Michèle Rivasi : « Les autorités essayent de taire le risque nucléaire »

Publié le ven 21/10/2016 - 13:35

La députée européenne Michèle Rivasi est qualifiée pour le second tour des primaires d'Europe Écologie les Verts. Nous l'avions rencontré en 2014 pour parler de la question du nucléaire, qu'elle connaît bien. Un sujet plus que jamais d'actualité, à l'heure où EDF a décidé d'étaler la fermeture de 5 de ses réacteurs, jusqu'à fin janvier...

Michèle Rivasi est la fondatrice de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), créée en 1986, après la catastrophe de Tchernobyl. Elle préside Nuclear Transparency Watch, une ONG européenne, visant à prévenir le risque nucléaire par la transparence et la participation publique. Députée européenne EELV, cette militante est très active dans la lutte contre le nucléaire.

Vous affirmez que la sécurité sanitaire lié au nucléaire civile n’est pas suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics. Pourquoi ?

Les rejets radioactifs liquides et gazeux des centrales nucléaires posent problème, même sans accident. En 2008, la centrale du Tricastin (26) a par exemple rejeté accidentellement 75 kilogrammes d’uranium (sous forme liquide) qui se sont répandus dans les cours d’eau. Des arrêtés préfectoraux avaient été pris pour interdire l’usage de l’eau, la baignade, les activités nautique, la pêche et l’irrigation dans le secteur de Bollène. Au cours de l’enquête effectuée, on a d’ailleurs pu découvrir que la nappe phréatique avait été contaminée avant même cet accident ! En 1980, un autre accident à Saint-Laurentdes- Eaux a abouti au rejet de plutonium dans la Loire. Le cas de l’usine de la Hague est aussi emblématique. On y rejette au large, dans la Manche, des quantités phénoménales d’éléments radioactifs. Il faut arrêter de croire que les dangers sanitaires n’existent qu’après un accident nucléaire. Le danger n’est pas la seule irradiation mais aussi la contamination à faibles doses, par ingestion via la chaîne alimentaire, et par inhalation.

Les salariés du nucléaire seraient donc les premiers à être exposés à un risque de contamination ?

Les salariés sont exposés à des risques de contamination au quotidien : en 2008 au Tricastin encore, lors d’une opération de maintenance, des substances radioactives se sont échappées, contaminant « légèrement » une centaine de salariés sur le site. Les sous-traitants, aussi appelés « viande à becquerels », sont les plus exposés : l’industrie nucléaire a d’ailleurs recours à leurs services et non aux salariés d’EDF car ils n’ont pas les mêmes moyens (syndicats) pour se défendre face à EDF. On considère en temps normal que l’exposition de la population à la radioactivité doit être inférieure à 1 millisievert/an, les salariés du nucléaire ont des normes 20 fois supérieures (20 mSv / an). Lorsqu’ils effectuent leurs missions de maintenance, les 22 000 sous-traitants français sont suivis grâce à un dosimètre individuel et personnel qu’ils doivent porter pour vérifier qu’ils ne dépassent pas les doses admissibles. Mais avec des indemnités journalières de 60 euros, certains sont tentés de laisser leur dosimètre au vestiaire ou de l’isoler avec du plomb, pour pouvoir travailler plus et ne pas dépasser leur dose annuelle admissible trop rapidement.

Et l’accident ? Est-ce un risque à prendre en compte en France ?

Nous avons la plus grande concentration de réacteurs nucléaires par habitant au monde, nous sommes donc particulièrement exposés à un accident. Certaines centrales sont situées dans des zones à risques (inondations, séismes, la conjugaison des deux pouvant mener à un événement de type Fukushima). En 1999, la tempête Martin et les grandes marées ont provoqué des vagues qui ont dépassé les digues de protection de la centrale du Blayais (Gironde). Les secours n’avaient pas accès au site à cause des inondations, nous avons évité le pire de peu. 16 réacteurs français sont menacés par ce type d’inondation en cas de forte tempête. Et il ne faut pas oublier les risques de séisme ou des actes terroristes qui pourraient très bien avoir les mêmes conséquences.

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