[INTERVIEW] Nicolas Cornet : « L’absence de lumière nous renvoie à nos peurs d’enfant »

Publié le lun 19/07/2021 - 11:41
Nicolas Cornet, écologue. © Institut Paris Région.

Propos recueillis par Catherine Stern

Un arrêté du 27 décembre 2018 précise les dispositions relatives à la limitation des nuisances lumineuses, mettant enfin en œuvre une loi de 2010. L’Institut Paris Région s’est saisi de cette question et a lancé une enquête sur le principal frein à l’extinction des éclairages : le sentiment d’insécurité. Nicolas Cornet, écologue à l’institut Paris Région, nous en parle.

L’Institut Paris Région a lancé une enquête sur l’éclairage urbain intitulée « qui a peur du noir ? » Quels en sont les objectifs ?

L’idée est de percevoir comment se sentent les personnes dans un contexte de diminution ou d’extinction de l’éclairage. Nous menons cette enquête parce que, lors du déploiement des trames noires (1), il peut y avoir des levées de boucliers par rapport au sentiment d’insécurité qui serait induit par la diminution de la lumière. Or il existe une différence entre sentiment d’insécurité et insécurité réelle, un axe peu documenté par les études scientifiques. Nous voulons vérifier s’il y a réellement un sentiment d’insécurité qui naît du manque de lumière, s’il y a des facteurs d’âge, de sexe, de classe sociale ou de niveau d’acculturation à la thématique. Tout ceci afin de nous aider à combiner le confort avec tous les enjeux liés à l’éclairage urbain : mise en valeur des bâtiments, santé, biodiversité, sobriété énergétique, économies d’énergie, mais aussi préservation du ciel étoilé.

Il y aurait donc un consensus sur le besoin de réduire la pollution lumineuse, désormais imposé par la loi, mais un frein à lever par rapport à ce sentiment d’insécurité ?

Parfois, des maires hésitent à mettre en place des actions d’extinction par peur de plaintes des habitants. Mais je pressens que l’absence de lumière nous renvoie à nos peurs d’enfant. Notre imaginaire vient remplir le noir par la peur du loup ou du cambrioleur. Or en écologie urbaine, il faut prendre en compte les représentations. En parallèle de cette enquête auprès des usagers, nous en menons une à destination des communes, sur les actions déjà mises en place : diminution de l’intensité, détecteur de présence ou extinction.

Les résultats de cette enquête peuvent-ils vous aider à convaincre ?

Aujourd’hui, je ne pense pas qu’on puisse convaincre le public uniquement par le prisme de la biodiversité ou du climat. La porte d’entrée que j’ai choisie en tant qu’écologue, c’est le confort de l’être humain. C’est nous qui pâtissons le plus fort de la lumière artificielle. Des études montrent un lien direct entre excès de lumière et maladie : la lumière influe sur notre système hormonal, ce qui peut donner des troubles du sommeil, un déséquilibre pouvant mener à des cancers, de la thyroïde par exemple. Pensons d’abord à nous et cela fera du bien à tout le monde, aux chauve-souris comme au ciel étoilé !

(1) Une trame noire est une continuité écologique moins soumise à la pollution lumineuse. C’est la superposition des trames vertes et bleues avec l’obscurité.

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