[INTERVIEW] Daniel Chateigner « La méthanisation n'est pas une bonne méthode pour changer notre schéma énergétique »

Publié le lun 20/09/2021 - 14:00

Propos recueillis par Christophe Pelaprat

Daniel Chateigner, professeur de physique à l'Université de Caen Normandie, coordonne le Collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CSNM). Il explique pourquoi, à ses yeux, le modèle de méthanisation promu en France génère plus de risques que de bénéfices.

Pourquoi la méthanisation tant vantée par les pouvoirs publics n'est pas un procédé si vertueux ?

La méthanisation produit 90 % de digestat, c'est-à-dire de déchets. Il reste 10% de gaz divers et variés, dont 6% de méthane, utilisé comme source d'énergie, mais aussi 4% de CO2. La méthanisation reste une méthode carbonée et l'idée qu'elle contribue à la neutralité carbone est fausse. D'autant plus que des fuites de méthane sont avérées : il suffit d'1% pour annuler le bénéfice du bilan carbone de ce procédé, ce gaz ayant un potentiel de réchauffement global 25 fois plus puissant que le CO2.

Comme l'a compris l'Allemagne dès 2017, c'est une erreur de croire que la méthanisation contribuera à changer notre schéma énergétique.

Cela permet pourtant de produire une énergie renouvelable...

Issue de la biomasse, la méthanisation offre un faible taux de retour énergétique (l'énergie utilisable rapportée à la quantité d'énergie dépensée pour l'obtenir, NDLR) inférieur à 3 quand l'éolien ou le photovoltaïque atteindront 20. Aujourd'hui, il existe un peu plus de 1 000 méthaniseurs en France : ils produisent l'équivalent d'un vieux réacteur nucléaire et ne représentent que 0,18 % du mix énergétique. La prospective de 10 000 méthaniseurs en 2050 impliquerait d'en implanter un tous les quatre kilomètres, mais pour quelle énergie ? Il faudrait 34 000 installations pour que la méthanisation arrive à remplacer le gaz naturel.

Ce faible rendement ne justifie pas les moyens publics qui sont alloués. La moyenne des subventions attribuées à la construction d'un méthaniseur est de l'ordre de 640 000 €, et le rachat du gaz à un tarif très généreux jusqu'à 10 milliards chaque année. Très peu d'emplois sont aussi créés.

Je suis d'accord d'attribuer de telles sommes, mais à condition de supprimer le pétrole et le nucléaire, et d'améliorer la vie des agriculteurs, ce qui n'est pas le cas.

Que pourrait être pour vous une « bonne » méthanisation ?

Ce procédé doit rester raisonnable, à petit niveau. Si on a de « vrais » déchets, utilisons-les en circuit court pour produire une énergie de proximité. Mais si l'objectif est purement énergétique, on va vers une course en avant avec une perte des sols et des conséquences sur l'eau.

Le CSNM n'est pas contre une méthanisation raisonnée, il conteste celle qui se développe aujourd'hui, que nous jugeons dangereuse.

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