[DOSSIER] Plastique dans les océans : la coupe est pleine

Publié le lun 10/05/2021 - 12:43

Par Marie Albessard et Élodie Horn

La pollution plastique gangrène la planète. Principale victime : les océans, qui concentrent 80 % des déchets plastiques du globe. Avec des conséquences sur la faune, l’environnement et probablement l’Homme. Les scientifiques sont formels : puisqu’on ne peut plus agir sur la pollution passée, il faut limiter celle à venir.

Le 10 février, François Galgani a douché les espoirs des plus optimistes : « Il n’est plus possible de nettoyer les océans». L’océanographe de l’Ifremer et ses confrères du groupement de recherche « Polymères et océans » sont formels. Il y a trop de plastique, en trop petites particules, trop disséminé le long de la colonne d’eau jusqu’au fond des océans. « Tant qu’on se voile la face en attendant des miracles technologiques sans remettre en question notre mode de vie, de production et de consommation, on n’ira pas loin», réagit Nelly Pons, autrice d’Océan plastique(1). Seule exception relevée par les chercheurs : les filets de pêche “fantômes” abandonnés ou perdus en mer - 640 000 tonnes chaque année - qui peuvent être réutilisés et recyclés.

Selon François Galgani, le milieu océanique concentre 80 % des déchets plastiques mondiaux. 10 millions de tonnes arrivent chaque année en mer dont « 30 à 40 % d’emballages». Le plastique forme une pollution visible sur nos plages, à la surface, formant ces gyres océaniques (zones d’accumulations dues aux courants marins). Mais ce n’est qu’1 % du plastique, 99 % étant fragmenté, dispersé en microplastiques (-5mm) et nano plastiques (-0,01mm). Invisible à l’œil nu, présent partout… même dans les glaces de l’Arctique.

400 millions de tonnes de plastique par an

Notre production de plastique a été exponentielle depuis 70 ans. Et sa qualité première - sa durabilité - nous revient en pleine face. « C’est incroyable la manière dont on a utilisé un matériau aux qualités durables pour faire du jetable !s’insurge Nelly Pons. Cette pollution n’est pas qu’une question de macro-déchets mal gérés. Une grande partie du plastique pénètre dans l’environnement sous forme de microplastiques (fibres textiles, abrasion des pneus…). » Les conséquences sont nombreuses, surtout en Méditerranée, mer la plus polluée au monde : menaces sur la vie marine, l’écosystème, impact économique (pêche)… Et si l’on connaît peu l’impact sur la santé, au moins sait-on que l’on en consomme chaque année 50 000 particules via l’air, les produits de la mer et l’eau en bouteille.

Il est urgent de limiter les entrées dans l’océan, en diminuant notre consommation de plastique : 400 millions de tonnes par an dans le monde. C’est la direction prise par les politiques européennes et françaises. Mais face à l’urgence de la situation, l’interdiction du plastique à usage unique d’ici 2040 paraît bien loin ! Et l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025, utopique pour Nelly Pons : « Les industriels disent qu’il faut 10 ans pour développer la technologie et on n’a pas de filière économique ! Pour traiter nos propres déchets plastiques, il faudrait construire une usine chaque mois pendant 5 ans !» Seule piste : améliorer la prise en charge de la fin de vie du plastique et penser la fin d’usage d’un matériau dès sa naissance. « Nous avons besoin d’un élan du triptyque citoyen, politique et industriel,estime l’autrice. Mais tout n’est pas entre les mains des citoyens ; il faudrait que les politiques aient de l’audace sur ce sujet.»

(1) Dans Océan plastique, enquête sur une pollution globale, Actes Sud, Nelly Pons livre une étude de 3 ans sur cette pollution, ses causes, conséquences et solutions pour limiter notre impact.

 

Le continent plastique

Le « septième continent » de plastique désigne en réalité plusieurs étendues de déchets agglutinés en plusieurs endroits de la planète : océan Indien, Pacifique (dans le nord et au sud) et océan Atlantique (nord et sud). L'une d'elles, située au nord-est de l'océan Pacifique, s'étend sur 1,6 millions de km2, (soit 3 fois la France), pour un poids total de 80 000 tonnes. Cette décharge flottante qui ne cesse de croître se compose de déchets en tout genre (filets de pêche, bouteilles, etc) et de milliards de microplastiques inférieurs à 5 mm (résultat de la fragmentation des matériaux) qui comportent une partie en surface et une partie immergée, jusqu'à 30 m de profondeur, invisibles à l’œil nu... et donc quasi impossibles à repêcher.

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