[INTERVIEW] « Les gens auront faim en France ! »

Publié le lun 06/07/2020 - 13:00

Crédit photo : Virginie Jourdan

Propos recueillis par Elodie Crézé

Ghislain Nicaise est biologiste à la retraite et secrétaire de Terre de Liens Paca. Pour lui, l’accaparement des terres agricoles posera inéluctablement un problème de sécurité alimentaire en France.

 

Pourquoi faut-il lutter contre ce phénomène ?
L’accaparement des terres agricoles par de grosses exploitations pose un problème d’équilibre écologique, de destruction des sols, notamment par les pesticides, et de celle de la biodiversité. L’agriculture industrielle utilise les sols comme s’il s’agissait d’un bien non renouvelable. Les conséquences sont massives : on assiste à une érosion continue avec la bonne terre qui ravine dans les fleuves et la mer. On assiste également à un problème d’artificialisation des terres agricoles. Exemple phare dans la basse vallée du Var, l’une des régions les plus fertiles d’Europe, on installe des grandes surfaces commerciales, des clubs hippiques ou des mini-golfs, on entasse des pneus... On détruit toute résilience alimentaire possible.

Quelles sont les conséquences sur l’alimentation des Français?
Elles sont dramatiques puisque de manière inéluctable, nous allons manquer de terres agricoles : les gens vont avoir faim en France ! Et nous allons devoir augmenter nos importations. Quant au réchauffement climatique, il suffirait que les sols puissent absorber 0,4 % de carbone en plus par an pour résorber le surplus résultant de l’utilisation des combustibles fossiles. Pour rattraper ce chiffre, il faudrait abandonner l’agriculture productiviste et stopper l’artificialisation des terres. Nous n’en prenons pas le chemin, d’après le ministère de l’Environnement, les espaces agricoles et naturels perdent actuellement 236 hectares par jour, ce qui correspond à la superficie d’un département français moyen (610 000 hectares) tous les sept ans.

Selon vous, les politiciens prennent-ils le problème au sérieux ?
Sur cette question, ils semblent incompétents. Exception faite des édiles de quelques communes, qui sont des îlots de résistance, comme Damien Carême, le maire de Grande-Synthe (59) ou Pierre Leroy, le maire de Puy-St-André (05). Pour accompagner l’effondrement probable à venir, il faudrait changer l’agriculture de fond en comble ! Les déclarations des politiques laissent croire à une prise de conscience, mais les faits ne suivent pas. Par exemple, les subventions de la PAC sont rapportées à la surface cultivée et soutiennent ainsi en majorité les grandes exploitations agro-industrielles. Depuis le lyrique « la Maison brûle » de Jacques Chirac, les déclarations vertueuses se sont succédé mais rien n’a vraiment été fait pour éteindre l’incendie.

 

Plus d’infos 

http://www.natura-sciences.com/environnement/lartificialisation-des-sol…

 

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