[MARGUERITE] Conversation avec les Parrains d’Oléron

Publié le lun 18/07/2022 - 09:00

Habituellement chroniqueuse pour Sans Transition !, Marguerite a pu s’entretenir une nouvelle fois avec les Parrains d’Oléron, deux grands intellectuels dont la parole est aussi rare qu’éclairante. Sujet de conversation : la nature en ville.

Marguerite : Bonjour et bienvenue aux Conversations. Aujourd’hui nous avons l’honneur de recevoir à nouveau deux éminentes figures de la pensée française, Roger Népy et Gaston Bola, plus connus sous le nom des Parrains d’Oléron, bonjour messieurs.

Les Parrains d’Oléron : Bonjour Marguerite.

Marguerite : Vous le savez, la thématique de cet entretien est la nature en ville. À votre sens, s’agit-il d’un oxymore, d’un vœu pieux ?

Gaston Bola : Avant tout, il faut prendre conscience qu’au début, l’homme a bâti des villes dans la nature.

Roger Népy : Faut dire qu’il n’avait pas le choix.

Gaston : Désormais il s’agit de faire venir la nature en ville.

Roger : Pas facile.

Gaston : Mais moins difficile que de détruire les villes et les reconstruire ailleurs que dans la nature.

Marguerite : Merci. En creux, vous semblez dire que la ville est contre nature, n’est-ce pas ?

Gaston : Il faut d’abord se poser les bonnes questions.

Roger : Par exemple, en urbanisant, l’homme cherche-t-il à fuir la nature ?

Gaston : Faire mieux que la nature ?

Roger : L’homme se prend-t-il pour un démiurge ?

Gaston : L’homme perçoit-il la nature comme un obstacle au progrès ?

Roger : Quand on veut vivre en harmonie avec la nature, est-on forcément Amish ?

Marguerite : Vos questions sont biaisées.

Gaston : Ne le prenez pas en mauvaise part, Marguerite. Nous voulons cadrer le débat.

Roger : Nous savons bien que l’urbanisation vise à répondre aux enjeux de proximité et d’efficacité économique.

Gaston : Oui, car qui dit distance dit transport, coût et temps.

Roger : Time is money, comme disait Platon.

Gaston : And transport is pollution, disait Kant… à peu de choses près.

Roger : Le regroupement permet la fluidité des échanges.

Gaston : Par exemple, prenez la pentapole du Mzab en Algérie.

Marguerite : Connais pas.

Gaston : Imaginez une oasis située à environ 600 kilomètres au sud d’Alger, à la porte du plus grand désert du monde.

Roger : Au fil des siècles, cinq villes furent bâties et chacune se spécialisa dans une activité économique. L’irrigation fut mise en place avec une intelligence et une solidarité exemplaires. L’architecture et l’urbanisme étaient adaptées aussi bien à l’environnement qu’à la vie de la population locale.

Gaston : L’architecture du Mzab, dite architecture ibadite, inspira de nombreux architectes, dont Ricardo Bofill, Frank Lloyd Wright et Charles-Edouard Jeanneret-Gris.

Roger : Le Corbusier, pour les intimes.

Gaston : Tous furent séduits par la pentapole, qui influença leurs conceptions urbanistiques.

Roger : L’urbanisation qui épouse la nature.

Gaston : Afin que l’homme vive en harmonie avec elle.

Roger : La ville idéale, c’est la symbiose entre l’homme et la nature.

Gaston : La ville idéale, c’est celle qui se nourrit des bienfaits de la nature sans les surexploiter.

Roger : Par exemple, un arbre absorbe des dizaines et des dizaines de litres d’eau par jour.

Gaston : Alors que le bétonnage et le goudronnage des sols provoquent le ruissellement, qui lui-même provoque des catastrophes.

Roger : La désartificialisation des sols est donc indispensable. Même si elle n’est pas facile à prononcer.

Gaston : Et si vous arrivez à la placer au Scrabble, c’est win-win.

Roger : Elle ouvre le jeu pour les autres, c’est une démarche solidaire.

Gaston : A priori, un arbre peut sembler banal.

Roger : Mais un eucalyptus bien placé sur un mot compte triple…

Marguerite : D’accord, planter des arbres en villes pour absorber l’eau et éviter le ruissellement.

Roger : Au-delà d’absorber l’eau, les arbres font de l’ombre sur les surfaces artificialisées et apportent de la fraîcheur.

Gaston : Grâce à la photosynthèse, ils purifient l’air.

Roger : Moi qui vous parle, je suis devenu asthmatique à cause de la pollution.

Marguerite : Ah bon ? Moi aussi !

Gaston : On se sent moins seul dans l’adversité, ça forme une communauté d’intérêts qui nous permet de progresser.

Roger : Les frais de santé liés à la vie urbaine dépassent le coût de planter des arbres.

Gaston : Les arbres ont également une vertu pédagogique.

Roger : Oui, en ville, nous avons tous déjà vu un enfant montrer du doigt un arbre et demander à son père ou sa mère ce qu’est cet étrange objet.

Gaston : Quelle tristesse.

Roger : Surtout si le parent ne sait pas et doit chercher la réponse sur son téléphone.

Marguerite : Vous exagérez.

Gaston : À peine. C’est ce qui nous attend si on continue à bétonner comme des dingues.

Roger : Quand on pense que c’est en janvier qu’on voit le plus d’arbres en ville, avec tous ces cadavres de sapins qui jonchent les trottoirs.

Gaston : Moi qui vous parle, je n’achète plus de sapin à Noël.

Roger : Dans le Morvan, ils abattent des feuillus pour faire pousser des sapins. On marche sur la tête.

Gaston : D’autant plus que les résineux acidifient le sol.

Roger : Dieu est mort, espérait Nietzche. En fait, il parlait du sapin de Noël.

Marguerite : Revenons à la nature en ville. Que faut-il faire ?

Roger : Désartificialiser les sols.

Gaston : Planter des arbres.

Roger : Végétaliser les toitures.

Gaston :À l’exception des grandes surfaces en périphérie des villes, ces boîtes à chaussures qu’il faut recouvrir de panneaux solaires.

Roger : Créer des jardins partagés.

Gaston : Encourager les mairies à pré-empter, non pas dans le but de bétonner et densifier la population pour se vanter de ne pas augmenter les impôts locaux, mais dans le but de créer des parcs et des jardins partagés.

Roger : Les potagers en ville et dans les écoles ont une vertu pédagogique.

Gaston : Oui, nous avons tous déjà vu un enfant montrer du doigt une carotte et demander à son père ou sa mère ce qu’est cet étrange objet.

Roger : Quelle tristesse.

Gaston : Surtout si le parent ne sait pas et doit…

Marguerite : D’accord, la nature en ville comme outil pédagogique omniprésent.

Roger : Banaliser la nature.

Gaston : En montrant que ce que l’homme construit n’est pas forcément propice à la vie bonne.

Roger : La vie bonne, fondement même de la philosophie, la quête de la maîtrise de notre vie.

Gaston : La vie bonne, étouffée par le consumérisme.

Roger : Le pétrole aura duré 150 ans. Faisons en sorte que le consumérisme dure moins longtemps.

Gaston : La vie bonne exige la symbiose avec la nature.

Roger : D’où l’importance d’importer la nature en ville.

Gaston : La nature en ville interpelle, force le questionnement et aiguise l’esprit critique.

Roger : Développer dès le plus jeune âge le goût de la symbiose avec la nature, en montrant la voie de la sagesse.

Marguerite : Quelles sont les autres contributions de la nature en ville ?

Roger : L’agora, la rencontre entre les citoyens dehors.

Gaston : Faut-il continuer à avoir des espaces bétonnés que les gens délaissent pour aller se mettre devant un écran, chacun chez soi ?

Roger : Ou bien des espaces verts accueillants que les gens prennent plaisir à fréquenter ensemble ?

Gaston : Des dalles de béton, ou des jardins ?

Roger : Il en va aussi de la biodiversité. Qui dit nature en ville dit insectes, oiseaux, vers de terre et tutti quanti.

Gaston : Moi, j’ai voulu expliquer ça à mon maire quand je l’ai croisé dans la rue, mais son téléphone a sonné, c’était son ami promoteur immobilier.

Roger : De plus, la nature fait revenir le jeu dans la cité. À commencer par les enfants.

Gaston : Le jeu comme ciment entre les gens.

Roger : Le meilleur ciment qui soit.

Marguerite : En synthèse, quels sont les bienfaits de la nature en ville ?

Roger : Au-delà des bienfaits évidents en matière de santé physique et mentale, la nature dans la cité exprime au quotidien ce qui est essentiel, vital.

Gaston : La vie bonne, voilà le progrès véritable.


 

Marguerite : Belle conclusion. Mesdames et Messieurs, ainsi s’achève notre Conversation avec les Parrains d‘Oléron. Merci et à bientôt !
 

Les Parrains d’Oléron : Vive la transition écologique et solidaire !

 

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