[TRIBUNE] Les Normands parlent à Elisabeth Borne : "Les autoroutes A133-A134, c'est non !"

Publié le mer 17/05/2023 - 12:23

 

 

Lettre d'élus et de personnalités normandes.

Rouen, le 3 mai 2023

Madame la Première ministre, chargée de la Planification écologique et énergétique,

Nous, habitant(e)s du bassin de vie de Rouen-Louviers-Val de Reuil , citoyen(ne)s engagé(e)s, personnalités civiles, élu(e)s ancré(e)s dans la vie de la Seine-Maritime et de l’Eure, partageant notre quotidien avec les autres Normand(e)s, souhaitons, par cette adresse à vous, Madame la Première Ministre, lancer un appel à la raison politique et écologique : notre territoire a besoin d'investissements massifs pour développer les transports ferroviaires (fret et voyageurs), en commun et cyclables et nous ne voulons pas du climaticide projet d'autoroutes A133-A134 autrement dénommé Contournement Est de Rouen pour de nombreuses raisons1qui sont sans appel, au vu de l'évolution de nos sociétés et du changement climatique.

L'argent public est compté. Or, ce projet dont les quotes-parts sont respectivement de 245 millions d'euros pour l’État et de 245 millions d'euros pour les collectivités locales va atteindre un coût au-delà du milliard d’euros, soient 24,5 millions le kilomètre, un des coûts de construction les plus importants pour ce type de projet. Nous attirons votre attention sur le fait que ces chiffres sont ceux du dossier d’enquête publique où le projet est estimé à 886 millions hors taxe, et 1,06 milliard TTC valeur 2015. Or l'inflation galopante, l’augmentation du coût des matériaux post COVID et la crise énergétique liée au conflit en Ukraine sont autant de facteurs augmentant ce coût de construction. Le COI2 dans son rapport, abonde cette analyse : « Au vu de ces éléments encore incertains, mais également en intégrant les politiques publiques mises en place depuis cette DUP, le COI suggère au gouvernement de revisiter le projet au regard de ces divers éléments avant de signer un contrat de concession.». La prochaine échéance, l'établissement des CPER doit permettre de concentrer les investissements publics sur les modes de transports partagés et adaptés au XXI ème siècle. Concernant notre territoire, ces investissements doivent être orientés principalement vers un redéploiement du ferroviaire et les mesures accompagnatrices pour un report modal favorable au pouvoir d'achat de nos concitoyens et assurer ainsi la préservation de notre environnement.

Pour des raisons politiques, puisque le territoire est excessivement clivé sur ces autoroutes à péage avec des collectivités en désaccord complet, tant sur le financement que sur une opposition politique. Ainsi, le Conseil départemental de l'Eure refuse de financer pendant que celui de Seine Maritime met 40 millions d'euros. Le 8 février 2021, la Métropole Rouen Normandie votait à 63 % une délibération qui revenait sur sa décision de financer sa quote-part de 66 millions d'euros. Ce refus de financement venait conclure le retrait complet des trois intercommunalités concernées par le tracé, du montage financier prévisionnel. De plus, la Métropole Rouen Normandie, a accompagné ce retrait de financement de propositions d'alternatives vertueuses basées sur la notion de report modal.

L'opposition résolue des territoires du bassin de vie, construite sur la volonté de privilégier les solutions de report modal, est inconciliable avec la vision surannée du président de la Région Normandie. Comme le déclarait la précédente Ministre de la Transition écologique et solidaire : « sur des sujets d’aménagement du territoire comme à Rouen, l'État ne peut agir sans un consensus des acteurs locaux ». Passer en force face au clivage du territoire, ce serait aggraver la fracture politique de notre région, ce serait enliser durablement les politiques publiques, ce serait créer des résistances de terrain difficiles à maîtriser... Nous préférions que l'État organise la recherche de consensus et la mise en place d'un plan d'action efficient et porté par tous.

Pour des raisons d’urgence climatique et d’impacts environnementaux, que le rapport du COI qualifie de « forts », et alors que la crise climatique s’accélère, que les précipitations du mois de janvier, février sont au plus bas, construire ces deux autoroutes relèverait de l’inconscience politique. En effet, ce projet constitue une forte menace, soulignée par le Conseil d’État dans ses attendus, pour les nappes phréatiques karstiques des plateaux Est et le captage de la Chapelle, qui alimentent près de 75% de la régie de Rouen en eau potable.

Comme tout autre projet d’infrastructure, ce projet portera atteinte à un ensemble de paysages spécifiques, consommera des terres arables et sylvicoles portant une biodiversité remarquable. C'est aussi un enjeu en matière d'artificialisation avec plus de 500 hectares consommés dans la seule infrastructure ce qui pose des questions alors que le ZAN est en plein débat parlementaire.

Ce projet devrait émettre 50.000 tonnes de CO2 supplémentaires par an en contradiction avec la SNBC. D'autre part, il engendrera une augmentation de 4 à 14 % de pollution atmosphérique sur l’aire géographique du projet sans baisse significative sur la ville centre, Rouen.

En termes de trafic routier sur notre bassin de vie, le dossier d’enquête public de 2015 tablait sur une augmentation structurelle du trafic quantifié à 35% en 2024. Or, les comptages réalisés sur notre territoire montrent que dès 2017, il y a un décrochage entre le modèle prévisionnel et la réalité avec des flux qui commencent déjà à diminuer. Et les chiffres de 2022 sont encore plus parlants avec des diminutions structurelles du trafic routier conséquence des changements d'habitudes de travail de nos concitoyens, liés au COVID, aux crises énergétiques et à la prise de conscience environnementale. De plus, les efforts pour

des politiques de report modal, encore à amplifier, mise en place par nos collectivités commencent à avoir un impact sur les habitudes de nos concitoyens. Notons que l'argumentation sur les temps de parcours est totalement caduque à l'aune des évolutions sociétales3.

C'est ainsi que l'on peut dire que ces autoroutes ne trouvent pas de justification en matière de désenclavement routier. Et ce n'est pas le trafic de transit qui pourrait le justifier puisqu'il est faible 6 % à l’Est de l’agglomération, selon les chiffres des services de l’État pendant l’enquête publique4.

Ainsi ces autoroutes A133-A134 sont devenues l’un des maillons autoroutiers, avec le projet de liaison autoroutière A154-A20 (Nonancourt – Dreux – Chartres - Trancrainville) d'un grand contournement Ouest de la région parisienne. De plus, ces trafics induits apporteront des nuisances nouvelles le long des infrastructures A133-A134, un phénomène constaté sur le Grand Contournement Ouest de Strasbourg, et cela sans que cette infrastructure n’ait eu d’impact positif quant à la réduction des pollutions en centre d’agglomération. C'est un fait objectif qu'il faut reconnaître. Or, déplacer le trafic et ses nuisances chez les voisins Normands n'est pas une solution responsable, et nous préconisons des solutions de report modal à l'échelle du pays tant pour les déplacements de marchandises que des personnes afin « d’alléger » la circulation de la région parisienne. C'est la seule solution responsable, durable et viable. C'est pourquoi nous vous demandons avec force de ne pas intégrer les autoroutes A133-A134 à l'avenant du CPER 5liant la Normandie à l’État.

Madame la Première ministre, nous sommes dans l'espoir que cette adresse puisse vous convaincre. Le 16 septembre 2022, Madame la Première Ministre vous expliquiez : « État et territoires détiennent chacun une part de la réussite de notre Nation. Nous devons bâtir ensemble. Le collectif est la condition de notre succès. »6Nous partageons cette vision c’est pourquoi nous vous exhortons à rassembler, sous l’égide de la préfecture, tous les acteurs du territoire pour que nous puissions avancer sur ce qui fait consensus loin du clivage violent et préjudiciable que génère cette idée d'autoroutes concédées.

Si vous souhaitez des analyses plus détaillées et un descriptif plus approfondi des propositions alternatives dites de report modal que nous entendons impulser pour notre territoire, nous restons à votre entière disposition.

1 http://www.effetdeserretoimeme.fr/les-informations-sur-la-lutte-contre-la133-a134/

2 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/COI_2022_Programmation_Synthese%20-%20def_0.pdf

3 http://contournement-est.fr/gains-de-temps-15-milliard-e-a-trouver-pour-justifier-la-rentabilite-de-linfrastructure

4http://contournement-est.fr/wp-content/uploads/2019/03/trafic-de-transit.png

5 https://www.prefectures-regions.gouv.fr/normandie/content/download/100136/637864/file/2022.11.15- PROTOCOLE%20sign%C3%A9%20Pr%C3%A9fet-Pr%C3%A9sident.pdf

6 https://www.vie-publique.fr/discours/286425-elisabeth-borne-16092022-priorites-gouvernementales-plein-emploi- climat

Élus :

Premiers signataires :

Céline Brulin Sénatrice de Seine Maritime

Phillipe Brun, Député de la 4ème circonscription de l'Eure. David Cormand, Député européen

Alma Dufour Députée de la 4 ème circonscription de Seine maritime

Nicolas Mayer-Rossignol, Président de la Métropole Rouen Normandie et Maire de Rouen Hubert Wulfranc Députée de la 3 ème circonscription de Seine maritime

Benoit Anquetin, Maire de Saint Aubin Epinay Chloé Argentin, Élue Municipale Rouen

Valérie Auvray, Conseillère municipale d’Elbeuf-sur-Seine Benoit Balut, Adjoint au Maire de Val de Reuil

Pascal Baron, Maire de Freneuse

Stéphane Barré, Maire d’Oissel, Conseiller Départemental de Seine-Maritime Jean-Michel Béregovoy, Conseiller départemental 76, Adjoint au Maire de Rouen Véronique Béregovoy, Conseillère régionale Normandie

Thiphaine Berthelot, Adjointe au maire Petit Quevilly Séverine Botte, Adjointe au maire de Oissel

Mélanie Boulanger, Maire de Canteleu, Conseillère régionale de Normandie Matthieu Brasse, Conseiller régional de Normandie

Jean-Pierre Breugnot, Maire de Gouy

Gilles Burel, Conseiller municipal et métropolitain Canteleu Thomas Caillot, Adjoint au Maire d’Elbeuf sur Seine

Guillaume Coutey, Maire de Malaunay, Conseiller départemental de la Seine-Maritime Maxime Da Silva, Conseiller municipal de Pavilly.

Anne-Sophie De Besse, Adjointe au Maire de Pont-de-l’Arche Christine de Cintré, Conseillère municipale et métropolitaine Rouen Matthieu de Montchalin, Adjoint au Maire de Rouen

Julien Delalandre, Maire de Jumièges

Frédéric Delaunay, Maire de Saint Jacques sur Darnétal Ludovic Delesque, Conseiller régional

Thibault Drouet, Conseiller municipal Rouen. Caroline Dutarte, 1ère Adjointe au Maire de Rouen Fatima El Khili, Adjointe au Maire de Rouen

David Fontaine, Conseiller régional, Adjoint au Maire de Saint-Etienne du Rouvray

Charlotte Goujon, Maire de Petit-Quevilly, Conseillère départementale de la Seine-Maritime Pierre-Emmanuel Hautot, Conseiller régional, Adjoint au Maire de Beaurepaire

Florence Hérouin-Léautey, Adjointe au Maire de Rouen, Conseillère départementale de la Seine-Maritime Richard Jacquet, Maire de Pont-de-l’Arche

Marc-Antoine Jamet, Maire de Val de Reuil, Conseiller Départemental de l'Eure Daniel Jubert, Conseiller municipal de Louviers, Conseiller départemental de l’Eure Elizabeth Labaye, conseillère municipale et métropolitaine Rouen

Manuel Labbé, Adjoint au Maire de Rouen

Astrid Lamotte, Maire de Sainte-Marguerite sur Duclair Hugo Langlois, Maire d’Amfreville la Mivoie

Frederick Le Goff, Maire de Moulineaux

Janick Léger, maire de Léry, Conseillère départementale de l’Eure

Julie Lesage, Maire de Grand-Couronne, conseillère départementale de la Seine-Maritime Gérard Levillain, Adjoint au Maire de Canteleu

Arnaud Levitre, Maire d'Alizay, Conseiller Départemental de l'Eure Georges Loiseau, Maire de Poses

Marie Mabille, Adjointe au Maire de Bois-Guillaume Laëtitia Malherbe, Conseillère Régionale de Normandie Frédéric Marchand, Adjoint au Maire de Rouen Bénédicte Martin, Conseillère régionale Normandie

Stéphane Martot, Conseiller municipal de Rouen, Conseiller départemental de la Seine-Maritime Roland Marut, Adjoint au maire de Grand-Quevilly et conseiller métropolitain

Jean-Michel Mauger, Maire de Saint-Pierre de Varengeville

Djoudé Merabet, Maire d’Elbeuf-sur-Seine, 1er vice-président de la Métropole Rouen Normandie Nadia Mezrar, Maire de Saint-Pierre lès Elbeuf, conseillère départementale de la Seine-Maritime Joachim Moïse, Maire de Saint Etienne du Rouvray

Cyrille Moreau, Vice-président de la MRN

Adrien Naizet, Conseiller municipal et métropolitain Rouen Sylvie Nicq Croizat, Vice-présidente de la MRN

Luce Pane, Maire de Sotteville-lès-Rouen

Léa Pawelski, Conseillère départementale et Adjointe au maire de Saint Etienne du Rouvray

Valentin Rasse Lambrecq, Conseiller municipal de Rouen et Conseiller départemental de la Seine-Maritime Laurence Renou, Vice-présidente de la MRN et Adjointe au maire de Sotteville-lès-Rouen

Pascal Rigaud, Adjoint au Maire de Petit-Quevilly

Nicolas Rouly, Maire de Grand-Quevilly, Conseiller départemental de la Seine-Maritime Stéphanie Rousselin, Adjointe au Maire de Val de Reuil

Laëtitia Sanchez, Conseillère régionale, Maire de Saint-Pierre du Vauvray Sylvaine Santo, Maire de Roncherolles sur le Vivier

Martine Seguela, Conseillère Municipale des Andelys, Conseillère Régionale de Normandie. Laura Slimani, Adjointe au Maire de Rouen

Yves Soret, Conseiller municipal et métropolitain Rouen Sileymane Sow, Adjoint au maire de Rouen

Jean-François Timmerman, Conseiller municipal et métropolitain Sotteville lès Rouen Alexis Vernier, Élu municipal de Sotteville-lès-Rouen

Timour Veyri, , Conseiller Municipal à Évreux, Conseiller régional de Normandie

 

Personnalités :

Marie Atinault, Ex vice présidente de la MNR

Karim Ben Hammou, Association Effet de Serre Toi-Même Francis Bia, FNE Normandie

Sébastien Bonay, Association Effet de Serre Toi-Même

Sylvain Brière Comité de défense du triage SNCF de Sotteville-lès-Rouen Christophe Callay, CGT Cheminots Normandie

Thibault Cardon, Collectif les noisettes

Christophe Chomant, Association Effet de Serre toi Même Enora Chopard, Collectif La déroute des routes

Magali Corréia Houel, Association Effet de Serre toi Même Jean Louis Dalibert, Association SOS Gare

Jean Dangu, Solidaires 76

Sébastien Duval, responsable LFI 2ème Circonscription de Seine Maritime. Séraphin Elie Responsable de la FUB Normandie

Nelson EMANE Association SOS Gares Gilles Euzenat, FNE Normandie

Cédric Forcadel, PCF Seine-Eure

Marie-Estelle Gaument, Association SOS gares Joël Gernez, membre de FNE Normandie

Guillaume Grima, Association Effet de Serre toi Même, FNE Normandie

Pascal Hébert, Administrateur National de la Ligue de l'Enseignement délégué à l'Urgence et à la transition écologique

Ambreen Irshad, Association Effet de Serre Toi-Même Claudine Joly, FNE Normandie

Patrick Le Bonniec, SOS Gares

Noëlle Le Maulf, Co-secrétaire de EELV Normandie Christophe Leboulanger, Association Effet de Serre toi Même Christine Leclercq, SOS Gares

Jean Luc Léger, président du CESER Hervé Leroy, Association SOS gares Raoul Leturcq, FNE Normandie

Nathalie Maine, Association Effet de Serre toi Même Armand Mongreville, Association SOS Gares

Sophie Ozanne, Association Non à l’Autoroute Christine Poupin, Coalition Climat

Lydie Rousseau, Association Non à l'Autoroute Alain Rouzies, Association Effet de Serre toi-Même

Malika Sehaki, Association Effet de Serre toi Même, FNE Normandie Catherine Tardif, Association Effet de Serre toi Même

Camille Velghe, Association Effet de Serre toi Même, FNE Normandie Mathieu Villela, Comité de Vigilance Ferroviaire Normandie Bertrand Viot, Association Effet de Serre toi Même

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