[TRANSPORT] Les Hautes-Alpes sur les rails de l’écomobilité

Publié le mar 25/05/2021 - 08:56

© Quentin Zinzius

Par Quentin Zinzius

Fréquemment engorgées, les routes du département des Hautes-Alpes posent de nombreux soucis aux habitants et touristes venus visiter la région. Pour pallier le problème, un collectif d’habitants propose aux politiques locaux de développer les écomobilités, en particulier le train.

 

C’est un début de semaine chargé, ce mardi 23 mars, sur les routes des Hautes-Alpes. Entre les trajets quotidiens des travailleurs et l’arrivée des premiers touristes avec les beaux jours, les petites routes de montagne du département se retrouvent très vite saturées. Depuis la camionnette d’Alexandra Pourroy, la route parait interminable pour rejoindre Savines, pourtant située à moins de 30 kilomètres de Gap. « Le pont de Savines, au-dessus du lac de Serre-Ponçon, décrit-elle, est le passage principal pour traverser les Hautes-Alpes […] C’est un véritable goulot d’étranglement, il est fréquent d’y voir des bouchons de plusieurs kilomètres ». Une réalité connue depuis longtemps sur le territoire. « Il existe une solution toute simple », estime pourtant Alexandra.

Un train d’avance

Cette idée, elle est portée par le collectif Mobil’ Hautes-Alpes, créé fin 2020 : développer les écomobilités. A l’origine de ce collectif, plusieurs habitants et membres de la CGT, notamment des cheminots, soucieux de voir se développer des moyens de transports plus écologiques sur leur territoire. « Notre but principal, c’est de réduire les trajets en voiture pour les habitants », explique Alexandra, qui est en charge de la communication du collectif. En effet, plus de 75% des trajets pour se rendre au travail sont effectués en voiture dans le département, selon une étude de l’Insee de 2017 [1]. Parmi les moyens évoqués, se trouvent notamment le vélo, le covoiturage, mais aussi et surtout : le train. « On a déjà identifié quatre gares sur le territoire qui ne sont pas desservies, alors que la ligne est empruntée plusieurs fois par jour par les trains », reprend la jeune femme. Des gares, qui pourraient être utilisées comme haltes sur le trajet, préconise le collectif, pour prendre et déposer des voyageurs aux heures stratégiques sans nécessité de personnel supplémentaire sur place.

Un point stratégique

Parmi les quatre gares au cœur du projet du collectif, se trouve celle de Savines. Sur le trajet, la musique d’un hochet, suspendu entre le siège conducteur et passager, résonne dans l’habitacle. De quoi occuper la fille d’Alexandra, qui ne le quitte pas des yeux. « Elle est avec moi en permanence, à chaque réunion. Elle est la mascotte du collectif ! », se réjouit sa mère. « Son premier mot sera sûrement « mobilité » », ironise-t-elle. Mais avant que sorte ce premier mot savant, la camionnette arrive en gare. Située en face du lac de Serre-Ponçon, elle possède de nombreux atouts, à la fois pour permettre aux habitants de rejoindre Gap en moins de 30 minutes, mais également d’un point de vue technique : cette gare est l’un des rares endroits où la ligne est en double voie, ce qui permet de faire se croiser les trains et donc d’augmenter le cadencement. Un cadencement qui fait justement défaut : « A l’heure actuelle, les horaires de train ne correspondent pas aux horaires de bureau […] Il faudrait deux trains en plus chaque jour », complète la chargée de communication. Une volonté que partage la mairie de Savines. « C’est un projet que je porte personnellement depuis longtemps, il faut que le train reprenne sa fonction initiale de service à la population » estime le maire Victor Berenguel. Le service manque également cruellement aux personnes âgées, qui représentent près de 11% de la population du département, selon l’Insee, et qui ne possèdent parfois pas de voitures. « Aujourd’hui, quand une personne âgée ou à mobilité réduite veut rejoindre l’hôpital le plus proche, elle doit systématiquement recourir à des taxis ou VSL [Véhicules Sanitaires Légers, NDLR], ce qui représente un coût non négligeable pour la collectivité », explique Alexandra. Mais l’ouverture de ces haltes ne servirait pas seulement aux locaux : les touristes aussi, qui arrivent en masse autour du lac en été, pourront en profiter. Avec plus d’un milliard d’euros de retombées économiques sur le département, le tourisme constitue d’ailleurs sa principale source de revenue [2]. « Avec une halte à Savines, on limitera l’afflux de voitures autour du lac et le besoin de places pour se garer », justifie à ce sujet la membre du collectif.

Des haltes multimodales

La camionnette reprend la route pour rejoindre la Bâtie-Neuve, autre point important du projet de Mobil’ Hautes-Alpes, située à 10min en voiture. Ici, la commune a déjà racheté la plupart des terrains abandonnés autour de la gare pour y aménager un parking avec une aire de covoiturage et une consigne à vélos. « Le maire est très proactif, ce projet lui tient à cœur », ajoute Alexandra. Ici, la création d’une halte permettrait notamment de remplacer les trajets scolaires qui desservent l’école et le collège du village, jusque-là effectués en bus. « Le ferroviaire a aussi l’avantage d’être plus sécuritaire, plus rapide, et plus écologique », justifie la jeune mère de famille. Mais hors de question de faire disparaître les bus pour autant. « L’idée, c’est de les redéployer, en complément du train, notamment pour desservir les villages où une halte ferroviaire n’est pas envisageable », précise-t-elle. En plus de réduire le trafic, le collectif espère que ces mesures feront naître une tout autre dynamique autour des haltes : « On espère voir se développer de nouveaux lieux de vie sociale, qui peuvent se compléter avec l’ouverture d’autres services, comme un café, une épicerie, ou une recyclerie », explique encore Alexandra. Un concept qui a déjà vu le jour à Veynes, principal nœud ferroviaire de la région, où une recyclerie, un magasin de produits locaux et une boulangerie, ont été créé en lieu et place de l’ancien buffet de la gare. La jeune femme s’y voit déjà : « Reproduire la même chose ici, dans des petits villages, transformerait ces gares en véritables lieux de vie collectifs ».

« C’est maintenant ou jamais ! »

Mais pour le que le projet voit le jour, il faut convaincre tous les partis concernés. Pour cela, le collectif organise fréquemment des débats sur le territoire. « C’est le premier étage de la fusée, explique Alexandra, il faut réussir à réunir les élus locaux, les habitants, mais aussi les acteurs économiques qui pourraient participer au projet. Notre mission, c’est de coordonner tout ce petit monde ! » Après avoir rencontré la plupart des maires et élus locaux, et obtenu le soutien des habitants, le collectif doit maintenant passer à la vitesse supérieure, et rencontrer la SNCF. « 2021 est une année cruciale pour nous, reprend Alexandra, puisque l’étoile ferroviaire de Veynes est en travaux. » Un chantier qui engendre la fermeture temporaire de certaines lignes, et donc une opportunité pour réaliser les travaux nécessaires à l’ouverture des haltes, notamment la réhabilitation des quais. Contacté par Sans transition ! la SNCF n'a pas donné suite à nos sollicitations. Mais pour le collectif, le temps est venu de passer à l’action : « C’est maintenant ou jamais : il faut faire de notre département un moteur de la transition écologique ! » lance la chargée de communication. Pour elle, pas de doute, il faut prendre le train en marche !

Plus d’infos

[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=DEP-05#chiffre-cle-5

[2] http://www.hautes-alpes.gouv.fr/quelques-chiffres-cles-a2052.html

 

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