cantine centrale, entièrement bio et locale pour les Cévennes.

Plus d'infos : www.natureetprogres.org

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