[ NATURISME ] Au cœur de l'Auvergne, « tout nu et tout bronzé » ?

Publié le mar 23/07/2019 - 09:00

Par Sonia Reyne

Pourquoi vivre nu en vacances : envie de liberté, de confort, ou militantisme écolo, égalitarisme social ? Loin des plages de sable fin, au cœur de l'Auvergne, certains choisissent simplement de vivre leur relation à la nature et aux autres en totale congruence.

Ils sont trois,  Marc, Pascale et Michèle, membres du bureau, habillés de pied en cap, en cette fin d'après-midi sur les hauteurs de Clermont-Ferrand, au cœur de l'Auvergne. Au mois de mai, la température n'est pas très clémente dans le massif central. A 800 mètres d'altitude, le camping la Serre de Portelas offre un panorama exceptionnel sur la vallée de la Monne, le Forez, le Livradois et les monts du Sancy. Les membres de l'association propriétaire du camping profitent du week-end pour faire une pause naturiste. Certains sont habillés, d'autres portent uniquement un tee-shirt et des chaussures, quelques rares sont en peignoir au sortir de la douche.

Voilà 56 ans, un groupe de naturistes clermontois achetait ici un bout de terrain pour pouvoir vivre nu dans la nature, tranquillement. « Très rapidement, ils se sont structurés en association » précise Marc, son président. La philosophie de ces quelques fondateurs est claire. « Ils avaient envie de vivre en harmonie avec la nature, dans le respect de soi-même et des autres », ajoute Marc. Pascale et Michèle renchérissent sur cette vision commune du naturisme. « C'est une philosophie qui permet de partager un moment de nos vie, sur ce terrain de camping, en total accord avec nos valeurs. Cela concerne la nudité partagée, mais pas uniquement » précise Pascal, trésorier de l'association. « Nus, nous sommes tous pareils » renchérit Michèle, chargée de l'accueil au camping. « Les barrières sociales, l'âge, le handicap ne sont pas vécus de la même façon qu'à l'extérieur. Le regard ici est clément sur chacun ». Tous s'accordent sur le fait que le corps n'est plus l'objet d'une norme sociale, comme c'est le cas dans le reste de la société.

« Heureux comme des rois »

Et on s’y sent tellement bien que si les fondateurs du camping sont encore adhérents, leurs enfants et leurs petits-enfants le sont également. Ainsi, depuis sa création, le camping s'est étendu. Aujourd'hui, les 15 ha et 175 emplacements - « dont 40 pour les vacanciers de passage » précise Michèle -, abritent une piscine chauffée, un solarium, l'équipement d'un camping traditionnel et occupent un salarié. Le camping accueille majoritairement des naturistes clermontois adhérents de l'association. « La plupart des travaux, des aménagements et des animations reposent sur le bénévolat » souligne Marc. Avec 230 adhérents clermontois, la Serre de Portelas n'est jamais à court de bras.  « Pour les journées de travaux, j'enregistre toujours un excellent taux de participation des adhérents. Les sanitaires ont été rénovés et nous avons récemment investi dans une station d'épuration écologique », se réjouit le président.

L'heure de l'apéritif au camping les Manoques. Photo : camping les Manoques

La plupart des adhérents sont Clermontois, mais pour la plupart ils ont expérimenté ailleurs avant de découvrir l'association. Les pratiquants découvrent souvent le naturisme en vacances. Pascal se souvient l'avoir expérimenté sur la plage, en été : « Nous pratiquions tous les étés avec ma compagne. Un jour, je lui ai dit que nous allions tenter le coup à Clermont-Ferrand, là où nous vivions. Nous nous sommes arrêtés ici et je me suis tout de suite senti à l'aise ». Marc était adepte du naturisme sur la plage lui aussi, au bord de la mer ou d'un lac auvergnat, avant de découvrir l'association. Quant à Michèle, elle fréquente le terrain depuis la naissance de son premier enfant : « Lorsque mon mari a été muté ici, nous ne connaissions personne. Le terrain, le rapport à la nature ont tout de suite été très importants, très forts, pour nous. Nous habitions en appartement. Alors pouvoir monter en 15 mn à la campagne, pouvoir vivre en liberté, dehors, c'était formidable ! Et nos enfants, ils étaient heureux comme des rois ici ! ».

« Les naturistes ne sont pas dans la démarche de choquer ou d'imposer leur pratique », Marc, un naturiste

L'aménagement du camping en fait effectivement un formidable terrain de jeux et d'exploration pour les petits. En revanche, « Les ados sont un peu plus réticents à la nudité. Ils se retrouvent souvent en groupe devant ou dans la bibliothèque du camping » constate Marc. Les aires de jeux, la piscine et la pataugeoire, jouissent d'une vue exceptionnelle sur le paysage. « C'est le paradis pour les enfants et nous sommes très vigilants avec eux. Tout le monde garde un œil sur leur sécurité. Nous avons déjà raccompagné à la porte du camping des adultes pour lesquels nous avions un soupçon de voyeurisme. Je préfère mettre quelqu'un dehors à tort plutôt que de prendre un risque pour les familles », assume le président du camping. « Beaucoup de nos adhérents sont grands-parents et lorsqu'ils viennent passer du temps ici avec leurs petits-enfants, nous demandons une autorisation écrite des parents », complète Michèle.

Un court de tennis cohabite avec des terrains de boules, un terrain de volley, des tables de ping-pong, un pas de tir à l'arc, « une activité particulièrement bien adapté au naturisme », commente Marc : « Cette année, deux de nos adhérents proposent aussi une initiation à la taille sur pierre de Volvic ». Des sentiers de promenade à l'intérieur du terrain permettent de marcher dans la prairie ou en sous-bois. Certains randonnent aussi hors du camping. « Ils partent nus, en groupe. Ils marchent aux heures de moindre fréquentation et lorsqu'ils croisent d'autres personnes, ils se couvrent avec des vêtements rapides à enfiler. Nous n'avons jamais eu d'incidents. Les naturistes ne sont pas dans la démarche de choquer ou d'imposer leur pratique » précise Marc.

Le plaisir de nager nu

Dans le camping, en revanche, la nudité est une condition, partie intégrante de la pratique du naturisme et de la rencontre avec l'autre. « C'est du bon sens », remarque Pascal.  « Et lorsqu'il fait froid, nous nous couvrons bien entendu ! », ajoute-t-il. Le seul endroit où le vêtement n'est toléré pour personne, c'est la piscine. « Ça fait bien 40 ans que je n'ai pas acheté de maillot de bain » s'amuse une habituée. « Et moi je préfère ne pas me baigner plutôt que d'enfiler un maillot », renchérit Michèle. « Après avoir goûté le plaisir de nager nu, personne n'a envie de se rhabiller. Parfois, j'irais bien à la piscine en ville, mais l'idée d'enfiler un maillot de bain me fait hésiter », confirme Marc. Tous s'accordent à dire combien ils apprécient le vent sur la peau, la sensation de la chaleur du soleil, les éléments. Un contact sensoriel avec la nature qui se vit aussi dans le rapport au végétal.

A l'orée du camping, la tisanerie donne ainsi sur le « Jardin des sens » : un petit jardin paysagé d'herbes aromatiques et médicinales pour représenter le logo de l'association : un soleil et ses rayons. Quelques adhérents l'entretiennent. « Nous sommes dans une démarche de respect de la nature que nous voulons vivre dans tous les domaines. Le camping est entretenu sans pesticides et nous réfléchissons aux économies d'énergie possibles. C'est une démarche de développement durable », explique Pascal. « Le dépôt de pain et les produits locaux s'inscrivent aussi dans la démarche d'achats raisonnés, en circuit court. Les vins viennent d'ici, comme la bière proposée à la buvette bar. A terme, nous espérons pouvoir fonctionner aussi avec la Doume, la monnaie locale ». Un engagement tous azimuts.

 

Plus d'infos :

https://laserredeportelas.com/fr/presentation/

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !