[DOSSIER 5G] : Les normes anormales de l'Icnirp

Publié le jeu 22/10/2020 - 07:50

crédit : Pixabay. Une antenne relais de 5G

Par N.B

« Nous respectons toutes les normes. » Telle est, en substance, la réponse de l'industrie lorsque lui est posée la question des risques sanitaires liés aux ondes électromagnétiques. 

Ces normes sont les suivantes : 41 Volts par mètre (V/m) pour les fréquences de 900 mégaHertz (MHz), 58 V/m pour les fréquences de 1800 MHz, et 61 V/m pour les fréquences de 2100 MHz. Et effectivement, l'industrie ne les dépasse jamais, pour une raison simple : « C’est un peu comme si je vous disais qu’il faut éviter de conduire à plus de 800 km/h : on est toujours en dessous de la limite », résume Étienne Cendrier, ex porte-parole de l'association Robin des toits. Mais alors, à quoi servent ces normes ? Pour le comprendre, il faut lire le rapport rédigé par l'Icnirp, l'ONG à l'origine de ces seuils. En préambule, cet organisme privé indique que « ce guide n'est fondé que sur des effets immédiats sur la santé, tels la stimulation des muscles ou des nerfs périphériques, les chocs ou les brûlures (…), ou encore l'élévation de température des tissus ».

Les effets sur le long terme (cancer, maladie d'Alzheimer, leucémie…) ne sont donc absolument pas pris en compte. Or, des études semblent montrer des effets cancérogènes, par exemple celles du NTP – principale agence sanitaire états-unienne – et de l'institut Ramazzini – un organisme de recherche sur le cancer. Pour ce dernier, « ces études expérimentales fournissent des preuves suffisantes pour appeler à la réévaluation des conclusions du Circ (Centre international de recherche contre le cancer) ». Classées en catégorie 2B (« potentiellement cancérogènes ») par ce dernier, les ondes électromagnétiques pourraient ainsi passer dans le groupe 2A « probablement cancérogènes », voire dans le groupe 1, « cancérogènes », dans le cas d’une réévaluation.

Comme le révèle un rapport publié en juin par les eurodéputés Klaus Buchner et Michèle Rivasi, intitulé « Conflits d'intérêts, 5G et capture réglementaire », les experts de l'Icnirp entretiennent la plupart du temps des liens étroits avec l'industrie du sans-fil, ce qui pourrait expliquer que les normes soient si permissives. Selon Dariusz Leszczynski, un chercheur cité dans ce rapport, l'Icnirp serait finalement une sorte de « club privé », une ONG « qui se perpétue et s'autopromeut et qui n'est pas du tout responsable de ses actions. Personne ne la contrôle. Personne ne la supervise. Personne ne vérifie s'il y a des conflits d'intérêts. » Bref : tout sauf indépendante.

 

 

Voyage en smart-city

La smart-city (« ville intelligente ») est présentée comme une ville modèle, plus efficace, plus propre, plus agréable, plus écologique. Le fonctionnement de cette citée du futur repose sur la collecte permanente de données et leur analyse en temps réel. Les réseaux (d'eau, d'électricité, de gaz, mais aussi routier ou ferroviaire) seraient par exemple examinés et leur fonctionnement « maximisé » grâce à des algorithmes. Mais ce contrôle ne s'arrête pas là. Car, comme le propose Jeremy Rifkin, l'un des grands promoteurs de la smart-city, « tous les engins, les appareils, les machines et les dispositifs vont être équipés de capteurs qui vont relier chaque “objet” à chaque individu, en un vaste réseau numérique neural »[1]. Ainsi, ce ne sont plus uniquement nos smartphones qui seraient connectés en permanence, mais l'ensemble de ce qui nous entoure : les voitures (autonomes), les montres, les radiateurs, les grille-pains, les oreillers… Dès lors, ces objets envoyant en permanence des informations à l'Internet des objets (IdO), le risque est que nos vies personnelles n’aient plus aucun secret pour l'industrie ! Ce qui pose de sérieuses questions quant à la protection des données personnelles et la défense des libertés.

De même, la smart-city est équipée de milliers de caméras de vidéosurveillance, dont la technologie permet désormais la reconnaissance faciale. C'est ce qui offre la possibilité à la Chine, pays le plus avancé dans le développement de la 5G et de la smart-city, d'attribuer une note sociale à chaque citoyen·ne : si un Pékinois jette un papier par terre, par exemple, il risque d'avoir été filmé. Son visage est alors automatiquement analysé puis associé à sa carte d'identité, et sa note sociale se voit dégradée. En dessous d'une certaine note, il n'a plus accès aux transports en commun ou aux prêts bancaires. Impensable, dans un pays comme la France ? Le maire de Nice mène déjà des expérimentations de reconnaissance faciale dans sa ville, sur la Promenade des Anglais. Quant à l'ex-ministre de l'intérieur Christophe Castaner, il a estimé qu'il ne fallait « pas avoir de pudeurs de gazelle » sur ce sujet. C’est clair ?

Plus d’infos :

Lire notre dossier complet sur les dérives des smarts cities et de la vidéo surveillance dans Sans transition ! n°22, et n°13 et sur www.sans-transition-magazine.info


[1]Jeremy Rifkin, Le New Deal vert mondial, Paris, Les liens qui libèrent, 2019.

 

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