[INTERVIEW] « Pour Railcoop, la reconstitution du marché est un vrai défi »

Publié le jeu 09/07/2020 - 10:30

©C.Pelaprat

Propos recueillis par Élodie Crézé

Pierre Zembri*, spécialiste en géographie des transports, explique que l’État s’est désengagé de nombreuses liaisons ferroviaires, comme celle assurant la traversée du Massif central, à laquelle la coopérative Railcoop tente de pourvoir. Mais le marché reste à reconquérir…

Les trains intercités sont-ils appelés à disparaître, tout comme les petites lignes assurant les liaisons en milieu rural ?
Il faut d’abord préciser que les trains intercités ne relèvent pas de la même logique que celle des petites lignes, assurant la desserte fine des territoires ruraux. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, la décision du maintien de la ligne est motivée par des raisons diverses, comme l’état des voies, ou encore la rentabilité du service. Dans le cas des trains intercités, le payeur est l’État et dans le cas des autres services, ce sont plutôt les régions. État et collectivité ont chacun leur stratégie et décident de desservir ou non certains territoires. Le choix est d’abord politique.

Pourquoi un tel désengagement de l’État et des collectivités ?
L’État, qui a besoin de faire des économies, avait commandité un rapport à Philippe Duron en 2015 sur « l’Avenir des trains d’équilibre »1, et il était ressorti que certaines lignes n’étaient pas prioritaires, sauf s’il n’existait pas d’alternatives autoroutières. Un certain nombre d’arbitrages ont été faits à ce moment-là. C’est dans ce cadre que les liaisons à travers le Massif central n’ont pas été jugées prioritaires.

Pourtant les passagers sont toujours là !
Et ils ne demandent qu’à monter dans les trains s’ils sont à l’heure et mettent un temps non déraisonnable !

Railcoop représente-t-il une alternative intéressante dans ce contexte ?
L’idée de Railcoop est de se substituer à la SNCF défaillante et d’assurer des trains de longue distance. À l’heure actuelle, la ligne sur laquelle se positionne Railcoop - la traversée du Massif central - n’offre plus de trains directs. Ils n’ont pas été rétablis après des travaux alors qu’ils figurent  toujours dans la convention Intercités, et que la SNCF devrait les exploiter. Il y a pourtant une vraie demande : une pétition  a recueilli 12000 signatures  pour demander le rétablissement du service ! S’il existe potentiellement un marché, il va tout de même falloir le recréer, car les usagers ont pris d’autres habitudes pour se déplacer. Cette reconstitution du marché est un vrai défi.

 

1. Rapport et convention Trains d’équilibre du territoire : www.ecologique-solidaire.gouv.fr/trains-dequilibre-du-territoire-tet

*Il est également professeur à l'université Paris-Est et directeur du Laboratoire ville mobilité transport (LVMT).

 

Plus d’infos : www.lvmt.fr

Garantissez l'indépendance rédactionnelle et financière de Sans transition !