[INTERVIEW] Nelly Pons : « Déplastifions notre esprit »

Publié le jeu 13/10/2022 - 12:00

Auteure d’Océan Plastique (2020) et plus récemment de Déplastifier sa vie (2022), Nelly Pons est spécialiste de la consommation plastique et de son impact sur notre planète. Avant ses prochaines interventions en conférence sur le thème du « Zéro déchet », le vendredi 21 octobre à Velaux et puis mardi 22 novembre à Montbrison, quelques questions à cette auteure engagée.

 

ST : Pourquoi est-il si nécessaire de déplastifier sa vie et son environnement ?

Nelly Pons : Nous pensons souvent que le problème principal du plastique, c’est le déchet. Or, si l’on regarde à quel moment démarre la pollution, la vraie question est celle de la matière en elle-même. Non seulement elle est problématique dès l’extraction de sa matière première, puisque 80 % des matières plastiques sont produites à partir du gaz et du pétrole. Mais il y a ensuite une pollution généralisée liée aux microplastiques et aux additifs chimiques. Donc, même si nous avons des difficultés dans la gestion de nos déchets, qu’il faut bien évidemment travailler, il existe aussi une urgence sanitaire et environnementale qui doit être prioritaire. Cette matière, qui est parmi les plus problématiques que l’on ait mis au point, est le fondement de la société de la consommation et du jetable que nous avons créée. Déplastifier sa vie, c’est aussi augmenter son niveau de connaissance sur cette matière très usuelle et inventer un futur sans elle.

ST : Vous dîtes que le plastique est une matière problématique. Mais connaissons-nous aujourd'hui tous ses impacts sanitaires et environnementaux ?

Nelly Pons : Bien sûr que non ! Même moi, j’en apprends encore tous les jours. Le sujet du plastique est particulièrement complexe, avec une multiplicité des enjeux, des matières et de produits différents. Je voudrais lancer un appel général à la montée en compétences sur le sujet, à la fois des citoyens et des pouvoirs publics. Je suis parfois auditionnée au Cese ou à l’assemblée nationale, qui créent des commissions de travail qui sont de bonne volonté. Mais c’est une question massive, internationale, qui touche à la fois nos habitudes les plus quotidiennes et qui toucherait des domaines industriels entiers si on décidait de réorienter les chaînes de production. De son côté, le politique a tendance à tendre l’oreille aux lobbies qui veulent « verdir » le plastique, qui vendent le recyclage comme une superbe solution, parce que les vraies décisions à prendre ne font plaisir à personne. De leur côté, les citoyens ont intérêt à se passer de plastique le plus possible, ne serait-ce que pour leur santé.

ST : Quelle mesure pourrait-elle être mise en place prioritairement pour sortir le plastique de nos quotidiens ?

Nelly Pons : À peu près 50 % de la production mondiale de plastique touche à l’emballage et à l’usage unique, c’est donc la question à travailler en priorité. Sans pour autant se passer entièrement des emballages indispensables. À l’échelle du citoyen, le nerf de la guerre, c’est simplifier ses placards, dans nos cuisines, nos salles de bain... Mais il y a également un problème systémique. D’ailleurs, un rapport du Sénat rendu public l’année dernière pointait le fait que 81 % de nos objets en plastique vont à la poubelle en moins d’un an. Il y a donc des gens qui passent leur vie à travailler pour que dans les heures ou les jours qui viennent, le fruit de leurs efforts arrive directement à la poubelle ! Les axes prioritaires sont donc ceux qui permettent de lutter contre ce gaspillage immense de matière et de travail.

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